Jim lindien | Page 7

Gustave Aimard
Eh! une semaine, au moins; n’est-ce pas, Polly?
-- Oh! John! fit mistress Brainerd avec un accent de reproche.
-- Bien plus! poursuivit impitoyablement oncle John; Maggie, ayant
entrepris de jouer la fameuse sonate, Étoile et Bannière, frappa
inutilement les touches, pas un son ne sortit, puis, lorsqu’on fit du feu,
l’atmosphère dégela, les notes alors s’envolèrent une à une et jouèrent
un air bizarre. Le même Jour, l’argent vif du thermomètre descendit si
bas qu’il sortit par- dessous l’instrument, depuis lors il n’a plus pu
marcher. Oui, mon pauvre Adolphe, tous les hivers nous avons des
froids pareils.
-- Eh bien, mon oncle, il n’y a pas de danger que je reste ici pour les
affronter, vos hivers! Comment les Indiens peuvent-ils les supporter?
-- Ah? je savais bien que notre cousin ne resterait pas longtemps sans
aborder ce sujet, s’écria rieusement Maria; je m’étonnais à chaque
instant de ne pas l’avoir entendu faire une question là- dessus.

Comment ils les supportent?... Avez-vous jamais entendu dire qu’un
Indien soit mort de froid?... Dans l’hiver dont je te parle, Christian Jim
vint ici, au retour de la chasse. Ce gaillard là avait tout juste assez de
vêtements pour ne pas nous faire rougir: Eh bien! lorsque sa femme lui
demande s’il avait froid, il se mit à rire et retroussa ses manches.
-- J’aimerais voir cet Indien. De quelle tribu est-il? demanda Halleck
avec une animation extraordinaire.
-- Il est Sioux; ces gens-là pullulent autour de nous.
-- Peuplade splendide! race noble, chevaleresque, superbe! n’est- ce
pas?
Pour la première fois de la soirée, l’oncle John éclata d’un rire
retentissant; la bonne mistress Brainerd, elle-même, ne put se contenir.
Quant à Maria, son hilarité n’avait pas de bornes.
-- Ah çà! mais, qu’avez-vous donc tous?... demanda l’artiste un peu
décontenancé par l’accueil fait à son interjection.
-- Dans trois mois d’ici, tu riras plus fort que nous, mon cher enfant, se
hâta de dire mistress Brainerd pour le consoler; la poésie et le
romantique de tes idées ne pourront tenir devant la vulgaire réalité.
-- Quel malheur! Maria m’en a dit autant sur le paquebot. Je croyais
avoir la chance de pénétrer assez loin dans l’Ouest, pour y voir la vraie
race rouge, dans sa pureté originaire.
-- Oh! tu en trouveras, mon bon, reprit l’oncle John; tu verras des
spécimens purs dans cette région; à première vue tu en auras assez.
-- J’aimerais à en dessiner quelques-uns... les chefs les plus soignés?...
J’ai entendu parler d’un Petit-Corbeau, lorsque j’étais à Saint-Paul.
Voilà un portrait que je voudrais faire, ah! comme j’enlèverais çà!
-- Dans mon opinion, ce sera plutôt lui qui t’enlèvera, si l’occasion se
présente. C’est un diable, un brigand incarné, un vrai Sauvage.

-- À quoi doit-il sa réputation?
-- On ne sait pas trop; répondit Will; à peu de chose, assurément: c’est
lui qui...
Le jeune homme s’arrêta court; il venait de rencontrer un regard
furibond de son père, appuyé d’un «Ahem» vigoureux qui fit résonner
les verres.
Ce télégramme échangé entre le père et le fils, ne fût caché pour
personne; peut-être deux ou trois convives en devinèrent la vraie
signification: tous demeurèrent pendant quelques instants muets et
embarrassés. À la fin, Halleck, avec la présence d’esprit et la courtoisie
qui le caractérisaient, s’empressa de détourner la conversation.
-- Vous ne pourrez nier, dit-il, que les Hommes rouges n’aient fourni
quelques individus remarquables, dignes d’être comparés à nos plus
grands généraux; Philippe, Pontiac, Tecumseh, et quelques autres; sans
doute il n’y en n’a pas en abondance parmi eux, mais, je voue le répète,
mes amis, ce qui caractérise le Sauvage, c’est la force, vis antica!
ajouta-t-il en promenant autour de lui un regard convaincu.
-- Nul doute qu’Albert Pike ne se soit aperçu de cela, depuis longtemps;
riposta l’oncle John avec un sérieux perfide; et j’estime que si nous
avions accepté les alliances offertes par les Comanches dans la guerre
du Mexique, le casus belli serait aujourd’hui tranché.
-- Vous êtes tous ligués contre moi, je perds mon éloquence avec vous.
Maggie! ne pourriez-vous pas prendre un peu mon parti?
La jeune fille rougit à cette interpellation inattendue, et répondit avec
une petite voix douce.
-- Je serais bien ravie, mon cousin, d’être votre alliée. Jadis, j’aurais eu
un peu les mêmes idées que vous, mais une courte résidence ici a sufi
pour les dissiper. Je crois, en vérité, que notre existence occidentale ne
renferme aucun élément romantique.

-- Eh bien! je ne vous parlerai plus raison puisque vous êtes tous contre
moi! Oncle John, quel gibier y a-t-il dans le Minnesota?
-- De toute espèce. Depuis l’ours gris jusqu’à la fourmi.
-- Vous n’avez pas la prétention de me faire croire que, dans vos
parages, on trouve des monstres pareils?
Quoi? des fourmis?
-- Non; des ours
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