mon livre.
Entre temps, j'ai consulté mes amis scientifiques: tous m'ont répondu qu'ils étaient satisfaits de mon exposé, mais ce n'est pas là ce que j'attendais d'eux. Un livre, embrassant en 300 pages des milliers et des milliers d'années de la lutte de l'homme pour atteindre le progrès, ne peut être exempt de lacunes.
Ces causes de corrections ne sont pas les seules: Bien des ouvrages ont, depuis 1921, été publiés en diverses langues et, parfois, après en avoir pris connaissance, j'ai été amené à modifier ma manière de voir; de plus les études très approfondies auxquelles je me suis livré pour terminer un grand ouvrage: la Préhistoire orientale m'ont invité à discuter de l'interprétation de certains faits, avec des spécialistes et ce pour mon plus grand bénéfice. Je tiens à faire profiter le lecteur des fruits de ces discussions.
25 janvier 1923.
DE MORGAN.
CONSIDéRATIONS PRéLIMINAIRES
Les études relatives à la préhistoire de l'homme, à cette phase de son évolution pour laquelle aucun document écrit ne vient guider les recherches, bien qu'elles soient nées depuis bient?t un siècle, sont encore dans l'enfance. D'une part nos investigations, bien sommaires encore, hélas! ne portent que sur un petit nombre de régions, d'autre part nous ne possédons aucun terme de comparaison permettant de mesurer, dans le temps comme dans l'espace, l'étendue de ces premiers efforts de l'humanité pour améliorer ses conditions d'existence; et l'ampleur du sujet est telle, que cette branche d'études fait appel à la plupart des connaissances scientifiques. La géologie, la zoologie, la botanique, la climatologie, l'anthropologie, l'ethnographie sont les bases de la préhistoire qui, comme toutes les sciences d'observation, c?toie cette muraille de ténèbres derrière laquelle se dissimulent à nos yeux les origines des êtres et des choses.
Quand on s'engage dans les divers chemins de la science pour remonter vers les origines, bient?t on se heurte à l'inconnu. Au fur et à mesure qu'on avance, l'obscurité s'accro?t jusqu'à devenir la nuit, nuit du passé, nuit de l'avenir, où l'insuffisance de nos moyens d'investigation ne nous permet pas encore de pénétrer. C'est qu'en toutes choses nos moyens d'observation se montrent insuffisants, c'est que le temps a détruit la plupart des témoins à la portée de notre intellect et que ceux qui ont survécu aux injures des siècles échappent trop souvent, hélas! à notre perspicacité. Plus on remonte dans les ages, plus est difficile la perception des traces épargnées par le temps; et dans les contrées mêmes dont nos pieds foulent le sol, dans ces régions que nous pensons conna?tre le mieux, nos observations ne sont encore que bien superficielles. Durant des siècles et des siècles on a méconnu les vestiges des vieilles civilisations de la pierre; demain para?tront peut-être des témoins plus anciens encore, les ténèbres reculeront quelque peu; mais jamais nous ne parviendrons au but, jamais nous ne dissiperons complètement les obscurités des origines.
Aujourd'hui d'ailleurs, en ce qui regarde la haute antiquité de l'homme sur la terre, nos recherches ne portent encore que sur une aire géographique bien limitée; l'Europe occidentale, le nord de l'Afrique, quelques points de l'Asie antérieure et de l'Amérique du Nord, seulement, nous ont livré quelques-uns de leurs secrets, confidences bien incomplètes, d'étendue fort restreinte, dont il serait dangereux au plus haut point de tirer des conclusions d'ordre général. à peine sommes-nous en droit de proposer quelques hypothèses. Il ne faut pas oublier, en effet, que très certainement une multitude d'indices nous échappent encore, que les industries de la pierre sur lesquelles nous basons nos théories ne forment qu'une infime part des témoignages de la vie humaine et que les autres traces ne nous sont pas encore apparues ou sont à jamais perdues.
Fatalement l'esprit est enclin à la généralisation des phénomènes dont il constate l'existence, à négliger les inconnues sans nombre des questions dans lesquelles il pénètre par un c?té; et ces tendances, très humaines d'ailleurs, ont été l'origine et la cause des théories relatives à la vie préhistorique de l'homme, théories absolues bien qu'elles fussent irrationnelles. Pouvons-nous admettre, en effet, que les pays occidentaux de l'Europe ont joué dans les débuts du progrès un r?le prépondérant par rapport au reste du monde, qu'ils ont été des foyers de développement? Certes non, car nous ignorons ce qui s'est passé dans les autres parties de l'Univers, non seulement dans les continents modernes, dans ceux qui émergent actuellement des mers, mais aussi dans ces vastes régions ab?mées aujourd'hui dans la profondeur des mers, et dont nous soup?onnons seulement l'antique existence. Ce n'est pas de l'imparfaite connaissance de quelques millions de kilomètres carrés, trois tout au plus, que nous sommes en droit de déduire des lois s'appliquant au monde entier, ce n'est pas par l'étude de quelques rares squelettes et d'industries locales que nous pouvons juger de ces innombrables mouvements des peuples primitifs, classer ces vagues humaines qui, semblables à celles que les vents

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