de Morgan le peut faire, parce qu'il a passé six ans en égypte, trois ans au Caucase et en Arménie, seize ans en Perse: sa préoccupation synthétique est tout à fait heureuse, tout à fait neuve, et bien appropriée à notre dessein.
Si dans l'espace M. de Morgan cherche à atteindre la primitive humanité tout entière, s'il traite les diverses régions et les diverses civilisations comme des cas particuliers de la préhistoire générale, d'autre part il conna?t les diverses sciences qui demandent à être mises en contact pour une interprétation approfondie des faits. La géologie, la paléozoologie et la paléobotanique, la climatologie sont nécessaires à l'intelligence de l'évolution humaine: la complexité des causes implique la diversité du savoir.
Enfin M. de Morgan n'est pas seulement l'auteur d'un texte riche et précis: il l'est aussi d'une abondante illustration. L'homme primitif n'est atteint dans son humble vie que grace aux vestiges de son industrie: il faut que le préhistorien interroge des objets de toutes sortes; et il faut, naturellement, qu'il les fasse conna?tre au lecteur. M, de Morgan a estimé avec raison que ce serait alléger l'ouvrage, en évitant de longues descriptions et de longues comparaisons, que de présenter les objets eux-mêmes; et il y trouvait cet avantage encore de pouvoir accorder plus de place aux idées générales. Les 190 planches de ce volume, les 1300 figures--dont certaines reproduisent ses propres trouvailles--ont été, pour la plupart, dessinées par lui: il n'a cherché de repos, au cours de son travail, que dans l'alternance des occupations. Par leur choix, leur groupement, leur opportune insertion dans le texte, ces figures donnent au livre un prix inestimable; M. de Morgan l'a con?u de telle sorte qu'il parlat tout à la fois aux yeux et à l'esprit.
* * *
C'est la préhistoire véritable--avec les époques paléolilique et néolithique--et c'est l'industrie qui occupent ici la place principale. Mais, dans cette large fresque de notre plus lointain passé, M. de Morgan a embrassé les ages des métaux, et il a résumé à grands traits ce qu'on peut entrevoir de la vie primitive sous ses divers aspects. Il a dressé ainsi le programme général des civilisations protohistoriques qui seront étudiées en détail dans des volumes spéciaux; et son volume en constitue, pour ainsi dire, le tableau d'assemblage [31].
[Note 31: Nous aurons, pour notre part, à revenir sur les origines psychiques, sur le r?le social de l'art et de la religion]
Un de ses grands mérites, au surplus,--que nous tenons à souligner parce qu'il répond bien au caractère général de cette oeuvre,--c'est de ne pas forcer la part du connu, de ne pas dissimuler les problèmes qui subsistent, d'y insister tout au contraire. ?Ce que nous savons aujourd'hui est bien peu de chose en comparaison de ce qu'il nous reste à apprendre?: tels sont ses derniers mois. Mais tout le long du livre il met en garde le public contre les ?hypothèses qui n'ont rien de scientifique?, et il multiplie les réserves prudentes. Sur les foyers originels de l'espèce humaine, sur le synchronisme des étapes pour les races et les groupements divers, sur leurs mouvements migratoires et leurs relations, sur les questions d'indépendance ou de communication dans le développement des industries, il montre cette modestie de savoir qui est le caractère des vrais savants. Les ?amateurs de cailloux taillés? ne manquent pas: les historiens tournés vers la préhistoire sont trop peu nombreux. Rien n'est plus utile que de faire embrasser aux travailleurs, aux débutants surtout, l'évolution entière de l'humanité et de leur signaler les lacunes de la connaissance. Pour la préhistoire une partie de la terre reste à explorer, et les recherches ne sont pas organisées. M. de Morgan aura bien mérité de la science en précisant ce qui reste à faire dans un domaine immense, singulièrement attachant, et d'une importance capitale pour la synthèse historique[32].
HENRI BERR.
[Note 32: Nous croyons qu'il y aura aussi quelque chose à faire, en histoire, pour la fixation des termes.--M. de Morgan emploie volontiers le mot préhistoire en un sens large: tout ce qui concerne, quelle que soit l'époque où on le trouve, l'homme primitif (il dit quelquefois: le barbare). L'ethnographie co?ncide donc pour lui, en partie, avec la préhistoire: il parle de ?préhistoire moderne?. Il donne également un sens très large au mot philosophie.]
L'HUMANITé PRéHISTORIQUE
ESQUISSE DE PRéHISTOIRE GéNéRALE
AVERTISSEMENT
Il n'est pas un seul livre traitant de questions dans lesquelles l'observation est la base, qui puisse être considéré comme étant définitif. De tels ouvrages ne peuvent qu'exposer l'état de la science au jour de leur apparition: un mois après, l'auteur modifierait déjà certains passages de son texte, c'est ce qu'il en advient pour l'Humanité préhistorique. Je manquerais à mon devoir si je ne faisais pas part au lecteur des découvertes et des idées nouvelles, survenues en quelques mois, depuis que j'ai donné le ?bon à tirer? de la première édition de

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