peu comme un montreur de phénomènes: ?C'est égal qu'on la dérange... Supposez que vous ayez un robinet ouvert chez vous, on entre, vous le fermez... C'est comme cela chez Mme Sand.--Oui, reprend Mme Sand, ?a m'est égal d'être dérangée par des personnes sympathiques, par des paysans qui viennent me parler...? Ici une petite note humanitaire.
Lorsque nous prenons congé d'elle, elle se lève, nous donne la main et nous reconduit. Alors nous voyons un peu de sa figure, bonne, douce, calme, les couleurs éteintes, mais les traits encore délicatement dessinés dans un teint pali et pacifié, dans un teint couleur d'ambre. Il y a au fond une ténuité et une fine ciselure dans ses traits, que ne rendent pas ses portraits, qui ont grossi et épaissi son visage.
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Lundi 7 avril.--Aujourd'hui j'ai visité un fou, un monstre, un de ces hommes qui confinent à l'ab?me. Par lui, comme par un voile déchiré, j'ai entrevu un fonds abominable, un c?té effrayant d'une aristocratie d'argent blasée, de l'aristocratie anglaise apportant la férocité dans l'amour, et dont le libertinage ne jouit que par la souffrance de la femme.
Au bal de l'Opéra, il avait été présenté à Saint-Victor un jeune Anglais, qui lui avait dit simplement, en manière d'entrée de conversation ?qu'on ne trouvait guère à s'amuser à Paris, que Londres était infiniment supérieur, qu'à Londres il y avait une maison très bien, la maison de mistress Jenkins, où étaient des jeunes filles d'environ treize ans, auxquelles d'abord on faisait la classe, puis qu'on fouettait, les petites, oh! pas très fort, mais les grandes tout à fait fort. On pouvait aussi leur enfoncer des épingles, des épingles non pas très longues, longues seulement comme ?a, et il nous montrait le bout de son doigt. ?Oui, on voyait le sang!...? Le jeune Anglais ajoutait placidement et posément: ?Moi j'ai les go?ts cruels, mais je m'arrête aux hommes et aux animaux... Dans le temps, j'ai loué, avec un ami, une fenêtre, pour une grosse somme, afin de voir une assassine qui devait être pendue, et nous avions avec nous des femmes pour leur faire des choses--il a l'expression toujours extrêmement décente--au moment où elle serait pendue. Même nous avions fait demander au bourreau de lui relever un peu sa jupe, à l'assassine! en la pendant... Mais c'est désagréable, la Reine, au dernier moment, a fait grace.?
Donc aujourd'hui Saint-Victor m'introduit chez ce terrible original. C'est un jeune homme d'une trentaine d'années, chauve, les tempes renflées comme une orange, les yeux d'un bleu clair et aigu, la peau extrêmement fine et laissant voir le réseau sous-cutané des veines, la tête--c'est bizarre--la tête d'un de ces jeunes prêtres émaciés et extatiques, entourant les évêques dans les vieux tableaux. Un élégant jeune homme ayant un peu de raideur dans les bras, et les mouvements de corps, à la fois mécaniques et fiévreux d'une personne attaquée d'un commencement de maladie de la moelle épinière, et avec cela d'excellentes fa?ons, une politesse exquise, une douceur de manières toute particulière.
Il a ouvert un grand meuble à hauteur d'appui, où se trouve une curieuse collection de livres érotiques, admirablement reliés, et tout en me tendant un MEIBOMIUS, Utilité de la flagellation dans les plaisirs de l'amour et du mariage, relié par un des premiers relieurs de Paris avec des fers intérieurs représentant des phallus, des têtes de mort, des instruments de torture, dont il a donné les dessins, il nous dit: ?Ah! ces fers... non, d'abord il ne voulait pas les exécuter, le relieur... Alors je lui ai prêté de mes livres... Maintenant il rend sa femme très malheureuse... il court les petites filles... mais j'ai eu mes fers.? Et nous montrant un livre tout préparé pour la reliure: ?Oui, pour ce volume j'attends une peau, une peau de jeune fille... qu'un de mes amis m'a eue... On la tanne... c'est six mois pour la tanner... Si vous voulez la voir, ma peau?... Mais c'est sans intérêt... il aurait fallu qu'elle f?t enlevée sur une jeune fille vivante... Heureusement, j'ai mon ami le docteur Bartsh... vous savez, celui qui voyage dans l'intérieur de l'Afrique... eh bien, dans les massacres... il m'a promis de me faire prendre une peau comme ?a... sur une négresse vivante.
Et tout en contemplant, d'un regard de maniaque, les ongles de ses mains tendues devant lui, il parle, il parle continuement, et sa voix un peu chantante et s'arrêtant et repartant aussit?t qu'elle s'arrête, vous entre, comme une vrille, dans les oreilles ses cannibalesques paroles.
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--Le corps humain n'a pas l'immutabilité qu'il semble avoir. Les sociétés, les civilisations retravaillent la statue de sa nudité. La femme qu'a peinte l'anthropographe Cranach, la femme du Parmesan et de Goujon, la femme de Boucher et de Coustou sont trois ages et trois natures de femme.
La première ébauchée, lignée dans
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