LEscalier dOr | Page 8

Edmond Jaloux
ces termes:
--Oui: une bien triste soir��e. Quand j'attends Fran?oise je ne peux faire autre chose, et, quand elle ne vient pas, j'ai l'oreille au guet, pendant des heures, je tourne en rond dans ma chambre, sans but, sans d��sir, sans int��r��t. Que veux-tu, Florentin, que je fasse de ma pauvre vie? Qu'ai-je �� attendre d'elle? Je n'��cris plus de vers; personne au monde ne se souvient de mon existence. Je suis comme les vieux chiens qui ne chassent plus et qui se couchent devant le feu, l'hiver.
--Les vieux chiens, r��p��ta l'idiot, �� qui ces mots apport��rent une image enfin pr��cise. Je crois que j'en ai vu un autrefois. Un vieux chien... Je ne sais plus s'il ��tait vivant ou mort...
--Au contraire, quand Fran?oise appara?t, il me semble que le soleil s'installe dans ma chambre, et je suis content pour une semaine. Elle me regarde de ses grands yeux clairs, et j'ai envie de rire, de chanter, d'accomplir des choses absurdes; il me semble que j'ai vingt ans! Et, cependant, je n'ai jamais rencontr�� dans ma jeunesse un ��tre comme elle...
--On n'en faisait peut-��tre pas, dit l'idiot.
--Tu as raison, mon sage Florentin, on fait bien rarement une Fran?oise. Est-ce que tu l'aimes, toi?
Florentin sembla r��fl��chir, il baissa la t��te, et je vis sur son visage une angoisse comme celle qui passe �� travers la nature, quand commence �� souffler un grand vent d'orage.
--Fran?oise, r��p��ta-t-il, je crois... je crois que je la connais.
Et, soudain, tout son visage se d��tendit, une expression heureuse anima une seconde ses traits inertes, et il cria:
--Oh! la fen��tre qui s'ouvre!
--Viens, dit M. Bouldouyr, en se levant. Il faut rentrer. Tu y vois mieux que nous autres, au fond, pauvre enfant!
Le vieux po��te et son ��trange compagnon s'en all��rent lentement. Je ne pouvais douter que cette Fran?oise f?t la jeune fille aux yeux verts que j'avais rencontr��e d��j��. Mais que faisait-elle dans cette ��trange soci��t�� et quel lien pouvait-il y avoir entre elle et M. Val��re Bouldouyr, fonctionnaire en retraite, po��te et auteur oubli�� de deux plaquettes de vers symbolistes?

CHAPITRE V
Petit essai sur les moeurs du Palais-Royal.
"Matthew. - Savez-vous que vous avez l�� un joli logement, tr��s confortable et tr��s tranquille? Bobadil. - Oui, monsieur (asseyez-vous, je vous prie). Mais je vous demanderais, monsieur Matthew, en aucun cas de ne communiquer �� qui que ce soit de notre connaissance le secret de ma demeure. Matthew. - Qui? Moi, monsieur? Jamais! Bobadil. - Peu m'importe, bien entendu, qu'on la connaisse, car la baraque est fort convenable; mais c'est par crainte d'��tre trop r��pandu et que tout le monde ne me vienne voir comme il arrive �� certains. Matthew. - Vous avez raison, capitaine, et je vous comprends! Bobadil. - C'est que, voyez-vous, par la valeur du coeur qui bat ici, je ne veux pas ��tendre mes relations! Je me borne �� quelques esprits, distingu��s et choisis, comme vous, �� qui je suis particuli��rement attach��. Ben Jonson.
J'ai dit que j'habitais au Palais-Royal, mais non pas ce que je consid��rais par mes fen��tres. Ou, plut?t, je n'insisterai pas sur ce jardin c��l��bre qui, chaque nuit, se laisse envahir, par une foule d'ombres illustres. Je pr��f��re vous montrer la maison qui ferme mon horizon, de l'autre c?t�� de la rue, et qui doit jouer un r?le consid��rable dans cette histoire.
C'est une maison de quatre ��tages, dont je ne vois que l'envers, car elle a sa porte d'entr��e sur la rue des Bons-Enfants. Elle a l'air d'une personne qui, pendant un d��fil��, tournerait, seule, le dos �� ce qui passe pour se consacrer �� un autre spectacle. Elle se compose de deux ailes en saillie et d'une fa?ade en retrait, le tout surmont�� d'un ��tage �� mansardes. Entre les ailes et la fa?ade, s'��tend, au-dessus du rez-de-chauss��e une large terrasse qui contient, d'un c?t��, une haute cage de verre et, de l'autre, un ciel ouvert. Dans la cage, s'agitent des ��tres falots qui font et qui d��font sans arr��t des piles d'��toffes sombres: peut-��tre sont-ce des condamn��s de droit commun. Le ciel ouvert doit donner un peu de jour �� un grand atelier qui occupe toute la partie inf��rieure de l'immeuble, lequel, d'apr��s ce que m'a appris son enseigne, est vou�� �� l'imperm��abilisation. Imperm��abilisation de quoi? Je ne saurais vous le dire. Mais j'ai toujours suppos�� que, dans les fondements t��n��breux de cette demeure, des d��mons s'agitaient pour r��pandre sans cesse dans le monde cette loi morale qui rend les ��tres humains imperm��ables les uns aux autres, et je ne passais jamais devant cet atelier myst��rieux sans un serrement de coeur.
Divers bureau occupaient le premier et le second ��tage de ma voisine de pierre. J'y distinguais un grand nombre d'employ��s, qui allaient et venaient sans but visible, comme des fourmis dans une fourmili��re et d��pla?aient d'��normes registres, sur lesquels ils se penchaient parfois,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 48
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.