regarde comme le plus heureux des hommes... Je suis ma?tre timonier en second, et je vais être nommé prochainement timonier en premier, et je serai un jour décoré... Oui, il n'y a pas une peau d'homme autre que la mienne, où je voudrais être... Dans ma vie, il n'y a qu'une chose qui m'embête, c'est que j'ai un frère plus jeune que moi, que j'aurais voulu voir amateur de galon... Eh bien, il s'est fait calicot!? s'écriait-il avec un mépris, où il y avait presque de la douleur. Or le calicot en question, savez-vous qui c'était?... C'était Boucicaut du Bon Marché.
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Dimanche 17 avril.--Dans la journée, Léon Daudet vient me dire que le d?ner de chez papa, est transbordé chez lui. Il y a chez ce cher gar?on, une activité, une vivacité, une alacrité de l'intelligence qui charme et enfièvre: les idées chez lui, dans leur succession, ont quelque chose de la rapidité des mouvements d'un corps agile. Pendant deux heures qu'il reste au Grenier, il touche à un tas de questions anciennes et modernes, et parle spirituellement de la rapidité, à l'heure présente, avec laquelle les produits matériels passent d'un pays dans l'autre, et de la lenteur avec laquelle se transmettent les produits intellectuels, ce qu'il explique un peu par l'abandon de la langue latine, de cette langue universelle, qui était le volapuck d'autrefois entre les savants et les littérateurs de tous les pays.
Ce soir, au d?ner de l'avenue de l'Alma, où sont Lockroy et Hanotaux, on s'entretient de Boulanger, que Lockroy affirme avoir été le sous-lieutenant de LA DAME BLANCHE, toutefois avec la force, un moment, d'un million d'hommes derrière lui, et qui aurait bien voulu du pouvoir, mais à la condition que ce pouvoir lui aurait été offert sur un plat d'argent, sans le plus petit allongement de la main, pour le prendre. On s'entretient de Gambetta, dont la dictature à Bordeaux, est déclarée la plus prudhommesque la plus influencée par les vieilles épaulettes, les antiques ganaches politiques. Et un retour sur Saint-Just et les hommes de la Révolution fait dire, que les désastres de 1870 et 1871, viennent du remploi des hommes de 1848, au lieu de la mise aux affaires et aux armées, de jeunes hommes. On s'entretient de Constans, qui a, au dire d'Hanotaux, le mot spirituel et qui aurait dit, quelques jours après sa chute: ?Tout de même, ils m'ont débarqué!? faisant allusion à l'abandon d'un homme sur une plage déserte.
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Lundi 18 avril.--Je lis dans un bouquin sur le Japon, la légende du thé. La voici:
Dharma, un ascète en odeur de sainteté en Chine et au Japon, s'était défendu le sommeil, comme un acte trop complaisamment humain. Une nuit pourtant, il s'endormit et ne se réveilla qu'au jour. Indigné contre lui-même de cette faiblesse, il coupa ses paupières, et les jeta loin de lui, comme des morceaux de basse et de vile chair, l'empêchant d'atteindre à la perfection surhumaine à laquelle il aspirait. Or ces paupières sanglantes prirent racine, à la place où elles étaient tombées sur la terre, et un arbrisseau poussa, donnant des feuilles, que les habitants cueillent, et dont ils font une infusion parfumée, qui chasse le sommeil.
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Mercredi 20 avril.--De Béhaine déjeune chez moi. Il se plaint de l'incompréhension des républicains qui ne se rendent pas compte qu'il y a un pont entre le Saint-Siège et Cronstadt, et qu'en ce moment l'alliance russe est compromise et en suspens.
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Jeudi 21 avril.--C'est étonnant comme les animaux, même un peu sauvages, quand ils souffrent, cherchent à se rapprocher de l'homme, et à obtenir un peu de sa commisération. Voici cinq ou six jours, que la chatte est en mal de chats, eh bien! voici la pauvre bête, dans sa souffrance ayant besoin qu'on soit près d'elle, et elle vous suit de ses deux grands yeux tristes, quand on s'éloigne, et elle vous salue d'un petit miaulement, quand on revient, et elle vous remercie de votre caresse, par un petit ronronnement tout doux. Vraiment ils sont curieux chez ces ignorants de la maladie, les regards profonds avec lesquels ils semblent vous demander de leur ?ter leur mal.
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Samedi 23 avril.--Déjeuner à Versailles avec les Daudet, chez le ménage Lafontaine.
Tout en servant, Lafontaine raconte--et comme une comédien raconte, avec des temps et des jeux de physionomie--cette jolie anecdote.
Il avait cédé, vendu un Ruysdael, trouvé en Hollande, à Adolphe Rothschild, et venait de lui livrer, quand le baron dans la joie de son acquisition, se laissa aller à lui dire, en forme de politesse: ?Mais, la baronne vous verrait avec plaisir!? Et le baron entra?ne Lafontaine dans une pièce, où la baronne montée sur un escabeau, et ceinte d'un tablier, nettoyait elle-même ses curiosités, entourée d'une vingtaine de
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