Jean-nu-pieds, Vol. 2 | Page 2

Albert Delpit
qui es une sainte au ciel, tu pourrais implorer Dieu pour moi, et Dieu ne te refuserait point.
Ses larmes la reprirent.
Triste chemin de croix de cette pauvre fille! Elle aimait, elle avait cru que l'amour ��tait fait de joies et d'esp��rances, et depuis le premier jour, elle n'y avait rencontr�� que la douleur.
Le paysan s'��tait un peu recul�� dans l'ombre comme si, malgr�� l'obscurit�� de l'��glise, il e?t craint d'��tre reconnu �� sa t��te d��couverte.
Fernande se leva:
--Mon sort sera d��cid�� dans une heure, pensa-t-elle.
Elle jeta un dernier regard �� la croix de bois grossier qui pendait au-dessus de l'autel. Puis, �� pas lents, elle traversa l'��glise.
Le paysan, ��touffant ses pas, la suivait.
Quand elle se retourna pour faire le signe de croix, elle le trouva �� c?t�� d'elle.
Elle jeta un faible cri d'effroi, et recula; mais celui-ci trempa ses doigts dans l'eau b��nite, et les tendit �� la jeune fille.
Elle ne pouvait distinguer les traits du visage de l'inconnu. Mais sa taille n'avait rien d'effrayant; c'��tait celle d'un enfant, presque d'un adolescent peut-��tre.
Ils sortirent ensemble; mais �� peine hors l'��glise, le paysan couvrit sa t��te d'un ��pais chapeau qui cachait enti��rement le visage.
Fernande s'approcha de lui:
--Mon ami, voudriez-vous me conduire �� la ferme de Rass��? lui dit-elle.
--A la ferme?
--Ma demande vous ��tonne!
--Oui, madame...
Il semblait assez embarrass��. Il se pencha vers elle et lui murmura �� l'oreille un mot de passe auquel Fernande r��pondit sans h��siter.
--Alors, c'est diff��rent!... si vous ��tes des n?tres, je vais vous conduire.
--Merci.
--Seulement je vous pr��viens que je suis forc�� de prendre le plus long. Nous avons des postes �� c?t�� de la route de Clisson: il faut que j'y donne un coup d'oeil en passant.
--Comme vous voudrez...
Ils march��rent �� c?t�� l'un de l'autre, en silence; en ce moment ils traversaient un chemin creux.
--Et qu'est-ce que vous allez faire �� Rass��, madame? continua le paysan... Je vous fait cette question, parce que... si quelqu'un ne vous y conna?t pas, je doute qu'on vous laisse entrer dans la ferme...
--A cause de Madame?
--Ah! vous savez qu'elle y est.
--Oui.
--Tous vos amis ne le savent pas, cependant.
--Je serai franche avec vous, monsieur, reprit Fernande. J'ai besoin de voir son Altesse Royale. Si vous pouvez avoir l'autorit�� de me faire obtenir une audience de Madame, je vous en aurai une ��ternelle reconnaissance.
Fernande parlait ainsi, car la voix claire de l'inconnu, sa finesse, sa distinction, lui prouvaient qu'elle n'avait pas eu affaire �� un paysan, comme elle le croyait d'abord, mais �� quelque jeune gentilhomme d��guis��, ainsi que cela ��tait si commun en Vend��e.
--Une audience de Madame? Oh! c'est difficile. Aujourd'hui surtout.
--Ah! mon Dieu!
--Vous ne savez donc pas qu'elle s'est battue toute la journ��e?
--Si, je la sais? Il faudrait, pour l'ignorer, ne pas avoir entendu les r��cits enthousiastes qui ont ��t�� faits de sa conduite.
--Alors... vous comprenez... elle est fatigu��e.
--H��las!
--Cela vous contrarie?
--Cela ne me contrarie pas: cela m'afflige.
--Vraiment!
--Monsieur, �� un gentilhomme je ne tairai rien de ce qui est mon secret �� moi. Madame a mon bonheur entre ses mains, plus que mon bonheur, elle a ma vie. Un mot d'elle peut me rendre la plus heureuse ou la plus infortun��e des femmes.
--Je comprends, vous ��tes impatiente.
--Ce n'est pas de l'impatience, c'est de l'angoisse.
L'inconnu paraissait vivement int��ress�� par les paroles de la jeune fille. Quand Fernande dit que la princesse ?avait entre les mains son bonheur et sa vie,? il ne put retenir un mouvement de surprise.
--Eh bien, madame, je vous donne ma parole que vous verrez la princesse; je ne sais pas comment je m'y prendrai, reprit-il en souriant, mais... mais vous la verrez!
Cependant ils ��taient arriv��s �� ces postes de la route de Clisson, auxquels le paysan devait donner un coup d'oeil.
Quand il s'en approcha, un homme se d��tacha pour venir reconna?tre les nouveaux arrivants.
Il se contenta de demander le mot de passe. Mais le paysan entrouvrit son manteau, et l'homme, s'inclinant profond��ment, se retira.
Fernande ne tarda �� s'apercevoir du respect profond qu'on t��moignait partout �� son compagnon, et s'applaudit encore plus de l'avoir rencontr��.
Grace �� lui, elle pourrait parvenir aupr��s de Madame. Qu'avait-elle donc �� lui dire?
Enfin parut derri��re un bouquet de bois le toit de la ferme de Rass��.
L'inconnu entra sous bois, escort�� de Fernande, que l'��motion commen?ait �� prendre.
Les chouans qu'ils rencontr��rent sur leur chemin t��moignaient toujours au jeune paysan ce m��me respect qui avait tant frapp�� mademoiselle Gr��goire.
En passant sous le berceau de feuillage qui se dresse au devant de la ferme, un homme se pr��cipita vers le paysan. Il allait sans doute lui adresser des reproches, on le jugeait �� l'expression de sa physionomie, quand celui-ci montra d'un geste son compagnon.
Ils entr��rent dans la maison, et le paysan, marchant devant Fernande, la guida dans une chambre �� coucher tr��s-simple, meubl��e d'un lit, d'un secr��taire, d'une table, d'un fauteuil et de deux chaises. Mobilier primitif!
--Je vous ai promis
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