�� ce pauvre Der��me, ce petit tailleur qu'on accusait d'avoir tu�� sa femme, une rien du tout, et qui ��tait innocent...
-- Nous perdons notre temps, messieurs, interrompit le juge d'instruction.
Et s'adressant �� Lecoq:
-- Allez, dit-il, me chercher le p��re Tabaret. J'ai beaucoup entendu parler de lui, je ne serai pas fach�� de le voir �� l'oeuvre.
Lecoq sortit en courant. G��vrol ��tait s��rieusement humili��.
-- Monsieur le juge d'instruction, commen?a-t-il, a bien le droit de demander les services de qui bon lui semble; cependant...
-- Ne nous fachons pas, monsieur G��vrol, interrompit M. Daburon. Ce n'est point d'hier que je vous connais, je sais ce que vous valez; seulement aujourd'hui, nous diff��rons compl��tement d'opinion. Vous tenez absolument �� votre homme brun, et moi je suis convaincu que vous n'��tes pas sur la voie.
-- Je crois que j'ai raison, r��pondit le chef de la s?ret��, et j'esp��re bien le prouver. Je trouverai le gredin, quel qu'il soit.
-- Je ne demande pas mieux.
-- Seulement, que monsieur le juge me permette de donner un... comment dirais-je, sans manquer de respect? un... conseil.
-- Parlez.
-- Eh bien! j'engagerai monsieur le juge �� se m��fier du p��re Tabaret.
-- Vraiment! et pourquoi cela?
-- C'est que le bonhomme est trop passionn��. Il fait de la police pour le succ��s, ni plus ni moins qu'un auteur. Et comme il est orgueilleux plus qu'un paon, il est sujet �� s'emporter, �� se monter le coup. D��s qu'il est en pr��sence d'un crime, comme celui d'aujourd'hui, par exemple, il a la pr��tention de tout expliquer sur-le-champ. Et en effet, il invente une histoire qui se rapporte exactement �� la situation. Il pr��tend avec un seul fait reconstruire toutes les sc��nes d'un assassinat, comme ce savant qui sur un os rebatissait les animaux perdus. Quelquefois, il devine juste, souvent aussi il se trompe. Ainsi, dans l'affaire du tailleur, de ce malheureux Der��me, sans moi...
-- Je vous remercie de l'avis, interrompit M. Daburon, j'en profiterai. Maintenant, monsieur le commissaire, continua-t-il, �� tout prix il faut tacher de d��couvrir de quel pays ��tait la veuve Lerouge.
La procession des t��moins amen��s par le brigadier de gendarmerie recommen?a �� d��filer devant le juge d'instruction.
Mais aucun fait nouveau ne se r��v��lait. Il fallait que la veuve Lerouge e?t ��t�� de son vivant une personne singuli��rement discr��te pour que de toutes ses paroles -- et elle en pronon?ait beaucoup en un jour -- rien de significatif ne f?t rest�� dans l'oreille des comm��res d'alentour.
Seulement, tous les gens interrog��s s'obstinaient �� faire part au juge de leurs convictions et de leurs conjectures personnelles. L'opinion publique se d��clarait pour G��vrol. Il n'y avait qu'une voix pour accuser l'homme �� la blouse grise, le grand brun. Celui- l�� s?rement ��tait le coupable. On se souvenait de son air f��roce, qui avait effray�� tout le pays. Beaucoup, frapp��s de sa mise suspecte, l'avaient sagement ��vit��. Il avait un soir menac�� une femme, et un autre jour battu un enfant. On ne pouvait d��signer ni l'enfant ni la femme, mais n'importe, ces actes de brutalit�� ��taient de notori��t�� publique.
M. Daburon d��sesp��rait de faire jaillir la moindre lumi��re, lorsqu'on lui amena une ��pici��re de Bougival, chez qui se fournissait la victime, et un enfant de treize ans qui savaient, assurait-on, des choses positives.
L'��pici��re comparut la premi��re. Elle avait entendu la veuve Lerouge parler d'un fils �� elle, encore vivant.
-- En ��tes-vous bien s?re? insista le juge.
-- Comme de mon existence, r��pondit l'��pici��re, m��me que, ce soir- l��, c'��tait un soir, elle ��tait, sauf votre respect, un peu ivre. Elle est rest��e dans ma boutique plus d'une heure.
-- Et elle disait?
-- Il me semble la voir encore, continua la marchande; elle ��tait accot��e sur le comptoir pr��s des balances; elle plaisantait avec un p��cheur de Marly, le p��re Husson, qui peut vous le r��p��ter, et elle l'appelait marin d'eau douce. ?Mon mari �� moi, disait-elle, ��tait marin, lui, mais pour de bon, et la preuve, c'est qu'il restait des ann��es en voyage, et toujours il me rapportait des noix de coco. J'ai un gar?on qui est marin, comme d��funt son p��re, sur un vaisseau de l'��tat.?
-- Avait-elle prononc�� le nom de son fils?
-- Pas cette fois-l��, mais une autre, qu'elle ��tait, si j'ose dire, tr��s saoule. Elle nous a cont�� que son gar?on s'appelait Jacques et qu'elle ne l'avait pas vu depuis tr��s longtemps.
-- Disait-elle du mal de son mari?
-- Jamais. Seulement elle disait que le d��funt ��tait jaloux et brutal, bon homme au fond, et qu'il lui faisait une vie pitoyable. Il avait la t��te faible et se forgeait des id��es pour un rien. Enfin il ��tait b��te par trop d'honn��tet��.
-- Son fils ��tait-il venu la voir depuis qu'elle habitait La Jonch��re?
-- Elle ne m'en a pas parl��.
-- D��pensait-elle beaucoup chez vous?
-- C'est selon. Elle nous prenait pour une soixantaine de francs par mois, quelquefois plus, parce
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