Jean-nu-pieds, Vol. I | Page 5

Albert Delpit
��t�� tu��.
--Louis... tu��!...
La jeune fille tressaillit violemment et chancela.
Mais c'��tait une vraie enfant de preux. Le ton ros�� de sa figure fut remplac�� par une paleur mate; un cercle noir se forma autour de ses yeux.
Elle alla au fond de la cour de l'h?tel s'agenouiller devant une madone en pierre, et pria.
--Oh! mon pauvre p��re, comme vous devez souffrir! s'��cria-t-elle en se relevant et en entourant de ses bras le cou du vieillard.
Elle ne pensait pas �� sa souffrance �� elle.
Cependant les heures marchaient.
M. de Kardigan, rassur�� sur le compte de ses enfants, voulait retourner �� la Charit��. Mais, au moment o�� il allait sortir de l'h?tel, une vive fusillade ��clata dans la rue de Varennes.
Le vieux Breton sentit l'odeur de la poudre et respira longuement, comme un cheval de bataille.
Des soldats, enferm��s dans la rue et bloqu��s par des insurg��s trois fois plus nombreux, se d��fendaient avec acharnement.
M. de Kardigan embrassa une derni��re fois sa fille et se jeta dans la lutte.
Un soldat frapp�� au front ��tait tomb�� au milieu du trottoir, tenant encore son fusil dans sa main crisp��e.
Il ramassa l'arme et se battit.
L'h?pital improvis�� de la chanoinesse de Riom s'encombrait rapidement.
La bataille devenait de plus en plus sanglante. A chaque instant on apportait les bless��s.
Il vint m��me un moment o�� il ne resta plus une seule place vide dans la cour de l'h?tel.
Alors madame de Riom fit jeter des matelas dans la rue m��me, sur lesquels on mettait les bless��s.
Il y eut, pendant ces trois fun��bres journ��es, bien des d��vouements ignor��s, bien des sacrifices inconnus.
Mais, parmi ces d��vouements et ces sacrifices, il faut compter ceux de ces femmes qui n'h��sitaient pas �� braver la mort pour panser les malheureux qui tombaient.
Marianne et sa tante allaient les relever sous la gr��le des balles, trouvant de bonnes paroles et de doux encouragements pour ces infortun��s.
Le p��re, entre deux coups de feu, contemplait sa fille avec orgueil.
Son sang parlait dans ce d��vouement simple et sublime.
Les heures passaient rapides.
Tout �� coup, celui qui dirigeait le mouvement des insurg��s comprit qu'il ��tait temps d'achever l'��crasement de cette poign��e d'hommes.
Des secours pouvaient leur arriver; il ordonna aux siens de faire une attaque g��n��rale.
D��s lors, ce ne fut plus une bataille, mais un ��gorgement. L'histoire a consacr�� le souvenir de quelques-unes des atrocit��s qui y furent commises.
A mesure qu'ils conqu��raient une maison, les insurg��s y entraient et poursuivaient �� travers les ��tages les malheureux soldats.
C'est dans cette rue de Varennes qu'on jeta par les fen��tres du cinqui��me ��tage des Suisses et des gardes-du-corps.
Au milieu de ce tourbillon de fer, Marianne et madame de Riom ��taient rest��es impassibles, continuant, sans reculer, leur oeuvre pieuse.
Tout �� coup M. de Kardigan crut entendre sa fille jeter un cri d��chirant.
Il se retourna et l'aper?ut, les genoux sur le sol, pale, presque livide.
Il se pr��cipita en arri��re, sans s'occuper des insurg��s qui gagnaient du terrain.
Marianne se releva p��niblement; une balle venait de lui traverser le bras.
Elle vint en chancelant se r��fugier sur la poitrine de son p��re.
La fi��re h��ro?ne redevenait femme: la douleur refaisait d'elle une enfant.
--P��re! p��re! je souffre, murmura-t-elle en laissant pencher son front sur l'��paule du marquis.
Au m��me instant, �� trente m��tres de l��, un insurg�� parut �� la fen��tre d'une maison.
--Ah! les femmes s'en m��lent! cria-t-il. Eh bien, attends un peu!
Il abattit son fusil dans la direction de Marianne.
M. de Kardigan voulut arracher au danger son bien-aim�� fardeau.
Mais il ��tait trop tard.
Marianne eut un tressaillement int��rieur qui tendit son corps dans un spasme supr��me... puis ses bras retomb��rent inertes.
--P��re... p��re! balbutia-t-elle encore.
Elle ��tait morte.
M. de Kardigan se jeta dans l'h?tel, et, l��, d��posa la pauvre enfant sur un de ces lits improvis��s par sa g��n��reuse charit��.
Puis lui-m��me, accabl�� par ce nouveau coup, perdit connaissance et s'��vanouit.
* * * * *
La seconde journ��e s'acheva comme la premi��re. Quel chemin de croix pour cet homme, qui venait �� Paris pour embrasser ses enfants, et qui sur son chemin ne rencontrait que des tombes!
Quand il revint �� lui, la nuit--la seconde!--couvrait la ville.
Le sentiment de la r��alit��, se r��veillant en lui avec la douleur, lui rappela ces deux deuils qui l'��crasaient.
On avait transport�� Marianne dans la chambre de sa tante. Elle reposait sur le lit, rev��tue encore de son uniforme de soeur de charit��.
M. de Kardigan, vieilli de cent ans, courb�� en deux par l'angoisse et le d��sespoir, tenait sa t��te cach��e dans les draps du lit.
La balle avait travers�� le coeur. La jeune fille semblait dormir: son visage, laiss�� calme par ce grand repos de la mort, souriait encore.
Le p��re regardait; ses yeux ��taient secs. Il avait tant pleur�� qu'il n'avait plus de larmes!
--Elle aimait les fleurs... dit-il.
Alors il alla p��niblement, se tra?nant plut?t que marchant, vers une serre naturelle o�� croissaient, sous le chaud soleil de juillet, des plantes embaum��es.
Il fit une abondante moisson, qu'il jeta
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