LArgent | Page 7

Emile Zola
plusieurs reprises, ��t�� d'une utilit�� grande, en des circonstances difficiles. Il restait extasi��, �� examiner l'eau de la pierre pr��cieuse, sa large face plate renvers��e, ses gros yeux gris comme ��teints par la lumi��re vive; et l'on voyait, roul��e en corde, la cravate blanche qu'il portait toujours; tandis que sa redingote d'occasion, anciennement superbe, mais extraordinairement rap��e et, macul��e de taches, remontait jusque dans ses cheveux pales, qui tombaient en m��ches rares et rebelles de son crane nu. Son chapeau, roussi par le soleil, lav�� par les averses, n'avait plus d'age.
Enfin, il se d��cida �� redescendre sur terre.
?Ah! monsieur Saccard, vous faites un petit tour par ici..
--Oui.... C'est une lettre en langue russe, une lettre d'un banquier russe, ��tabli �� Constantinople. Alors, j'ai pens�� �� votre fr��re, pour me la traduire.?
Busch, qui, d'un mouvement inconscient et tendre, roulait toujours le rubis dans sa main droite, tendit la gauche, en disant que, le soir m��me, la traduction serait envoy��e. Mais Saccard expliqua qu'il s'agissait seulement de dix lignes.
?Je vais monter, votre fr��re me lira ?a tout de suite...?
Et il fut interrompu par l'arriv��e d'une femme ��norme, Mme M��chain, bien connue des habitu��s de la Bourse, une de ces enrag��es et mis��rables joueuses, dont les mains grasses tripotent dans toutes sortes de louches besognes. Son visage de pleine lune, bouffi et rouge, aux minces yeux bleus, au petit nez perdu, �� la petite bouche d'o�� sortait une voix fl?t��e d'enfant, semblait d��border du vieux chapeau mauve, nou�� de travers par des brides grenat; et la gorge g��ante, et le ventre hydropique, crevaient la robe de popeline verte, mang��e de boue, tourn��e au jaune. Elle tenait au bras un antique sac de cuir noir, immense, aussi profond qu'une valise, qu'elle ne quittait jamais. Ce jour-l��, le sac gonfl��, plein �� crever, la tirait �� droite, pench��e comme un arbre.
?Vous voil��, dit Busch qui devait l'attendre.
--Oui, et j'ai re?u les papiers de Vend?me, je les apporte.
--Bon! filons chez moi.... Rien �� faire aujourd'hui, ici ? Saccard avait eu un regard vacillant sur le vaste sac de cuir. Il savait que, fatalement, allaient tomber l�� les titres d��lass��s, les actions des soci��t��s mises en faillite, sur lesquelles les Pieds humides agiotent encore, des actions de cinq cents francs qu'ils se disputent �� vingt sous, �� dix sous, dans le vague espoir d'un rel��vement improbable, ou plus pratiquement comme une marchandise sc��l��rate, qu'ils c��dent avec b��n��fice aux banquiers d��sireux de gonfler leur passif. Dans les batailles meurtri��res de la finance, la M��chain ��tait le corbeau qui suivait les arm��es en marche; pas une compagnie, pas une grande maison de cr��dit ne se fondait, sans qu'elle appar?t, avec son sac, sans qu'elle flairat l'air, attendant les cadavres, m��me aux heures prosp��res des ��missions triomphantes; car elle savait bien que la d��route ��tait fatale, que le jour du massacre viendrait, o�� il y aurait des morts �� manger, des titres �� ramasser pour rien dans la boue et dans le sang. Et lui, qui roulait son grand projet d'une banque, eut un l��ger frisson, fut travers�� d'un pressentiment, �� voir ce sac, ce charnier des valeurs d��pr��ci��es, dans lequel passait tout le sale papier balay�� de la Bourse.
Comme Busch emmenait la vieille femme, Saccard le retint.
?Alors, je puis monter, je suis certain de trouver votre fr��re??
Les yeux du juif s'adoucirent, exprim��rent une surprise inqui��te.
?Mon fr��re, mais certainement! O�� voulez-vous qu'il soit?
--Tr��s bien, �� tout �� l'heure!?
Et, Saccard, les laissant s'��loigner, poursuivit sa marche lente, le long des arbres, vers la rue Notre-Dame des Victoires. Ce c?t�� de la place est un des plus fr��quent��s, occup�� par des fonds de commerce, des industries en chambre, dont les enseignes d'or flambaient sous le soleil. Des stores battaient aux balcons, toute une famille de province restait b��ante, �� la fen��tre d'un h?tel meubl��. Machinalement, il avait lev�� la t��te, regard�� ces gens dont l'ahurissement le faisait sourire, en le r��confortant par cette pens��e qu'il y aurait toujours, dans les d��partements, des actionnaires. Derri��re son dos, la clameur de la Bourse, le bruit de la mar��e lointaine continuait, l'obs��dait, ainsi qu'une menace d'engloutissement qui allait le rejoindre.
Mais une nouvelle rencontre l'arr��ta.
?Comment, Jordan, vous �� la Bourse?? s'��cria-t-il, en serrant la main d'un grand jeune homme brun, aux petites moustaches, �� l'air d��cid�� et volontaire.
Jordan, dont le p��re, un banquier de Marseille, s'��tait autrefois suicid��, �� la suite de sp��culations d��sastreuses, battait depuis dix ans le pav�� de Paris, enrag�� de litt��rature, dans une lutte brave contre la mis��re noire. Un de ses cousins, install�� �� Plassans, o�� il connaissait la famille de Saccard, l'avait autrefois recommand�� �� ce dernier, lorsque celui-ci recevait tout Paris, dans son h?tel du parc Monceau.
?Oh! �� la Bourse, jamais!? r��pond?t le jeune homme, avec un geste violent, comme s'il chassait le souvenir tragique de son p��re.
Puis, se
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