Kourroglou | Page 7

George Sand
voici quelles furent ses dernières paroles: ?Aussit?t que je serai mort, rends-toi dans la province d'Aderba?djan, dont le schah de Perse est souverain. Il voudra t'attirer à sa cour, n'y va pas, mon fils; mais ne te révolte pas non plus contre lui.?
Il dit et il expira.

DEUXIèME RENCONTRE.
Nous avons traduit textuellement la première rencontre pour donner au lecteur une idée juste de la forme de ce récit. M. Chodzko déclare dans sa préface, en qualité d'étranger, qu'il n'a point prétendu faire de sa transcription une oeuvre de style pour la langue anglaise. Nous ne possédons pas assez cette langue pour adresser des critiques à M. Chodzko; mais nous la lisons assez pour espérer n'avoir point fait de contre-sens, et pour nous être assuré que les rapsodies des Kourroglou-Khans ne pouvaient pas nous être transmises avec plus de concision, de franchise et de simplicité. Nous ne savons pas non plus si le style de M. Chodzko a la véritable couleur orientale; mais on a pu voir par ce qui précède (rendu mot à mot autant que possible) que c'est une couleur nette, hardie, sans recherche, sans affectation, sans aucune coquetterie déplacée pour chercher à flatter le go?t européen. C'était, je crois, la vraie manière et la seule bonne.
La seconde rencontre est consacrée à faire rencontrer en effet, Kourroglou et le terrible bandit Daly-Hassan. Ce dernier prétend avoir le monopole du pillage et du meurtre. Il rit de pitié en voyant un ennemi si jeune venir tout seul pour le défier, au milieu de quarante de ses meilleurs garnements. ?Le monde entier retentit de ma gloire, s'écrie Daly-Hassan, qui ne se pique pas de Modestie.
?Et le pauvre diable ose me barrer le chemin?--Misérable! lui répond Kourroglou; tu ne t'es jamais battu qu'avec des agneaux: tu ne sais pas encore ce que c'est qu'un bélier.?
Le bélier est apparemment chez cette race de pasteurs le type du courage et de la force; car Kourroglou, qui n'est pas modeste non plus, se compare de préférence à cet animal dans ses fréquentes vanteries, et quand il a dit: ?Je suis Kourroglou le bélier,? il a tout dit.
Daly-Hassan ne se presse pas d'entamer le combat. Les bravades de son ennemi l'amusent, et il lui permet d'improviser et de chanter les stances qui lui _viennent à l'esprit_, comme dit Kourroglou en semblable occasion. Ces stances sont toujours belles d'énergie sauvage, et le refrain de celles-ci est un cri d'impatience, _?Ne combattrons-nous donc pas aujourd'hui??_ En voici une qui ne manque pas de caractère:
?Montre-moi un homme qui puisse tendre mon arc! Montre-moi un homme qui, _comme un bélier_, vienne frapper sa tête contre mon bouclier! Je puis broyer l'acier entre mes dents et le cracher contre le ciel. Oh! ne combattrons-nous donc pas aujourd'hui??
Pendant que Kourroglou chante ses trophées, Daly-Hassan examine Kyrat, l'incomparable Kyrat, le fils de l'étalon-spectre, le coursier fidèle, l'ami, le porte-bonheur de Kourroglou, et _il en devient épris_. ?Fais-moi présent de ton cheval, dit-il, et je m'abstiendrai de verser ton sang.? Kourroglou répond par de nouvelles provocations, et le combat s'engage. En un clin d'oeil vingt des compagnons de Daly-Hassan sont _expédiés aux enfers_, les vingt autres prennent la fuite à travers le désert. Daly-Hassan reste seul; dévoré de rage, il se précipite sur son ennemi; mais Kourroglou lui fait mordre la poussière, pousse un cri _comme celui d'un aigle_, descend de cheval, et s'asseyant sur sa poitrine, tire tranquillement son khandjar pour lui couper la tête. Daly-Hassan se prend à pleurer. ?Misérable batard! lui dit Kourroglou, es-tu donc celui qui depuis sept ans faisait l'effroi de ces contrées? Tu n'es qu'une femme pusillanime. _Lache! tu verses des larmes pour une cuillerée de sang!?_
?Guerrier invincible, lui répond Daly-Hassan, _j'ai juré à Dieu et à moi-même de servir fidèlement l'homme qui pourrait me renverser sur le dos_. Prends-moi pour ton esclave, et dis-moi le nom de mon ma?tre.?
Kourroglou est ému de pitié. Il se lève, rengaine son poignard, et suit Daly-Hassan dans une caverne où celui-ci le rend ma?tre des richesses immenses qu'il a amassées durant les sept années de son brigandage. A partir de ce jour, il est le serviteur et l'ami de Kourroglou. Ils demeurent ensemble plusieurs mois dans la caverne, et n'en sortent que pour augmenter leur trésor en détroussant les voyageurs, et pour enr?ler des bandits sous leurs ordres.
Quand ils ont réussi à se composer une bande de 77 hommes, ils chargent leur butin sur des chameaux et sur des mules, et, poursuivant leur voyage vers la province d'Aberda?djan, ils atteignent bient?t les montagnes de Kaflankhou, y laissent leurs hommes et s'en vont tous deux à la découverte pour s'assurer d'une retraite s?re. Ils trouvent dans le district de Karadag une magnifique prairie où ils s'installent avec leurs richesses et leurs compagnons. Leurs exploits répandent bient?t la terreur dans le pays, et tout
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