Dieu; donne-lui cet anneau et cette
écharpe: qu'il les conserve pour l'amour de moi.»
Cette terrible nouvelle éclata à ses oreilles, semblable au fracas du
tonnerre; ses yeux s'obscurcirent, et les montagnes semblèrent
chanceler autour de lui. Mais aussitôt, s'élançant comme la tempête, il
fit voler un nuage de poussière, et le désespoir lui rendit ses forces.
«Dieu te récompense, fidèle suivante; qu'il te récompense, puisque je
ne puis moi-même te payer ton zèle, qu'il te comble de ses bénédictions:
va, cours vers elle, dis-lui que je la sauverai; fût-elle chargée de mille
chaînes.
Ne crains rien, hâte-toi; quand des géants veilleraient sur elle, je
voudrais encore la leur enlever. Dis-lui qu'à minuit je serai sous les
murs du château. Il arrivera ce qu'il pourra: bonheur ou malheur, je
brave le destin.
Pars, hâte-toi.» À ces mots, la jeune fille s'enfuit comme une biche
légère. Pour lui, il soupira profondément, et s'essuya les yeux pour
retrouver la vue. Il lança ensuite son cheval en tous sens. La sueur
inondait la croupe du noble animal. Enfin il prit une résolution et s'y
arrêta.
Il fit retentir son cor d'argent du haut de ses tours et aussitôt une foule
de vassaux fidèles accourut à la hâte. Il les prit chacun en particulier, et
leur donna de secrètes instructions. «Soyez tous prêts et attentifs au
signal de mon cor.»
La nuit avait couvert de ses voiles sombres les montagnes et les vallons.
Les lampes du château de Hochburg avaient cessé de briller. Tout
dormait; Gertrude seule veillait en pensant au chevalier.
Voilà qu'un doux son d'amour s'élève du pied de la muraille. «Me voici,
ma Gertrude; allons, descends, c'est moi, c'est ton chevalier qui
t'appelle; l'échelle est prête, et mon coursier va nous emporter loin d'ici.
--Oh! non, mon Charles, non! cesse de tenir ce langage; si je fuyais
seule avec toi je serais déshonorée; mais qu'un dernier baiser d'amour
nous console avant que je sois vêtue de la robe des morts.
--Eh quoi! sur ma parole de chevalier tu pourrais asseoir le monde: tu
peux me confier, avec courage et franchise, ton honneur et ta personne.
Nous irons chez ma mère et le prêtre nous unira. Viens, tu es en sûreté,
abandonne-toi au ciel et à moi.
--Mais, mon père, un baron de l'empire, si fier de ses ancêtres et de sa
noblesse! Sa colère me fait déjà trembler. Il n'aura de repos ni jour ni
nuit avant de t'avoir arraché le coeur, et de l'avoir jeté devant mes
pieds.
--Songe seulement à te bien tenir en selle, et nous n'avons plus rien à
craindre. L'Orient et l'Occident nous sont ouverts. Mais ne tarde pas
davantage. Écoute! il me semble entendre du bruit. Pour l'amour de
Dieu! hâte-toi! Viens! La nuit a des oreilles. Si tu hésites, nous sommes
perdus!»
La jeune fille trembla, elle hésita; le frisson parcourait ses membres; il
saisit sa main d'albâtre et l'entraîna sur son coeur. Oh! quel
embrassement mêlé de désir et de refus, de plaisir et de crainte, sous les
regards silencieux des étoiles voyageant dans l'immensité des cieux!
Il prit son amie entre ses bras, la plaça sur son cheval polonais, et se
mit lui-même derrière elle, rejetant son cor sur ses épaules. Il donne de
l'éperon, et Hochburg les vit s'éloigner rapidement.
Mais, hélas! la nuit entend tout, et aucune parole ne fut perdue. Dans la
chambre voisine veillait la gouvernante de Gertrude. Le coeur pressé
par l'appât du gain et la soif de l'or, elle s'élança en sursaut pour tout
découvrir au vieillard.
«Debout, debout, noble baron quittez votre lit. Votre fille s'est enfuie,
elle vous couvre de honte et de chagrin. Déjà Charles d'Eichenhorst
traverse avec elle les forêts et les plaines; ne perdez pas un instant si
vous voulez les rejoindre!»
Au même instant le baron saisit ses armes, parcourt le château, et
appelle ses vassaux. «À cheval! mon gendre, prends ton épée et ta lance;
on enlève ta fiancée, courons au ravisseur.»
Le jour allait paraître; les deux amants s'avançaient avec rapidité. Un
bruit sourd comme celui de l'orage éloigné se fait entendre. Bientôt ils
distinguaient des pas de chevaux. Plump, furieux, arrive sur eux à bride
abattue; il les dépasse, et sa lance siffle aux oreilles de Gertrude
épouvantée.
«Arrête, arrête, larron d'honneur; ta proie est de peu de valeur; mais
n'importe, affronte une lance, et nous verrons si tu enlèveras encore des
fiancées. Et toi, courtisane vagabonde, arrête, que ma vengeance
t'étende à côté de ton séducteur, et que l'infamie vous couvre tous
deux!»
--Tu mens, Plump de Poméranie, j'en jure par Dieu et mon honneur de
chevalier. Descends, que mon épée t'enseigne la courtoisie. Arrête,
Gertrude. À pied, monsieur l'insolent, que je vous donne une leçon de
politesse!»
Oh! quelle fut la douleur de Gertrude à la vue
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