de vous faire obtenir une audience de Madame, n'est-ce pas? Eh bien! je tiens ma parole.
Et il enleva son chapeau.
Fernande jeta un cri.
--On vous a parl�� de Petit-Pierre, reprit-il gaiement. Petit-Pierre... c'est moi, et Madame tient toujours les promesses de Petit-Pierre...
La princesse souriait. Fernande tomba �� genoux, les mains jointes...
II
LE R��CIT
--Relevez-vous, mon enfant, dit Madame. On ne se met �� genoux que devant Dieu.
Fernande se releva; mais ses larmes l'��touffaient: elle ne pouvait parler.
--J'��tais dans l'��glise, en m��me temps que vous, continua la princesse. Je vous ai entendue appeler et invoquer Dieu. Vous souffrez? Dites-moi votre souffrance, et puisque je puis vous consoler, ayez confiance en moi...
Fernande essuya ses pleurs; puis regardant timidement la duchesse:
--Madame, dit-elle, vous seule pouvez me sauver... N'��tes-vous pas ma Providence et mon seul espoir? J'aime, j'aime ardemment un de vos gentilshommes et...
Fernande baissa les yeux. Quelle est la femme qui ne rougirait pas en faisant la confidence de son amour?
Avec sa d��licatesse f��minine si exquise, Madame comprit le trouble intime de la jeune fille.
Elle lui prit la main, et lui montrant une des chaises:
--Asseyez-vous l��, mon enfant, dit-elle. Parlez, et ne craignez rien. Personne autre que moi ne vous entend. Puisque c'est �� moi que vous avec voulu confier le soin de votre bonheur. Eh bien!... parlez!
Fernande se sentit gagn��e aussit?t par l'expression pleine de bont�� du langage de Madame.
--Laissez-moi vous dire, reprit-elle plus bas... Votre Altesse doit conna?tre mes angoisses et mes combats avant le jour o�� je me suis d��cid��e �� venir me jeter �� ses pieds...
La premi��re fois que je l'ai vu..., je vivrais cent ans que je me rappellerai toujours cette heure-l��!... La premi��re fois que je l'ai vu, c'��tait par une belle matin��e d'��t��. Le soleil ��tait radieux, et au dehors l'��meute grondait. C'��tait le 29 juillet 1830.
Madame palit un peu. Le souvenir de ces temps n��fastes l'impressionnait toujours.
--Il venait remplir son devoir. Le Roi lui avait ordonn�� de mourir, il allait �� la mort. Par bonheur, Dieu m'avait mise sur son passage... j'eus la joie de le sauver. Mais quand il partit, oh! Madame, je sentais bien qu'il ne partait pas seul et que mon coeur s'en allait avec lui. De longs mois se pass��rent. Enfin, un matin, je sentis mon coeur battre violemment, j'eus le pressentiment que j'allais le revoir. Et, en effet, on vint m'avertir qu'il me demandait...
La jeune fille s'arr��ta.
--Oh! que je fus heureuse! Je me suis dit bien souvent que j'avais expi�� depuis toutes mes joies d'un seul moment. Il venait dire qu'il m'aimait, que depuis notre rencontre, il n'avait pas cess�� de m'aimer... Il venait dire que c'��tait �� moi de d��cider si je consentais �� devenir sa femme.
Consentir! consentir �� cela qui ��tait le r��ve le plus ardent de ma vie!... Madame, je lui ai tout racont��: mon amour pour lui, que je n'avais m��me pas combattu tant il me paraissait loyal et profond. Pourquoi lui aurais-je menti? C'��tait ma joie supr��me que l'aveu prononc�� par ses l��vres. Je me sentais bien heureuse!...
Il me prit la main, et nous ��changeames le serment d'��tre l'un �� l'autre, avec la confiance de notre loyaut�� commune.
La princesse ne cachait pas le vif int��r��t qu'elle prenait �� cette na?ve histoire d'amour... Oh! comme on a eu raison de le dire: L'amour est toujours banal et toujours nouveau!
--Continuez, mon enfant, dit-elle.
--Votre Altesse ne comprend pas o�� je veux en venir? Qu'elle me pardonne si je m'��tends ainsi sur les d��tails de notre rencontre... Mais il me semble que je suis devant mon juge, et qu'il doit tout conna?tre...
Je croyais que rien ne pouvait emp��cher notre bonheur, continua Fernande. Il ��tait libre et j'avais le droit de penser que je l'��tais aussi.
Son p��re, ses fr��res, sa soeur avaient succomb�� pour le Roi. Ma m��re, �� moi, ��tait morte, et mon p��re m'avait toujours laiss��e libre de mes actions.
Je me fian?ais, confiante et assur��e.
Il venait �� peine de me quitter que mon p��re parut...
O madame, �� vous seule au monde je consentirai �� raconter une pareille chose!... Mon p��re! cet homme dur, implacable, qui ne conna?t d'autres r��gles que sa volont��, d'autres lois que son int��r��t, il venait m'ordonner de me pr��parer �� un mariage arr��t�� par lui. Je me d��battis en vain. Sa volont�� ��tait l��. Enfin...
Elle s'arr��ta. Puis courbant le front:
--Madame, reprit-elle, je ne vous ai pas encore nomm�� celui auquel j'appartiens devant Dieu. Il faut que vous connaissiez son nom pour comprendre l'horreur o�� j'ai ��t�� jet��e: c'est le marquis de Kardigan!
--Jean-Nu-Pieds!
--Oui, madame...
--Vous avez bien choisi, mon enfant, et votre coeur ne s'est pas tromp��. Celui-l�� est, en effet, un vrai gentilhomme, et le digne fils des chevaliers d'autrefois.
--Vous avez connu, madame, les catastrophes r��p��t��es qui ont bris�� cette famille...
La princesse fit un signe affirmatif.
--Des quatre enfants, il n'en restait qu'un seul de vivant: Jean... L'autre fils,
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