Jean-nu-pieds, Vol. I | Page 4

Albert Delpit
entra. C'��tait le colonel du r��giment de cuirassiers.
En apercevant M. de Kardigan, il sentit qu'il ��tait en face du p��re.
--Monsieur, dit-il, le commandant de Kardigan est mort en h��ros. Entour�� d'assaillants, il a refus�� de se rendre.
Le p��re ne dit qu'un mot, un mot qui pour lui r��sumait tous les devoirs humains:
--Fid��le! murmura-t-il en regardant son fils a?n��.
--Ma soeur, reprit-il, j'ai d'autres enfants, soldats eux aussi. Je veux les voir; dans la nuit je reviendrai. C'est �� moi de veiller mon enfant.
Aubin Ploguen fit un geste que le marquis comprit aussit?t.
--Oui... oui... reste!
Le serviteur s'assit au chevet du lit.
Le ma?tre, lui, se tenait debout, les bras crois��s, ab?m�� dans sa souffrance. Il semblait qu'il n'e?t pu s'arracher �� ce douloureux spectacle.
?L'homme qui souffre aime sa douleur,? a ��crit un po?te.
--Monsieur, dit le colonel, j'ai mon coup�� �� la porte. Voulez-vous me permettre de vous mener?
--Il est bien tard... n'importe!... Veuillez me conduire au couvent de la Vierge, rue Saint-Paul, il me semble que cela me fera du bien d'embrasser ma fille...
En effet, la nuit ��tait fort avanc��e. Mais M. de Kardigan voulait faire ��veiller sa fille, sa Marianne ch��rie.
Cette derni��re enfant ��tait sa pr��f��r��e, autant qu'un p��re peut avoir de pr��f��r��. En naissant, elle avait co?t�� la vie �� sa femme, qu'il adorait.
On s'attache aux siens en raison des douleurs qu'ils vous causent.
Pendant que la voiture marchait lentement �� travers les rues barricad��es, le vieux Breton pleurait, la t��te entre ses mains.
--Pauvre Marianne! comme elle sera malheureuse! pensait-il.
Le colonel souffrait de la souffrance de ce p��re frapp�� si douloureusement. Ah! si ceux qui font les guerres civiles savaient les deuils qu'ils jettent et les coeurs qu'ils brisent!
La voiture s'arr��ta rue Saint-Paul.
Le couvent de la Vierge dressait sa muraille grise dans l'ombre.
--Adieu, monsieur le marquis! dit le colonel d'une voix triste.
--Ah! c'est la premi��re fois que les baisers de ma fille ne pourront me consoler! murmura le gentilhomme en hochant sa t��te blanchie...

III
LA SECONDE JOURN��E
Quand, le matin, avaient retenti les premiers coups de fusil, beaucoup de familles s'��taient effray��es �� la pens��e de voir leurs filles expos��es �� la r��volution.
En effet, le couvent de la Vierge est situ�� rue Saint-Paul, au milieu de la fournaise.
Les m��res s'��taient donc empress��es de retirer les pauvres enfants et de les emmener chez elles.
Marianne de Kardigan alla chez une de ses tantes, la chanoinesse de Riom.
Aussi, quand le marquis la demanda au parloir, il lui fut r��pondu que depuis le matin elle n'��tait plus au couvent.
La nuit ��tait trop avanc��e pour que le gentilhomme p?t se rendre chez madame de Riom; et, en m��me temps, le jour trop proche pour qu'il ne d?t pas se r��soudre �� ne pas retourner �� l'h?pital de la Charit��.
En effet, la circulation devenait de plus en plus difficile dans Paris.
Les barricades sortaient de terre par enchantement; et les insurg��s, comme s'ils eussent pressenti leur victoire, commen?aient �� interroger les passants, retenant ceux qui n'��taient pas de leur bord.
N��anmoins M. de Kardigan se dirigea vers la rue de Varennes, en quittant le couvent de la Vierge.
Des hommes arm��s montaient la garde au bout de chaque rue.
La lutte s'annon?ait comme devant ��tre plus acharn��e que celle de la veille.
Mais nul ne songea �� arr��ter ce vieillard encore droit et ferme, malgr�� son coeur bris��, qui portait sur ses traits d��vast��s tout un po?me de d��sespoir.
Le marquis marchait, l'oeil fixe, la pens��e immobile, comme ces Indiens concentr��s dans une m��me id��e.
Il voulut d'abord remonter la rue Saint-Paul, gagner la rue du Loir et suivre le bord de la Seine.
Mais il lui fallut renoncer �� ce projet.
Il dut passer par la place de la Bastille et prendre la ligne des boulevards.
Le jour ��tait lev��.
Des flots de soleil inondaient les pav��s rougis. Les mines r��solues annon?aient que le combat serait proche.
M. de Kardigan arriva rue de Varennes vers huit heures du matin seulement.
L'h?tel o�� demeurait madame de Riom ��tait d��j�� ouvert.
Il entra; des tentes ��lev��es �� la hate encombraient la cour.
Sous ces tentes ��taient couch��s des bless��s, que soignaient deux femmes, la chanoinesse et sa ni��ce Marianne.
La jeune fille aper?ut son p��re et jeta ce joli petit cri des fillettes de dix-sept ans, qui rappelle le chant d'un oiseau. Le p��re ouvrit ses bras, et elle vint s'y pr��cipiter avec bonheur.
--O p��re, p��re ch��ri!
--Ma pauvre enfant!
Il y avait tant de douleur dans la voix du marquis, que Marianne, ignorant l'arriv��e de son p��re, la veille, prit cette douleur pour de l'inqui��tude.
--Rassurez-vous, dit-elle, mes fr��res sont tous sains et saufs...
Il frissonna.
--Louis a re?u une ��gratignure... Vous savez que je l'adore, mon commandant!
Et elle riait, ne se doutant pas qu'elle per?ait le coeur de M. de Kardigan.
--Quant �� Philippe, un ordre du ministre d��fend aux ��l��ves de l'��cole polytechnique de sortir.
--Et Jean?
--Il est venu nous voir hier au soir.
--Marianne, dit le p��re, votre fr��re Louis a
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