LEtourdi | Page 5

Molière
frustrer un rival de ses prétentions.
- Mascarille -
Laissez-moi quelque temps rêver à cette affaire.
(à part.)
Que pourrais-je inventer pour ce coup nécessaire ?
- Lélie -
Eh bien ! le stratagème ?
- Mascarille -
Ah ! comme vous courez ! Ma cervelle toujours marche à pas mesurés. J'ai trouvé votre
fait : il faut... Non, je m'abuse. Mais si vous alliez...
- Lélie -
Où ?
- Mascarille -
C'est une faible ruse. J'en songeais une...
- Lélie -
Et quelle ?
- Mascarille -
Elle n'irait pas bien. Mais ne pourriez-vous pas...?
- Lélie -
Quoi ?
- Mascarille -
Vous ne pourriez rien. Parler avec Anselme.
- Lélie -
Et que lui puis-je dire ?
- Mascarille -
Il est vrai, c'est tomber d'un mal dedans un pire. Il faut pourtant l'avoir. Allez chez
Trufaldin.
- Lélie -
Que faire ?
- Mascarille -
Je ne sais.
- Lélie -
C'en est trop, à la fin, Et tu me mets à bout par ces contes frivoles.
- Mascarille -
Monsieur, si vous aviez en main force pistoles, Nous n'aurions pas besoin maintenant de
rêver A chercher les biais que nous devons trouver, Et pourrions, par un prompt achat de
cette esclave, Empêcher qu'un rival vous prévienne et vous brave. De ces Egyptiens qui
la mirent ici, Trufaldin, qui la garde, est en quelque souci ; Et trouvant son argent, qu'ils
lui font trop attendre, Je sais bien qu'il serait très ravi de la vendre : Car enfin en vrai
ladre il a toujours vécu ; Il se ferait fesser pour moins d'un quart d'écu ; Et l'argent est le

dieu que surtout il révère : Mais le mal, c'est...
- Lélie -
Quoi ? c'est...
- Mascarille -
Que monsieur votre père Est un autre vilain qui ne vous laisse pas, comme vous voudriez
bien, manier ses ducats ; Qu'il n'est point de ressort qui, pour votre ressource, Pût faire
maintenant ouvrir la moindre bourse. Mais tâchons de parler à Célie un moment, Pour
savoir là-dessus quel est son sentiment. La fenêtre est ici.
- Lélie -
Mais Trufaldin, pour elle, Fait de nuit et de jour exacte sentinelle. Prend garde.
- Mascarille -
Dans ce coin demeurons en repos. O bonheur ! la voilà qui sort tout à propos.
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Scène III. - Célie, Lélie, Mascarille.
- Lélie -
Ah ! que le ciel m'oblige en offrant à ma vue Les célestes attraits dont vous êtes pourvue !
Et, quelque mal cuisant que m'aient causé vos yeux, Que je prends de plaisir à les voir en
ces lieux !
- Célie -
Mon coeur, qu'avec raison votre discours étonne, N'entend pas que mes yeux fassent mal
à personne ; Et si dans quelque chose ils vous ont outragé, Je puis vous assurer que c'est
sans mon congé.
- Lélie -
Ah ! leurs coups sont trop beaux pour me faire une injure ! Je mets toute ma gloire à
chérir leur blessure, Et...
- Mascarille -
Vous le prenez là d'un ton un peu trop haut ; Ce style maintenant n'est pas ce qu'il nous
faut. Profitons mieux du temps, et sachons vite d'elle Ce que...
- Trufaldin -
(dans sa maison.)
Célie !
- Mascarille -
(à Lélie.)
Eh bien !
- Lélie -
O rencontre cruelle ! Ce malheureux vieillard devait-il nous troubler ?
- Mascarille -
Allez, retirez-vous ; je saurai lui parler.
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Scène IV. - Trufaldin, Célie, Lélie (retiré, dans un coin), Mascarille.
- Trufaldin -
(à Célie.)
Que faites-vous dehors ? et quel soin vous talonne, Vous à qui je défends de parler à
personne ?
- Célie -
Autrefois j'ai connu cet honnête garçon ; Et vous n'avez pas lieu d'en prendre aucun

soupçon.
- Mascarille -
Est-ce là le seigneur Trufaldin ?
- Célie -
Oui, lui-même.
- Mascarille -
Monsieur, je suis tout vôtre, et ma joie est extrême De pouvoir saluer en toute humilité
Un homme dont le nom est partout si vanté.
- Trufaldin -
Très humble serviteur.
- Mascarille -
J'incommode peut-être ; Mais je l'ai vue ailleurs, où, m'ayant fait connaître Les grands
talents qu'elle à pour savoir l'avenir, Je voulais sur un point un peu l'entretenir.
- Trufaldin -
Quoi ! te mêlerais-tu d'un peu de diablerie ?
- Célie -
Non, tout ce que je sais n'est que blanche magie.
- Mascarille -
Voici donc ce que c'est. Le maître que je sers Languit pour un objet qui le tient dans ses
fers ; Il aurait bien voulu du feu qui le dévore Pouvoir entretenir la beauté qu'il adore :
Mais un dragon, veillant sur ce rare trésor, N'a pu, quoi qu'il ait fait, le lui permettre
encor ; Et ce qui plus le gêne et le rend misérable, Il
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