LHumanité préhistorique | Page 8

Jacques Jean-Marie de Morgan
soulèvent sur les océans, ont couvert les continents, se sont brisées sur les montagnes, ce n'est pas d'observations géologiques localisées sur quelques points, mieux étudiés que d'autres, qu'on peut déduire la marche générale des mers de glace, qu'on peut juger des convulsions du sol de notre planète, de ces grands mouvements variables à l'infini, suivant les lieux, suivant les temps, dont l'importance a été si considérable dans les destinées de l'humanité primitive.
Aucun indice, jusqu'ici, ne nous permet de conna?tre les foyers originels des divers groupes humains, et bien rares sont les témoignages des migrations primitives. La nuit enveloppe encore le berceau de notre propre civilisation; comment parlerions-nous des origines de ces peuples que nous ne connaissons que par les produits de leurs grossières industries?
Il ne faut pas chercher à donner à la préhistoire une précision qu'elle ne peut pas posséder. Souvenons-nous toujours que nous nous trouvons en face de l'inconnu le plus vaste qui soit, que de nos observations locales nous ne devons tirer que des conclusions locales elles-mêmes, et que ces constatations portent seulement sur des temps où l'homme était déjà singulièrement développé.
Ce n'est pas ici la place d'entrer dans des considérations sur les origines possibles des hominiens, puisqu'il est traité spécialement de ce sujet dans l'un des volumes de cette série; mais, avant d'aborder l'exposé des industries primitives, il est important de faire observer que nous ne connaissons rien des origines humaines, et qu'il en est de même de tout ce qui concerne les débuts de l'évolution organique.
Les couches géologiques les plus anciennes, celles dans lesquelles apparaissent pour la première fois les vestiges de la vie, nous montrent une faune très développée déjà; ce n'est pas que l'existence animale et végétale e?t débuté pourvue d'organismes supérieurs, c'est que les premiers efforts de la nature n'ont pas laissé de traces. Les gneiss pré-cambriens et les granits ont certainement connu les êtres organisés; mais ils ne nous en ont pas transmis les empreintes. Il en est de même en ce qui regarde les origines humaines; l'homme a peut-être vécu dans les temps tertiaires; il se peut qu'un jour on rencontre ses restes dans quelqu'un de ces ossuaires qui, comme ceux de Pikermi, de Maragha, du Dakota, etc., permettent de reconstituer les faunes disparues, dans les vases de quelque lac tel que celui de Sansan, où sont venus s'amonceler les cadavres entra?nés par les fleuves; mais, jusqu'à ce jour, aucune découverte de cette nature n'est venue à l'appui des hypothèses relatives à l'homme et à ces instruments primitifs qu'on désigne sous le nom d'éolithes. Ces éolithes d'ailleurs qu'on nous donne comme fa?onnées par la main de l'homme ne sont pas concluantes par elles-mêmes, quant à l'antiquité de l'humanité sur la terre. Nous devons donc nous borner à prendre l'être humain lorsqu'il nous appara?t d'une manière certaine, aux temps quaternaires, de même que nous prenons le développement animal à la période cambrienne. La faune pré-silurienne est déjà très élevée dans l'ordre zoologique, et, aux temps glaciaires, l'homme possède déjà une industrie très avancée; c'est là tout ce que nous savons. Au delà, tant sur la paléontologie que sur l'anthropologie, plane le mystère.
Quelques terres privilégiées, la Chaldée, l'élam et l'égypte ont, plus t?t que le reste du monde, connu les bienfaits de l'écriture. Six mille ans environ se sont écoulés depuis que cette aurore, levée sur l'Orient, a répandu sa lumière sur les régions du Tigre, de l'Euphrate et du Nil; mais, pendant bien des siècles, ce foyer n'a brillé que pour lui-même, et le reste du monde est demeuré plongé dans les ténèbres: enfin, peu à peu, de proche en proche, la clarté s'est faite, de nos jours encore elle se répand, couvre de nouvelles régions; mais bien des siècles s'écouleront avant que, sur toute la terre, l'être humain soit complètement sorti de l'ignorance et de la barbarie.
En Asie même, en égypte, avant que surv?nt la plus grande des inventions de l'homme, celle qui permit de fixer la pensée par l'écriture, que de siècles ont d? s'écouler pour que l'humanité sort?t enfin, peu à peu, de la condition inférieure, animale, dans laquelle certainement elle a vécu aux origines, pour que l'être, naturellement doué de raison, se compr?t lui-même, pour qu'il s'affranch?t de quelques-uns de ses instincts, de ceux qui s'opposaient à son développement intellectuel et moral!
C'est alors que, parmi ces innombrables familles humaines, intervint un facteur puissant, celui des aptitudes. Toutes les hordes n'étaient point égales en vitalité physique et intellectuelle, soit que l'ambiance dans laquelle elles avaient vécu f?t impropre à leur développement, soit que par atavisme elles fussent condamnées à l'infériorité.
Là survient le mystère de l'origine unique ou multiple de la race humaine, problème dont nous ne pouvons même pas entrevoir la solution. Les descendants d'Adam, dit la tradition, ont épousé les filles des hommes. Il existait donc des hommes,
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