un titre sensationnel, un chapeau savant, des sous-titres imprévus... Quel papier!...
Mais ce mot magique ?La Police? demeura sans écho comme les autres. Pas un murmure ne troubla la majesté du silence. Coche pensa que son truc ne valait rien, que le danger demeurait pareil. Une chose cependant le rassura. Ses yeux habitués à l'obscurité distinguaient peu à peu les objets. à quelques pas de lui, il aper?ut une vague lueur. En dépla?ant la tête, il remarqua que cette lueur éclairait un peu le plancher. Il avan?a et se trouva devant une fenêtre. Un rayon de lune glissait entre les volets clos. Par les fentes des persiennes il vit une petite bande du jardin, et, une autre bande un peu plus sombre qui devait être le boulevard. Il ne s'attarda point à go?ter le charme du clair de lune et du ciel piqué d'étoiles. Rien ne convenait moins à sa nature violente, à son tempérament de combat, que le silence, les gestes lents et les précautions sans fin. Tour à tour il avait été patient, sournois, timide, presque poltron... Mais tout a une fin: il était entré dans cette maison pour savoir: il saurait.
Il fit donc demi-tour, plaqua sa main sur la muraille, et ayant rencontré sous ses doigts une porte, en saisit le bouton, le tira à lui, afin qu'on ne p?t l'ouvrir sans effort de l'intérieur et cria, plut?t qu'il ne dit:
-- Pour Dieu! n'ayez pas peur et ne tirez pas!
Il compta jusqu'à trois et ne recevant pas de réponse, ouvrit violemment. Il s'attendait à éprouver de la résistance: au contraire, emporté par son élan il tomba la face en avant, et se heurta le front. Dans le geste qu'il fit pour se retenir, il accrocha une chaise qui bascula sur le plancher avec un grand bruit.
-- Cette fois, se dit-il, avec un vacarme pareil, on va m'entendre, enfin!...
Mais, quand le fracas du meuble renversé eut cessé de rebondir dans la maison, pas une voix ne s'éleva, pas un murmure ne traversa la nuit, pas un souffle ne le fit tressaillir.
-- Allons, pensa-t-il, les cambrioleurs étaient plus forts que moi. La cage était vide, et ils le savaient, les bougres! Ils ont travaillé tout à leur aise, et n'ont même pas éprouvé le besoin, ouvriers méthodiques, de refermer les portes derrière eux. Voilà pourquoi je suis entré si aisément.
Un commutateur électrique se trouvait sous ses doigts: il le tourna. Une lumière flamba, éclairant une pièce assez vaste, et quand ses yeux, une seconde surpris et clignotants, purent regarder, ce fut pour voir un spectacle à la fois si imprévu et si horrible qu'il sentit ses cheveux se dresser sur sa tête, et qu'il étouffa mal un hurlement d'épouvanté.
La chambre était dans un état de désordre insensé. Une armoire ouverte montrait des piles de linge bousculées, des draps pendants, comme arrachés et maculés de taches rouges. Des tiroirs béants on avait retiré des papiers, des chiffons, de vieilles boites qui jonchaient le plancher. Près d'un rideau, sur le mur tendu d'étoffe claire, une main s'étalait, toute rouge, les doigts ouverts. La glace de la cheminée fendue dans toute sa hauteur était crevée en son milieu, et des débris de verre étincelaient sur le plancher. Sur la toilette, parmi des enveloppes froissées, des bouts de linges et de corde tra?naient; la cuvette remplie d'une eau rouge avait débordé, et des flaques de même couleur éclaboussaient le marbre blanc. Une serviette tordue portait les mêmes traces: tout était saccagé, tout était rouge. Les pieds, en se posant sur le tapis, faisaient un bruit semblable à celui du sable mouillé qu'on piétine sur les plages à la marée montante; enfin, sur le lit, rejeté en travers, les bras en croix, serrant un goulot de bouteille dont les éclats lui avaient entaillé la main, un homme était étendu, la gorge ouverte de l'oreille gauche au sternum, par une effroyable blessure d'où le sang avait rejailli sur les oreillers, les draps, les murs et les meubles en une giclée violente. Sous la lumière crue, dans l'horrible silence, cette chambre où tout était rouge, où partout le sang avait collé ses taches, n'avait plus l'air d'une chambre, mais d'un abattoir.
Onésime Coche embrassa tout cela d'un seul regard, et son épouvante fut telle qu'il dut d'abord s'appuyer au mur pour ne pas tomber, puis faire appel à toute son énergie pour ne pas fuir. Une bouffée de chaleur lui monta au visage, un grand frisson le secoua et une sueur glacée se répandit sur ses épaules.
Par curiosité, par hasard ou par profession, il lui avait été donné de contempler bien des spectacles effrayants: jamais il n'avait éprouvé une angoisse pareille, car, toujours, jusqu'ici, il savait ce qu'il allait voir ou du moins il savait ?qu'il allait voir quelque chose?. Puis, pour soutenir son courage, pour vaincre son
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