LIle des Pingouins | Page 5

Anatole France
lequel le sang divin a rev��tu la terre d'une pourpre royale. Au large, une ligne d'un bleu sombre marquait les rivages de l'?le de Gad, o�� sainte Brigide, qui avait re?u le voile de saint Malo, gouvernait un monast��re de femmes.
Or, Brigide, instruite des m��rites du v��n��rable Ma?l, lui fit demander, comme un riche pr��sent, quelque ouvrage de ses mains. Ma?l fondit pour elle une clochette d'airain et, quand elle fut achev��e, il la b��nit et la jeta dans la mer. Et la clochette alla sonnant vers le rivage de Gad, o�� sainte Brigide, avertie par le son de l'airain sur les flots, la recueillit pieusement, et, suivie de ses filles, la porta en procession solennelle, au chant des psaumes, dans la chapelle du moustier.
Ainsi le saint homme Ma?l marchait de vertus en vertus. Il avait d��j�� parcouru les deux tiers du chemin de la vie, et il esp��rait atteindre doucement sa fin terrestre au milieu de ses fr��res spirituels, lorsqu'il connut �� un signe certain que la sagesse divine en avait d��cid�� autrement et que le Seigneur l'appelait �� des travaux moins paisibles mais non moindres en m��rite.

CHAPITRE II
VOCATION APOSTOLIQUE DE SAINT MA?L
Un jour qu'il allait, m��ditant, au fond d'une anse tranquille �� laquelle des rochers allong��s dans la mer faisaient une digue sauvage, il vit une auge de pierre qui nageait comme une barque sur les eaux.
C'��tait dans une cuve semblable que saint Guirec, le grand saint Colomban et tant de religieux d'Ecosse et d'Irlande ��taient all��s ��vang��liser l'Armorique. Nagu��re encore, sainte Avoye, venue d'Angleterre, remontait la rivi��re d'Auray dans un mortier de granit rose o�� l'on mettra plus tard les enfants pour les rendre forts; saint Vouga passait d'Hibernie en Cornouailles sur un rocher dont les ��clats, conserv��s �� Penmarch, gu��riront de la fi��vre les p��lerins qui y poseront la t��te; saint Samson abordait la baie du mont Saint-Michel dans une cuve de granit qu'on appellera un jour l'��cuelle de saint Samson. C'est pourquoi, �� la vue de cette auge de pierre, le saint homme Ma?l comprit que le Seigneur le destinait �� l'apostolat des pa?ens qui peuplaient encore le rivage et les ?les des Bretons.
Il remit son baton de fr��ne au saint homme Budoc, l'investissant ainsi du gouvernement de l'abbaye. Puis, muni d'un pain, d'un baril d'eau douce et du livre des Saints ��vangiles, il entra dans l'auge de pierre, qui le porta doucement �� l'?le d'Hoedic.
Elle est perp��tuellement battue des vents. Des hommes pauvres y p��chent le poisson entre les fentes des rochers et cultivent p��niblement des l��gumes dans des jardins pleins de sable et de cailloux, abrit��s par des murs de pierres s��ches et des haies de tamaris. Un beau figuier s'��levait dans un creux de l'?le et poussait au loin ses branches. Les habitants de l'?le l'adoraient.
Et le saint homme Ma?l leur dit:
--Vous adorez cet arbre parce qu'il est beau. C'est donc que vous ��tes sensibles �� la beaut��. Or, je viens vous r��v��ler la beaut�� cach��e.
Et il leur enseigna l'��vangile. Et, apr��s les avoir instruits, il les baptisa par le sel et par l'eau.
Les ?les du Morbihan ��taient plus nombreuses en ce temps-l�� qu'aujourd'hui. Car, depuis lors, beaucoup se sont ab?m��es dans la mer. Saint Ma?l en ��vang��lisa soixante. Puis, dans son auge de granit, il remonta la rivi��re d'Auray. Et apr��s trois heures de navigation il mit pied �� terre devant une maison romaine. Du toit s'��levait une fum��e l��g��re. Le saint homme franchit le seuil sur lequel une mosa?que repr��sentait un chien, les jarrets tendus et les babines retrouss��es. Il fut accueilli par deux vieux ��poux, Marcus Combabus et Valeria Moerens, qui vivaient l�� du produit de leurs terres. Autour de la cour int��rieure r��gnait un portique dont les colonnes ��taient peintes en rouge depuis la base jusqu'�� mi-hauteur. Une fontaine de coquillages s'adossait au mur et sous le portique s'��levait un autel, avec une niche o�� le ma?tre de cette maison avait d��pos�� de petites idoles de terre cuite, blanchies au lait de chaux. Les unes repr��sentaient des enfants ail��s, les autres Apollon ou Mercure, et plusieurs ��taient en forme d'une femme nue qui se tordait les cheveux. Mais le saint homme Ma?l, observant ces figures, d��couvrit parmi elles l'image d'une jeune m��re tenant un enfant sur ses genoux.
Aussit?t il dit, montrant cette image:
--Celle-ci est la Vierge, m��re de Dieu. Le po��te Virgile l'annon?a en carmes sibyllins avant qu'elle ne f?t n��e, et, d'une voix ang��lique, il chanta Jam redit et virgo. Et l'on fit d'elle dans la gentilit�� des figures proph��tiques telles que celle-ci, que tu as plac��e, ? Marcus, sur cet autel. Et sans doute elle a prot��g�� tes lares modiques. C'est ainsi que ceux qui observent exactement la loi naturelle se pr��parent �� la connaissance des v��rit��s r��v��l��es.
Marcus Combabus et Valeria Moerens, instruits par ce discours,
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