Kourroglou | Page 8

George Sand
homme courageux vient s'enr?ler sous leur bannière.
?Il traitait ses gens comme un père, et la paie qu'il leur faisait était si libérale, qu'elle pouvait remplir le creux du bouclier de chacun d'eux.?
En peu de temps, Kourroglou se voit à la tête de 777 hommes, nombre sacré qu'il n'e?t dépassé vraisemblablement que pour celui de 7777, s'il lui e?t été possible dès lors d'y atteindre.
Cependant le gouverneur de la province commence à s'alarmer du voisinage de Kourroglou. Il lui dépêche un envoyé qui, sans fleur de rhétorique, lui parle ainsi:
?Qui es-tu? Pourquoi es-tu venu ici? Si tu désires parler au souverain d'Iran, va le trouver; mais ne demeure pas ici plus longtemps. Si tu as quelque chose à me dire, je t'écouterai afin de savoir ce que c'est.?
Kourroglou trouve le discours de l'ambassadeur un peu familier; mais il se ressouvient de la défense que son père lui a faite, en mourant, de se révolter contre le schah de Perse. Il traite donc l'envoyé fort honnêtement, et lui promet d'évacuer le pays sous peu de jours.
Il rassemble ses hommes et leur chante ceci:
?L'heure du départ est arrivée. Que quiconque veut me suivre dans le Kurdistan se tienne prêt! Qu'il me suive, celui dont les lèvres veulent boire dans la coupe de la valeur!--Qu'il me suive, celui qui veut mettre en pièces le linceul de la mort!?
Les 777 brigands répondirent: ?O Kourroglou, nous ne craignons pas la mort; là où tu iras, nous irons.? Ils partent; ils arrivent dans la vallée de Gazly-Gull, située dans le voisinage de Kho?, et débutent par l'extermination et le pillage d'une caravane. Le gouverneur d'Erivan, Hussein-Ali-Khan, se met en route à la tête de quinze cents cavaliers pour aller réprimer ces brigandages. ?Ne craignez rien, ? mes ames! ? mes fous (_Dalcelar_)!? C'est le nom d'amitié que Kourroglou donne à ses compagnons, c'est le titre glorieux que le postérité leur conserve: ?Ne craignez rien, je les disperserai en moins d'une heure.? Kourroglou dit, et revêtu de sa cotte de mailles, armé de toutes pièces, il attend, appuyé tranquillement sur sa lance, l'envoyé d'Hussein. Aux interrogations et aux menaces de l'envoyé, Kourroglou répond comme de coutume par une chanson: ?Serdar, lui dit-il, j'ai l'habitude de chanter quelques vers avant de combattre.--Chante, si tu y es disposé, répond le serdar, amateur de poésie comme tous les Orientaux.? Kourroglou chante ici une fort belle strophe:
?Voici la vérité des vérités! écoute-la bien, mon serdar. Je suis l'ange de la mort. Regarde; je suis Azra?l. Mes yeux aiment la couleur du sang. Oui, je suis venu pour arracher les ames des corps; je suis le véritable Azra?l. Nous verrons bient?t quelles entrailles, quels cranes seront fouillée les premiers par la pointe de mon poignard. Ce jour même, tu quitteras ce mondé; me voici. Comme un véritable Azra?l, je viens arracher les ames.?
..........................................................
?Maintenant, j'enseignerai à rire à tes ennemis, et à tes amis à se lamenter. Contemple en moi Azra?l, l'exterminateur des ames?.?
Kourroglou s'élance au plus épais de la mêlée. Il tue tout ce qui est digne d'être tué, il pille tout ce qui vaut la peine d'être pris.
?Kourroglou cependant ne resta pas davantage à Gazly-Gull, il vint se fixer définitivement à Chamly-Bill; sa gloire se répandit bient?t dans les contrées environnantes, et de toutes parts on lui envoyait de l'or et des présents.?

TROISIèME RENCONTRE.
Kourroglou se prit de go?t pour Chamly-Bill, et y batit une forteresse[5]. Tous ceux qui entendirent parler de lui, de sa valeur et de sa libéralité, s'empressèrent de se joindre à sa bande. En peu de temps la forteresse devint une ville contenant huit mille familles. Ce fut là que Kourroglou fit connaissance avec le marchand Khoya-Yakub, qu'il adopta, plus tard, pour son frère. Cet homme avait voyagé dans tous les pays du monde, el il amusait souvent Kourroglou par la description de ce qu'il avait vu.
[Footnote 5: Un fort, Kalka en Perse, village entouré de murs, avec des tours et des meurtrières dans les angles. On voit encore aujourd'hui les ruines du fort de Kourroglou à Chamly-Bill.]
Le marchand Khoya-Yakub, allant un jour à la ville d'Orfah, vit une grande foule rassemblée sur la place du marché. Il s'avan?a et vit un jeune gar?on, tel que le dépeint le poète:
?Mon coeur aime un jeune homme dont les sourcils sont bien arqués. Sa ceinture est étroite; ses lèvres ressemblent à un bouton, à une rose souriantes. Jeune homme, sacrifie ton ame à la beauté! contemple en moi son esclave. Parcourez le monde entier: vous ne trouverez pas un enfant de plus belle espérance. Son nom est Ayvaz-Bally. C'est la prairie du huitième ciel! Son père est boucher de son état; le fils est une mine de pierres précieuses.?
Khoya-Yakub demanda: ?De quel jardin est cette rose? de quelle prairie est cette plante?? Quelqu'un répondit: ?Son père est boucher du pacha de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 44
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.