vient de découvrir un rival
redoutable : Si bien que, pour savoir si ses soins amoureux Ont sujet d'espérer quelque
succès heureux, Je viens vous consulter, sûr que de votre bouche Je puis apprendre au
vrai le secret qui nous touche.
- Célie -
Sous quel astre ton maître a-t-il reçu le jour ?
- Mascarille -
Sous un astre à jamais ne changer son amour.
- Célie -
Sans me nommer l'objet pour qui son coeur soupire, La science que j'ai m'en peut assez
instruire. Cette fille a du coeur, et, dans l'adversité, Elle sait conserver une noble fierté ;
Elle n'est pas d'humeur à trop faire connaître Les secrets sentiments qu'en son coeur on
fait naître. Mais je les sais comme elle, et, d'un esprit plus doux, Je vais en peu de mots te
les découvrir tous.
- Mascarille -
O merveilleux pouvoir de la vertu magique !
- Célie -
Si ton maître en ce point de constance se pique, Et que la vertu seule anime son dessein,
Qu'il n'appréhende plus de soupirer en vain ; Il a lieu d'espérer, et le fort qu'il veut
prendre N'est pas sourd aux traités, et voudra bien se rendre.
- Mascarille -
C'est beaucoup ; mais ce fort dépend d'un gouverneur Difficile à gagner.
- Célie -
C'est là tout le le malheur.
- Mascarille -
(à part, regardant Lélie.)
Au diable le fâcheux qui toujours nous éclaire !
- Célie -
Je vais vous enseigner ce que vous devez faire.
- Lélie -
(les joignant.)
Cessez, ô Trufaldin, de vous inquiéter ! C'est par mon ordre seul qu'il vous vient visiter,
Et je vous l'envoyais, ce serviteur fidèle, Vous offrir mon service, et vous parler pour elle,
Dont je vous veux dans peu payer la liberté, Pourvu qu'entre nous deux le prix soit arrêté.
- Mascarille -
La peste soit la bête !
- Trufaldin -
Ho ! ho ! qui des deux croire ? Ce discours au premier est fort contradictoire.
- Mascarille -
Monsieur, ce galant homme a le cerveau blessé ; Ne le savez-vous pas ?
- Trufaldin -
Je sais ce que je sai. J'ai crainte ici dessous de quelque manigance.
(à Célie.)
Rentrez, et ne prenez jamais cette licence. Et vous, filous fieffés, ou je me trompe fort,
Mettez, pour me jouer, vos flûtes mieux d'accord.
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Scène V. - Lélie, Mascarille.
- Mascarille -
C'est bien fait. Je voudrais qu'encor, sans flatterie, Il nous eût d'un bâton chargés de
compagnie. A quoi bon se montrer, et, comme un étourdi, Me venir démentir de tout ce
que je di ?
- Lélie -
Je pensais faire bien.
- Mascarille -
Oui, c'était fort l'entendre. Mais quoi ! cette action ne me doit point surprendre : Vous
êtes si fertile en pareils contre-temps, Que vos écarts d'esprit n'étonnent plus les gens.
- Lélie -
Ah ! mon Dieu ! pour un rien me voilà bien coupable ! Le mal est-il si grand qu'il soit
irréparable ? Enfin, si tu ne mets Célie entre mes mains, Songe au moins de Léandre à
rompre les desseins ; Qu'il ne puisse acheter avant moi cette belle. De peur que ma
présence encor soit criminelle, Je te laisse.
- Mascarille -
Fort bien. A dire vrai, l'argent Serait dans notre affaire un sûr et fort agent ; Mais ce
ressort manquant, il faut user d'un autre.
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Scène VI. - Anselme, Mascarille.
- Anselme -
Par mon chef ! C'est un siècle étrange que le nôtre ! J'en suis confus. Jamais tant d'amour
pour le bien, Et jamais tant de peine à retirer le sien ! Les dettes aujourd'hui, quelque soin
qu'on emploie, Sont comme les enfants, que l'on conçoit en joie, Et dont avecque peine
on fait l'accouchement. L'argent dans une bourse entre agréablement ; Mais, le terme
venu que nous devons le rendre, C'est lors que les douleurs commencent à nous prendre.
Baste ! ce n'est pas peu que deux mille francs, dus Depuis deux ans entiers, me soient
enfin rendus ; Encore est-ce un bonheur.
- Mascarille -
(à part les quatre premiers vers.)
O Dieu ! la belle proie A tirer en volant ! Chut, il faut que je voie Si je pourrais un peu de
près le caresser. Je sais bien les discours dont il faut le bercer... Je viens de voir,
Anselme...
- Anselme -
Et qui ?
- Mascarille -
Votre Nérine.
- Anselme -
Que dit-elle de moi, cette gente assasine (1) ?
- Mascarille -
Pour vous elle est de flamme.
- Anselme -
Elle ?
- Mascarille -
Et vous aime tant, Que c'est grande pitié.
- Anselme -
Que tu me rends content !
- Mascarille -
Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure. Anselme, mon mignon, crie-t-elle
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