pur que celui de la compagne de M. Bouldouyr.
Elle ��tait grande, - plus grande que lui, - fine, avec une certaine gaucherie de jeunesse. Un observateur impartial ne l'e?t pas jug��e sans d��faut; elle avait des ��paules un peu hautes et des dents in��gales. Mais on ne pouvait rien imaginer de plus spontan�� que le regard gai et confiant de ses beaux yeux verts, de plus frais que son visage ovale, aux lignes douces et fondues, de plus gamin que sa chevelure blonde, dont quelques m��ches ��chappaient au peigne et faisaient les folles, tant qu'elles pouvaient, en d��gringolant le long de ses tempes, - o�� le soleil s'amusait �� les mettre en feu, - ou en caracolant sur son front. En la regardant, M. Bouldouyr ne montrait plus rien de cette vivacit�� hargneuse, ni de cette bouderie, qu'il avait manifest��es chez le coiffeur; mais, bien au contraire, je ne sais quel rayonnement paternel, une douceur suave se r��pandaient sur ses traits us��s et amollis; cette jeune fille ��tait visiblement sous sa protection.
Je les suivis un moment; ils ��cout��rent les accords de Zampa, avec un grand s��rieux, puis se perdirent dans la foule. Je fus tent�� de m'y glisser derri��re eux, mais je craignis d'attirer l'attention de M. Bouldouyr et renon?ai, �� mon tour, aux enivrantes m��lodies, dont la garde municipale ber?ait les badauds, les chiens et les pigeons r��unis autour d'elle.
Les jours suivants, je ne revis plus M. Bouldouyr avec sa jeune amie; par contre, je le rencontrai souvent dans la soci��t�� de deux autres personnes avec lesquelles il se promenait, alternativement. Elles ��taient fort diff��rentes l'une de l'autre. La premi��re ��tait un jeune homme blond, d'un blond extr��me, et dont les cheveux et les favoris coup��s �� mi-joue avaient quelque chose d'extr��mement vaporeux et de l��ger; c'��tait moins un syst��me pileux qu'une sorte de fum��e d'or, qui flottait doucement autour de son front sans rides et de son visage riant. Il avait l'oeil clair, le nez au vent et la l��vre gourmande, - et des v��tements trop larges qu'il ne remplissait pas.
Pour le second ami de M. Bouldouyr, il ��tait si ��trange que je ne pus douter que ce f?t un idiot. Il ne marchait jamais au pas tranquille et un peu c��r��monieux de son compagnon; tant?t il le pr��c��dait en toute hate et tant?t s'attardait derri��re lui. Maigre, d��gingand��, avec une pomme d'Adam trop visible, qui gonflait son cou d��mesur��, ce qu'on remarquait surtout en lui, c'��tait le vide extraordinaire de ses yeux et le tic qui, �� chaque seconde, lui d��formait la bouche et la tiraillait de c?t��. Toute son attitude t��moignait d'un extr��me empressement �� vous complaire, combin�� avec l'impossibilit�� totale de savoir ce qu'il fallait faire pour cela et d'un m��lange de servilit��, de crainte et de distraction fatale et m��lancolique. Souvent, il riait aux ��clats, sans raison apparente, et soit qu'il parlat, soit qu'il ��coutat, il se frottait les mains l'une contre l'autre comme s'il voulait les user, sans n��gliger d'ailleurs de sortir enfantinement un bout de langue entre ses l��vres secou��es de soubresauts. Il pouvait avoir vingt-huit ou quarante-cinq ans, le jeunesse et la fl��trissure du temps ��tant m��l��es sans ordre sur ses traits.
Val��re Bouldouyr l'��coutait avec bont�� et un peu de tristesse, mais il lui parlait lui-m��me avec animation, et je n'aurais pas compris de quoi il pouvait l'entretenir, si je n'avais entendu, un soir, assis sur une chaise, un bout de leur conversation.
J'��tais install��, en effet, non loin du bassin central, qui anime d'��charpes et d'arcs-en-ciel la fus��e pure de son jet d'eau, quand le po��te et son pauvre ami s'empar��rent du banc le plus proche de moi.
Bient?t ce singulier colloque vint jusqu'�� moi, coup�� de loin en loin par les ��lans plus bruyants de la tige d'��cume.
--Mon pauvre Florentin, disait doucement M. Bouldouyr, as-tu envie de m'��couter ce soir? Sens-tu que tu pourras me comprendre?
L'idiot frappa longuement ses mains l'une contre l'autre, eut un rire ��touff�� et finit par r��pondre:
--Monsieur Val��re, il me semble, aujourd'hui, que tout ce que vous dites me fait des signes.
--Eh bien! mon bon Florentin, je vais t'avouer qu'hier j'ai pass�� une soir��e bien triste: Fran?oise n'est pas venue.
--Pas venue! R��p��ta l'innocent, qui essayait de suivre les paroles de son ami.
Puis, il ajouta triomphalement:
--Peut-��tre que les crapauds l'ont emp��ch��e de passer!
A quel souvenir myst��rieux, �� quelle pens��e bizarre se rattachait cette phrase de Florentin, je ne l'ai jamais compris; et, de m��me, par la suite, dans mes relations avec ce pauvre diable, j'ai bien rarement d��m��l�� comment il accordait �� la r��alit�� les singuli��res id��es qui traversaient sa cervelle en d��sordre. Mais que de fois ai-je senti �� quel point ��tait insensible la distance qui s��parait cet esprit obscur de nos intelligences satisfaites et que nous imaginons lumineuses!
M. Bouldouyr regarda m��lancoliquement son compagnon et continua en
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