Jean-nu-pieds, Vol. 2 | Page 7

Albert Delpit
je sentais bien que tout ��tait fini et que j'en mourrais...
Vous pouvez nous sauver.
Une seule personne peut relever le fils d'un gentilhomme de l'ob��issance �� l'ordre de son p��re: le Roi de France. N'��tes-vous pas R��gente? Et lorsque vous direz au marquis de Kardigan: Je vous ordonne d'��pouser celle que vous aimez, le marquis de Kardigan s'inclinera.
La demande de Fernande, bien que logique, ��tonna la princesse.
--Continuez, dit-elle.
--Je n'ai rien �� ajouter, Madame. A vous de d��cider... Quel que soit votre arr��t, je l'accepte d'avance et je le respecterai.
La princesse ��tait ��mue. Elle se disait que le plus haut privil��ge de sa naissance n'��tait peut-��tre pas tant sa glorieuse maternit��, que le pouvoir de donner le bonheur �� ceux qui ��taient si pr��s de le perdre �� jamais.
Pourtant un autre sentiment combattait dans le coeur de la princesse le premier ��lan de sa g��n��reuse pens��e. Elle se demandait si, �� une ��poque o�� les consciences ��taient si troubl��es, elle devait accepter un compromis, m��me unique, et pour ainsi dire charitable, entre la Royaut�� et la R��volution.
Puis elle r��fl��chit aux services si grands, si ��clatants de cette noble famille des Kardigan; elle songea, sans doute, que c'��tait r��compenser hautement et royalement le dernier de ce nom, en le faisant heureux malgr�� lui.
--Vous avez eu raison d'en appeler �� la r��gente de France, mademoiselle, dit-elle avec une noble dignit��, la r��gente de France a entendu votre appel et y r��pondra.
Fernande croyait r��ver.
Alors la princesse ouvrit de nouveau la fen��tre et appela une seconde fois Aubin Ploguen, selon l'ordre qu'elle avait donn��.
Le Breton s'��lan?a: il avait la joie au coeur.
D'un signa de t��te imperceptible, Fernande lui avait appris que la duchesse consentait.
--Retirez-vous encore dans l'ombre de la chambre, mademoiselle, dit-elle.
Jean-Nu-Pieds entra.
--Marquis, dit Madame avec un sourire, vous croyez peut-��tre que je vous ai appel�� pour compl��ter les ordres que je vous ai donn��s au sujet de votre mission �� la P��nissi��re?
--Madame...
--Vous ��tes ��tonn��? Vous ne comprenez pas?
--Je l'avoue.
--Vous le serez encore bien plus tout �� l'heure.
Le marquis ��tait bien plus qu'��tonn��: il ��tait stup��fait.
Madame reprit:
--Je vous ai fait venir pour vous apprendre que je vous marie!
Il ne put retenir un cri et changea de couleur.
--��tes-vous dispos�� �� m'ob��ir?
--Madame!...
--Ah! ah! mon f��al, il me semble que vous discutez mes ordres. Ne me devez-vous pas ob��issance passive?
--Oui, Votre Altesse.
--Reconnaissez-vous que si je vous ordonnais d'aller vous faire tuer, vous iriez... Ce ne serait pas la premi��re fois, au reste!
--Madame!
--Eh bien, je vous ordonne d'accepter celle que je vous destine.
--Venez, mademoiselle Gr��goire! ajouta-t-elle en se tournant vers le fond de la chambre.
Jean-Nu-Pieds regardait Fernande qui s'avan?ait ��mue et chancelante:
--Fernande! Fernande! murmura-t-il.
--Oui, Fernande, votre fianc��e aujourd'hui, et bient?t votre femme.
--Mais Votre Altesse ne sait donc pas...
--Je sais que je suis la R��gente de France, reprit Madame, et que j'ai le droit, au nom du Roi, mon fils, de relever un de mes gentilshommes d'un serment! Je sais que vous avez jur�� �� votre p��re, marquis, de fuir et de maudire les r��gicides et leurs enfants jusqu'�� la dixi��me g��n��ration. Mais, quand moi, je vous donne la main d'une de leurs filles, vous pouvez l'accepter! Si votre noble p��re ��tait vivant, je lui dirais: Je veux, et il ob��irait. C'est �� vous que je dis: Je veux. Ob��issez!
--Oh! Madame...
La princesse crut que le jeune homme r��sistait. Elle releva le front et s'approcha de la fen��tre ouverte.
Nous avons dit que cette fen��tre donnait sur le bouquet de bois qui englobait la ferme. Il faisait nuit, mais au loin on entendait encore de temps �� autre quelques coups de fusil isol��s.
--Venez, marquis, ��coutez! reprit-elle. Le seul, le vrai roi de France, le descendant de Philippe Auguste et de saint Louis ne r��gne que sur une langue de terre. On lui a pris son royaume, son peuple et son arm��e. Son royaume... est une ferme; son peuple... quelques paysans; son arm��e, les meilleurs gentilshommes de France, mais qui ne feraient pas le nombre d'une compagnie sur le champ de parade, s'ils font dix r��giments sur le champ de bataille! Refuserez-vous, vous, l'un de ceux-l��, l'ob��issance que je r��clame en son nom, �� un ordre de ce roi sans royaume, sans peuple et sans arm��e?
Jean-Nu-Pieds tomba �� genoux, comme Fernande quelques instants auparavant.
--Oh! soyez b��nie! soyez �� jamais b��nie, Madame.
--Marquis, je vous rel��ve de votre serment. Votre p��re, qui vous l'a impos��, comme moi pardonnerait la tache originelle de cette enfant puisque je lui pardonne bien, moi! Allez et soyez heureux!... Dieu vous garde!
Elle mit la main du jeune homme dans celle de la jeune fille.
Ils bais��rent, �� genoux, celle que leur tendait la princesse, et se retir��rent de cette humble chambre, o�� la premi��re femme de France venait de r��compenser l'un des siens par un don plus pr��cieux que l'Ordre du Saint-Esprit ou de la Toison d'Or.
Elle les regarda dispara?tre et passer
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