Journal des Goncourt (Premier Volume) | Page 8

Edmond de Goncourt
de la REVUE DES DEUX MONDES.
--Le travail et les femmes, voil�� ma vie!--C'est Gavarni qui parle.
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Ao?t 1852.--Je trouve Janin toujours gai, toujours ��panoui, en d��pit de la goutte �� un pied. ?Quand on vint guillotiner mon grand-p��re, nous dit-il, il avait la goutte aux deux pieds... du reste, je ne me plains pas... c'est, dit-on, un brevet de vie pour dix ans... Je n'ai jamais ��t�� malade et ce qui constitue l'homme, je l'ai encore,?--fait-il en souriant.
Il nous montre une lettre de Victor Hugo, apport��e par Mlle Thuillier, et o�� il nous fait lire cette phrase: ?Il fait triste ici... il pleut, c'est comme s'il tombait des pleurs.? Dans cette lettre, Hugo remercie Janin de son feuilleton sur la vente de son mobilier, lui annonce que son livre va para?tre dans un mois, et qu'il le lui fera parvenir dans un panier de poisson ou dans un cassant de fonte, et il ajoute: ?On dit qu'apr��s, le Bonaparte me rayera de l'Acad��mie... Je vous laisse mon fauteuil.?
Puis, Janin se r��pand sur la salet�� et l'infection de Planche, sa b��te d'horreur: ?Vous savez, quand il occupe sa stalle des Fran?ais, les deux stalles �� c?t�� restent vides. Sa maladie, c'est l'��l��phantiasis... un moment on a esp��r�� qu'il avait la copulata vitrea de Pline. Il l'aurait eue, oh! il l'aurait eue... s'il s'��tait tenu un rien du monde moins salement!?
Une petite actrice des Fran?ais, dont je ne sais pas le nom, lui demandant s'il a vu une pi��ce quelconque: ?Comment, s'��crie Janin, en bondissant sur son fauteuil, vous n'avez pas lu mon feuilleton!? Et l��-dessus il la menace, il la terrorise de ne jamais arriver, si elle ne lit pas son feuilleton, si elle n'est pas au fait de la litt��rature, si elle ne fait pas comme Talma, comme Mlle Mars, qui ne manquaient jamais un feuilleton important.
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--Sur le trottoir de la rue Saint-Honor��, j'entends derri��re moi une fille disant �� une autre: ?Ah! Julie... elle a chang�� de religion, elle aime les hommes �� pr��sent!
--Les grands hommes sont des m��dailles, que Dieu frappe au coin de leur si��cle.
--L'id��e du manchon de Mimi donn��e �� Murger par Paul Labat qui, conduisant sa ma?tresse �� l'h?pital, fit arr��ter le fiacre devant une ��caill��re de marchand de vin, sur le d��sir que la mourante t��moigna de manger des hu?tres.
--Il me semble que les fonctionnaires sont destitu��s comme on renvoie les domestiques: aux seconds, on donne huit jours d'avance, aux premiers, la croix.
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22 octobre 1852.--Le PARIS para?t aujourd'hui. C'est, croyons-nous, le premier journal litt��raire quotidien, depuis la fondation du monde. Nous ��crivons l'article d'en-t��te.
--Nous soupons beaucoup cette ann��e: des soupers imb��ciles o�� l'on sert des p��ches �� la Cond��, des p��ches-primeurs �� 8 francs pi��ce, dont le plat co?te quatre louis et o�� l'on boit du vin chaud fabriqu�� avec du L��oville de 1836; des soupers en compagnie de gaupes ramass��es �� Mabille, de gueuses d'occasion qui mordent �� ces repas d'op��ra, avec un morceau de cervelas de leur d?ner, rest�� entre les dents, et dont l'une s'��criait na?vement: ?Tiens, quatre heures... maman est en train d'��plucher ses carottes!?
--Gavarni nous dit aujourd'hui qu'il croit avoir trouv�� une force motrice qui pourra, un jour, se d��biter chez les ��piciers, et dont on pourra demander pour deux sous.

ANN��E 1853
Janvier 1853.--Les bureaux du PARIS, d'abord ��tablis, 1, rue Laffitte, �� la Maison d'Or, furent, au bout de quelques mois, transf��r��s rue Berg��re, au-dessus de l'ASSEMBL��E NATIONALE.
La curiosit�� de ces bureaux ��tait le cabinet de Villedeuil o�� le directeur du journal avait utilis�� la tenture, les rideaux de velours noir �� cr��pines d'argent de son salon de la rue de Tournon, o�� se donnaient, un moment, toutes bougies ��teintes, des punchs macabres. A c?t�� du cabinet, la caisse, une caisse grill��e, une vraie caisse, o�� se tenait le caissier Lebarbier, le petit-fils du vignettiste du XVIIIe si��cle, que nous avions retir�� avec Pouthier des bas-fonds de la boh��me. Un ��chapp�� du CORSAIRE faisait dans un petit salon la cuisine du journal. C'��tait un petit homme, jaune de poil, �� l'oeil saillant du jettatore, un des seuls ��crivains ��chapp��s au coup de filet dans lequel le gouvernement avait ramass�� les journalistes, le 2 D��cembre.
Il ��tait p��re de famille et p��re de l'��glise, pr��chait les bonnes moeurs, se signait parfois comme un saint ��gar�� dans une bande de malfaiteurs, et, malgr�� tout, allait dans la d��finition libre des choses plus loin qu'aucun de nous. En ses moments de loisir, il r��digeait pour le journal: LES M��MOIRES DE Mme SAQUI.
A la table de la r��daction s'asseyaient journellement: Murger �� l'air humble, �� l'oeil pleurard, aux jolis mots de Chamfort d'estaminet; Aur��lien Scholl, avec son monocle viss�� dans l'orbite, ses col��res spirituelles, son ambition de gagner la semaine prochaine 50,000 francs
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