Jules César | Page 4

William Shakespeare
pendant la plus grande partie de la pièce, est à Rome, ensuite à Sardes et près de Philippes.
[Note 1: Ce conjuré s'appelait non pas Décius, mais Décimus Brutus surnommé Albinus. C'est de lui que Plutarque dit, dans la Vie de Brutus, qu'on s'ouvrit à lui de la conjuration, ?non qu'il f?t autrement homme à la main, ou vaillant de sa personne, mais parce qu'il pouvoit beaucoup à cause d'un grand nombre de serfs escrimans à oultrance qu'il nourrissoit pour donner au peuple le passe-temps de les voir combattre; joint aussi qu'il avoit crédit alentour de César.? Il dit ailleurs que César avait tant de confiance en ce Décimus Brutus qu'il l'avait nommé son second héritier. Ce fut lui qui, le jour de sa mort, alla le chercher et le décida à se rendre au sénat, malgré Calphurnia et les augures.]

ACTE PREMIER

SCèNE I
Rome.--Une rue.
Entrent FLAVIUS ET MARULLUS, et une multitude de citoyens des basses classes.
FLAVIUS.--Hors d'ici, rentrez, fainéans; rentrez chez vous. Est-ce aujourd'hui fête? Quoi! ne savez-vous pas que vous autres artisans vous ne devez circuler dans les rues les jours ouvrables qu'avec les signes de votre profession?--Parle, quel est ton métier?
PREMIER CITOYEN.--Moi, monsieur? charpentier.
MARULLUS.--Où sont ton tablier de cuir et ta règle? Que fais-tu ici avec ton habit des jours de fêtes?--Et vous, s'il vous pla?t, quel est votre métier?
SECOND CITOYEN.--Pour dire vrai, monsieur, en fait d'ouvrage fin, je ne suis pas autre chose que comme qui dirait un savetier.
MARULLUS.--Mais quel est ton métier? Réponds-moi tout de suite.
SECOND CITOYEN.--Un métier, monsieur, que je crois pouvoir faire en s?reté de conscience: je remets en état les ames[2] qui ne valent rien.
[Note 2: Soals, semelles; dans l'ancienne édition, souls, ames. Ces deux mots se prononcent de même, et c'est là-dessus que roule la plaisanterie du savetier; la correction faite dans les éditions subséquentes ne me para?t pas heureuse, car si le cordonnier disait que son métier est de raccommoder les mauvaises semelles; bad soals, il serait étrange que Marullus ne le compr?t pas sur-le-champ. Le mot souls m'aurait donc paru plus convenable à laisser dans le texte. Quant à la traduction, il s'est trouvé, par un bonheur qui n'est pas commun lorsqu'il s'agit de rendre un calembour, que, dans l'argot du cordonnier, une partie de la botte s'appelle ame; ce qui a donné le moyen de rendre ce jeu de mots avec une fidélité qu'il n'est pas possible de promettre toujours.]
MARULLUS.--Quel est ton métier, maraud, mauvais dr?le, ton métier?
SECOND CITOYEN.--Monsieur, je vous en prie, que je ne vous fasse pas ainsi sortir de votre caractère[3]. Cependant, si vous en sortiez par quelque bout, monsieur, je pourrais vous remettre en état.
[Note 3: Be not out with me, yet if you be out.--To be out signifie également être de mauvaise humeur et avoir un vêtement déchiré.]
MARULLUS.--Qu'entends-tu par là? Me remettre en état, insolent?
SECOND CITOYEN.--Sans difficulté, monsieur, vous resaveter.
MARULLUS.--Tu es donc savetier? L'es-tu?
SECOND CITOYEN.--Bien vrai, monsieur, je n'ai pour vivre que mon alêne. Je n'entre pas, moi, dans les affaires de commerce, dans les affaires de femmes; je n'entre qu'avec mon alêne [4] Au fait, monsieur, je suis un chirurgien de vieux souliers: quand ils sont presque perdus, je les recouvre [5]; et on a vu bien des gens, je dis des meilleurs qui aient jamais marché sur peau de bête, faire leur chemin sur de l'ouvrage de ma fa?on[6].
[Note 4: I meddle with no tradesman's matters, nor women's matters, but with awl, with all ou withal, jeu de mots qu'on n'a pu rendre, mais qu'on a taché de suppléer, parce qu'il est dans le caractère du personnage.]
[Note 5: When they are in great danger I recover them. Recover, recouvrir, recover, guérir, sauver, recouvrer.]
[Note 6: Cette dernière phrase est omise dans la traduction qu'a faite Voltaire des trois premiers actes de Jules César. Voltaire ayant donné cette traduction comme exacte, on relèvera quelques-unes de ses nombreuses inexactitudes.]
FLAVIUS.--Mais pourquoi n'es-tu pas dans ta boutique aujourd'hui? pourquoi mènes-tu tous ces gens-là courir les rues?
SECOND CITOYEN.--Vraiment, monsieur, pour user leurs souliers, afin de me procurer plus d'ouvrage.--Mais sérieusement, monsieur, nous nous sommes mis en fête pour voir César, et nous réjouir de son triomphe.
MARULLUS.--Vous réjouir! et de quoi? quelles conquêtes vient-il vous rapporter? Quels nouveaux tributaires le suivent à Rome pour orner, encha?nés, les roues de son char? B?ches, pierres que vous êtes, vous êtes pires que les choses insensibles! O coeurs durs, cruels enfants de Rome, n'avez-vous point connu Pompée? Bien des fois, bien souvent, n'êtes-vous pas montés sur les murailles et les créneaux, sur les fenêtres et les tours, jusque sur le haut des cheminées, vos enfants dans vos bras; et là, patiemment assis, n'attendiez-vous pas tout le long du jour pour voir le grand Pompée traverser les rues de Rome; et de si loin que vous voyiez para?tre son char, le cri universel de vos
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