de mannes, de boîtes, de
coffres contenant certains objets enveloppés dans de la paille, des
bouteilles de verre, à ce qu'il parut à Hall, lequel, curieux, arrachait la
paille comme par hasard.
L'étranger, bien emmitouflé, avec son chapeau, son pardessus, ses gants,
son cache-nez, avait manifesté l'intention d'aller au-devant de
Fearenside et de sa voiture, tandis que Hall, cherchant l'occasion
d'offrir son aide, risquait quelques mots de bavardage. Il sortit sans
prendre garde au chien de Fearenside, qui flairait en amateur les jambes
de Hall.
« Allez, arrivez donc, avec ces caisses ! Vous m'avez assez fait
attendre ! »
Et il descendit le perron, se dirigeant vers l'arrière du chariot comme
pour mettre la main sur la malle la plus petite.
Le chien de Fearenside ne l'eut pas plus tôt aperçu qu'il se hérissa et se
prit à grogner d'une manière farouche ; l'autre avait à peine fait les
premiers pas que l'animal sauta d'abord d'une façon inquiétante, puis
s'élança bientôt sur la main.
« Oust ! » cria Hall, en reculant, car il n'était pas brave. Fearenside
hurla :
« Allez coucher ! » et prit son fouet.
Tous deux virent les dents du chien effleurer la main, la bête exécuta un
saut de côté et saisit la jambe de l'étranger : le pantalon se déchira, avec
un bruit sec. Alors, la fine pointe du fouet de Fearenside atteignit le
coupable, et celui-ci, aboyant de peur, se réfugia sous la voiture. Cela
fut l'affaire d'une demi-minute. Personne n'avait parlé, tout le monde
avait crié. L'étranger jeta un coup d'œil sur son gant déchiré, sur sa
jambe, fit comme s'il voulait se baisser, puis se redressa brusquement et
franchit le perron pour rentrer dans l'auberge. On l'entendit traverser
précipitamment le corridor et grimper jusqu'à sa chambre l'escalier sans
tapis.
« Ah ! la sale bête ! » fit Fearenside, sautant de la voiture avec son
fouet à la main, tandis que le chien, sous la voiture, le suivait du regard.
« Ici ! ici !… »
Hall était resté bouche béante.
« Il aura été mordu, dit-il. Je ferais bien d'y aller moi-même. »
Il suivit l'étranger. Dans le couloir il rencontra Mme Hall et lui apprit le
méfait du chien. Il monta rapidement l'escalier. La porte du voyageur
étant entrebâillée, il la poussa, l'ouvrit et entra sans cérémonie : la
nature l'avait fait d'humeur familière. Le store baissé, la pièce était
sombre. Il ne fit qu'apercevoir une chose tout à fait singulière : comme
un bras sans main, s'agitant dans sa direction, et une figure à peine
indiquée par trois gros points noirs sur du blanc, pareils aux taches
marquées sur une pensée jaune. En même temps, il recevait un coup
violent à la poitrine, il était rejeté en arrière, la porte lui retombait sur le
nez, la clef tournait dans la serrure. Tout cela fut si rapide qu'il ne put
rien distinguer : des formes vagues en mouvement, une poussée, un
choc, rien de plus. Il resta abasourdi sur le palier obscur, se demandant
avec terreur ce qui s'était passé.
Deux minutes, et il rejoignit le petit groupe qui s'était réuni devant la
maison. Il y avait là Fearenside racontant pour la seconde fois l'incident
du chien ; il y avait là Mme Hall se plaignant que ce chien mordît ses
voyageurs ; il y avait là, en curieux, Huxter, le boutiquier d'en face, et,
en arbitre, Sandy Wadgers, qui venait de sa forge ; puis des femmes et
des enfants, tous parlant à tort et à travers.
« Je ne me laisserais pas mordre, moi, je vous en réponds ! »
« Il devrait être défendu d'avoir de pareils animaux. »
« Pourquoi l'a-t-il mordu ? »
Et le reste à l'avenant.
M. Hall, qui les examinait et les écoutait du perron, n'était plus sûr
maintenant d'avoir vu là-haut quelque chose de si étrange. D'ailleurs,
son vocabulaire était trop limité pour lui permettre de traduire ses
impressions.
« Il prétend n'avoir besoin de personne, répondit-il à une question de sa
femme. Il vaudrait mieux rentrer ses bagages à l'intérieur.
– Il aurait dû cautériser la plaie immédiatement, prononça M. Huxter,
surtout si elle est à vif.
– Moi, je tuerais la bête, voilà ce que je ferais ! » dit une femme, dans
le groupe.
Tout à coup, le chien se mit à grogner de nouveau.
« Venez donc, allons ! » cria sous la porte une voix courroucée.
L'inconnu était là, bien enveloppé, le col relevé, le bord du chapeau
rabattu sur les yeux.
« Plus vite vous aurez rentré tout cela, plus je serai content. »
Il est établi par le témoignage universel qu'il avait changé de pantalon
et de gants.
« Êtes-vous blessé, monsieur ? demanda Fearenside. Je suis tout à fait
désolé que cet animal…
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