plus faibles avaient facilité les recherches. L'aventure de ce criminel retrouvé à plusieurs années de distance grace à une bottine oubliée revint à sa mémoire, et il s'émerveilla de ce que son esprit f?t si lucide et si prompt après les doutes de la minute précédente. La raison avait fait place à une sorte d'instinct supérieur qui guidait, non seulement ses déductions les plus audacieuses, mais ses moindres gestes. Il arriva ainsi, ayant à peine fait dix pas, à la porte de la maison. Lui que, tout à l'heure, l'apparition d'une ombre, d'une trace, troublait au point de le faire hésiter; lui, qui n'avait osé, durant un long moment, formuler ses doutes, il n'éprouva pas la moindre surprise de ce que la porte s'ouvr?t lorsqu'il en tourna le bouton. Logiquement, pourtant, il était bien plus naturel qu'on e?t omis de refermer la grille que la porte d'entrée: la grille n'offrait qu'un mince obstacle aux r?deurs; le premier venu pouvait sans effort se hisser sur le mur d'enceinte, franchir les courtes piques de fer et retomber sans bruit dans le jardin, tandis que la porte même de la maison était une barrière assez sérieuse pour qu'on n'omit pas de la fermer avant de s'endormir. Ce raisonnement simple ne l'effleura même pas, non plus que l'inquiétude d'être pris lui- même pour un cambrioleur et re?u comme tel.
Cependant, lorsqu'il entendit son talon résonner sur les dalles du corridor, il s'arrêta, imperceptiblement. Il chercha une allumette dans sa poche: la bo?te était vide. Il murmura: ?Tant pis?, retira son revolver de sa gaine et tatonna, la main grande ouverte, guidé seulement par le contact du mur très froid, humide et qui collait aux doigts. Brusquement il perdit ce contact, et sa main s'agita dans le vide. Il avan?a un pied, puis l'autre, heurta un objet qui rendit un son moins rude que celui des dalles. Il se baissa, explora l'ombre les paumes en avant, sentit une marche et un petit tapis dont le velouté lui fut agréable après l'humidité du mur. Il se redressa et toucha la rampe; le bois craqua. Sans presque se rendre compte comment, sans chercher à savoir pourquoi il montait au premier étage plut?t que de visiter le rez-de-chaussée, il s'engagea dans l'escalier. Il compta douze marches, trouva un petit palier, explora le mur: Toujours la pierre lisse. Il monta encore, compta onze marches, après quoi son pied ne f?t arrêté par rien: La route était libre. Il s'agissait maintenant de s'orienter et, avant tout, sous peine de se faire tuer, d'annoncer sa présence.
Le sommeil du ou des locataires de la maison devait être bien profond pour qu'ils ne l'eussent pas entendu marcher. L'escalier avait plus de vingt fois crié sous ses pas. La porte, malgré toutes les précautions, avait grincé quand il l'avait fermée. Qui sait si, derrière une cloison, un homme ne l'attendait pas, le revolver au poing prêt à faire feu? à ce jeu il ne risquait rien de moins qu'une balle dans le corps. Il dit donc à mi-voix, pour n'effrayer personne:
-- Quelqu'un?...
Pas de réponse. Il répéta, un peu plus fort:
-- Il n'y a personne?...
Après un temps, assez court, du reste, il ajouta:
-- N'ayez pas peur; ouvrez...
Pas de réponse.
-- Diable, pensa-t-il, on dort là-dedans! Ce détail que je ne prévoyais pas va compliquer ma tache. Je ne veux pourtant pas me faire estropier par amour de l'art.
Il réfléchit une seconde, puis dit, à voix tout à fait haute, cette fois:
-- Ouvrez! c'est la police.
Ce mot le fit sourire. D'où lui était venue cette idée d'annoncer qu'il était ?La Police??... Onésime Coche policier! Onésime Coche, sans cesse occupé à collectionner les maladresses de la Préfecture, à railler ses agents, amené à s'affubler de leur titre, voilà qui était dr?le! La police (et du coup il se mit à rire franchement) ne pensait guère à lui, ni aux cambrioleurs! à cette heure, de loin en loin, deux sergents de ville somnolents se promenaient dans les carrefours paisibles, le capuchon levé, les mains aux poches. Dans les postes, auprès du poêle qui ronflait, parmi l'odeur des pipes, du platre chauffé, du drap mouillé et du cuir, des agents, à cheval sur un banc de bois, jouaient à la manille avec des cartes grasses et si rugueuses que le papier se roulait sous le doigt, attendant pour le passer à tabac, le pochard attardé ou le laitier surpris en train de baptiser sa marchandise: La Police? C'était ?a. Onésime Coche, lui, était ce qu'elle devrait être: le gardien vigilant et fidèle, adroit et résolu, capable de veiller sur la sécurité des habitants. Quel parallèle! Quelle le?on et quels enseignements!... Il voyait déjà l'article qu'il écrirait le lendemain, et se réjouissait en songeant à la tête des agents de la S?reté. Lui, simple journaliste, allait leur apprendre leur métier! L'article aurait
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.