et ils le regardaient avec v��n��ration prendre le verre d'eau, d'une main tremblante, et le porter �� ses l��vres d��color��es.
Autrefois, dans les sp��culations sur les terrains de la plaine Monceau; Saccard avait eu des discussions, toute une brouille m��me avec Gundermann. Ils ne pouvaient s'entendre, l'un passionn�� et jouisseur, l'autre sobre et d'une froide logique. Aussi le premier, dans sa col��re, exasp��r�� encore par cette entr��e triomphale, s'en allait-il, lorsque l'autre l'appela.
?Dites donc, mon bon ami, est-ce vrai? vous les affaires.... Ma foi, vous faites bien, ?a vaut mieux.?
Ce fut, pour Saccard, un coup de fouet en plein visage. Il redressa sa petite taille, il r��pliqua d'une voie aigu? comme une ��p��e:
?Je fonde une maison de cr��dit au capital de vingt-cinq millions, et je compte aller vous voir bient?t.?
Et il sortit, laissant derri��re lui le brouhaha ardent de la salle, o�� tout le monde se bousculait, pour ne pas manquer l'ouverture de la Bourse. Ah! r��ussir enfin, remettre le talon sur ces gens qui lui tournaient lui tournaient le dos, et lutter de puissance avec ce roi de l'or, et l'abattre peut-��tre un jour! Il n'��tait pas d��cid�� �� lancer sa grande affaire, il demeurait surpris de la phrase que le besoin de r��pondre lui avait tir��e. Mais pourrait-il tenter la fortune ailleurs, maintenant que son fr��re l'abandonnait et que les hommes et les choses le blessaient pour le rejeter �� la lutte, comme le taureau saignant est ramen�� dans l'ar��ne?
Un instant, il resta fr��missant, au bord du trottoir. C'��tait l'heure active o�� la vie de Paris semble affluer sur cette place centrale, entre la rue Montmartre et la rue Richelieu, les deux art��res engorg��es qui charrient la foule. Des quatre carrefours, ouverts aux quatre angles de la place, des flots ininterrompus de voitures coulaient, sillonnant le pav��, au milieu des remous d'une cohue de pi��tons. Sans arr��t, les deux files de fiacres de la station, le long des grilles, se rompaient et se reformaient; tandis que, sur la rue Vivienne, les victorias des remisiers s'allongeaient en un rang press��, que dominaient les cochers, guides en main, pr��ts �� fouetter au premier ordre. Envahis, les marches et le p��ristyle ��taient noirs d'un fourmillement de redingotes; et, de la coulisse, install��e d��j�� sous l'horloge et fonctionnant, montait la clameur de l'offre et de la demande, ce bruit de mar��e de l'agio, victorieux du grondement de la ville. Des passants tournaient la t��te, dans le d��sir et la crainte de ce qui se faisait l��, ce myst��re des op��rations financi��res o�� peu de cervelles fran?aises p��n��trent, ces ruines, ces fortunes brusques, qu'on ne s'expliquait pas, parmi cette gesticulation et ces cris barbares. Et lui, au bord du ruisseau, assourdi par les voix lointaines, coudoy�� par la bousculade des gens press��s, il r��vait une fois de plus la royaut�� de l'or, dans ce quartier de toutes les fi��vres, o�� la Bourse, d'une heure �� trois, bat comme un coeur ��norme, au milieu.
Mais, depuis sa d��confiture, il n'avait point os�� rentrer �� la Bourse; et, ce jour-l�� encore, un sentiment de vanit�� souffrante, la certitude d'y ��tre accueilli, en vaincu, l'emp��chait de monter les marches. Comme les amants chass��s de l'alc?ve d'une ma?tresse, qu'ils d��sirent davantage, m��me en croyant l'ex��crer, il revenait fatalement l��, il faisait le tour de la colonnade sous des pr��textes, traversant le jardin, marchant d'un pas de promeneur, �� l'ombre des marronniers. Dans cette sorte de square poussi��reux, sans gazon ni fleurs, o�� grouillait sur les bancs, parmi les urinoirs et les kiosques �� journaux, un m��lang�� de sp��culateurs louches et de femmes du quartier, en cheveux, allaitant des poupons, il affectait une flanerie d��sint��ress��e, levait les yeux, guettait, avec la furieuse pens��e qu'il faisait le si��ge du monument, qu'il l'enserrait d'un cercle ��troit, pour y rentrer un jour en triomphateur.
Il p��n��tra dans l'angle de droite, sous les arbres qui font face �� la rue de la Banque, et tout de suite il tomba sur la petite bourse des valeurs d��class��es: les ?Pieds humides?, comme on appelle avec un ironique m��pris ces joueurs de la brocante, qui cotent en plein vent, dans la boue des jours pluvieux, les titres des compagnies mortes. Il y avait l��, en un groupe tumultueux, toute une juiverie malpropre, de grasses faces luisantes, des profils dess��ch��s d'oiseaux voraces, une extraordinaire r��union de nez typiques, rapproch��s les uns des autres, ainsi que sur une proie, s'acharnant au milieu de cris gutturaux, et comme pr��s de se d��vorer entre eux. Il passait, lorsqu'il aper?ut un peu �� l'��cart un gros homme, en train de regarder au soleil un rubis, qu'il levait en l'air, d��licatement, entre ses doigts ��normes et sales.
?Tiens, Busch!... Vous me faites songer que je voulais monter chez vous.?
Busch, qui tenait un cabinet d'affaires, rue Feydeau, au coin de la rue Vivienne, lui avait, ��
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