Jacques Cartier | Page 6

Émile Chevalier
��tait gris, sombre. Il tombait une pluie fine et p��n��trante. De longues bandes de canards et autres palmip��des sillonnaient les airs en tous sens. Sur le navire volaient, en se croisant et poussant des cris aigus, des nu��es de noirs corbeaux et de vautours �� t��te chauve. Par intervalles, l'un de ces oiseaux voraces fondait effront��ment sur quelque d��tritus, rejet�� du vaisseau et mis �� d��couvert par le d��gel; il happait le morceau et se renlevait rapidement dans l'espace, en disputant sa proie aux moins audacieux que lui.
Tout �� coup, un bruit formidable comme le roulement d'une avalanche du haut des sommets alpestres, ou plut?t comme un tremblement de terre tropical, se fait entendre. L'atmosph��re est ��branl��e, la mer brise son pont de glace et bondit, mugissante, terrible, blanche de courroux, autour de la go?lette, qui, d��j�� par��e pour cet ��v��nement, se balance, maintenant svelte, l��g��re et coquette, avide de reprendre sa course sur l'onde ��cumeuse.
Si l'on voulait profiter de cette d��bacle inesp��r��e et ne pas s'exposer �� ��tre de nouveau renferm�� dans les banquises en mouvement, que le retour du froid ne tarderait pas �� agglom��rer une seconde fois en un tout compacte, il fallait appareiller imm��diatement.
Aussi, ce jour-l�� m��me, d��barrass��e de sa cabane surnum��raire, remat��e, regr����e, en un mot, la Catherine levait les ancres et partait gaiement pour Saint-Malo, trois mois au moins avant l'��poque o�� elle aurait pu, dans les conditions ordinaires de temp��rature, compter raisonnablement briser les entraves dont l'hiver l'avait charg��e.
--Min Gieu, ?a ne fait rien, disait le vieux Morbihan, en ber?ant la petite Constance dans ses bras, quand dame Catherine, notre patronne, verra quel amour de cargaison nous lui rapportons l��, elle ne nous en voudra plus de nous ��tre attard��s si longtemps en mer! da non; n'est-ce pas ma?tre?
--Oh! fit, sans l'entendre, Jacques soucieux, et tenant ses yeux attach��s ver l'ouest, je ne tarderai s?rement pas �� revenir dans ces parages, et je profiterai des avis du pauvre Guillaume Dubreuil.
FIN DU PROLOGUE

CHAPITRE PREMIER
SAINT-MALO, PATRIE DE JACQUES CARTIER.
Existe-t-il en France, ou m��me dans le monde entier, une ville qui, relativement �� sa population, puisse s'enorgueillir d'avoir enfant�� autant de c��l��brit��s que Saint-Malo? Quelle p��pini��re, quelle pl��iade d'illustrations dans tous les genres! Ses seuls marins fameux, on en pourrait compter cent, non compris les Jacques Cartier, les Por��e, les Duguay-Trouin, Mah�� de la Bourdonnais, les Surcouf, les de Coisy, et, comme dit leur excellent biographe, M. Ch. Cunat: ?Tous donn��rent plus d'une fois sujet aux ennemis de la France de leur appliquer ce mot de Philippe, roi d'Espagne, en parlant de Turenne: Voil�� un homme qui m'a fait passer de bien mauvaises nuits.?
Mais �� ces beaux noms, consign��s au premier rang dans les fastes de notre histoire nationale, ne se borne pas la liste des grands hommes qui ont honor�� Saint-Malo par leur bravoure �� toute ��preuve ou leurs vastes talents. Des philanthropes, comme Jacques Vincent, seigneur de Gournay, Alain Magon de la Gervesais, Pierre de la Haye; des savants, comme Nicolas Trublet, le P. Alain de Large, le physicien Maupertuis, l'��rudit Joachim Por��e, l'historien Nicolas Frottet, le m��decin Broussais; des administrateurs comme Pierre-Louis Boursaint, F��ron de la F��ronnays; des po��tes comme Fran?ois-Marie Lescaut, Marie-Jeanne Bougourd (l'auteur de la Jeune M��re), Michel de la Morvonnais et l'immortel Chateaubriand; des philosophes comme Offroy de Lamettrie et Robert de Lamennais, vingt autres enfin, renomm��s dans les sciences, les arts et les lettres, viennent encore enrichir le catalogue des glorieuses, personnalit��s auxquelles la cit�� malouine servit de berceau.
Que rapporter des actions d'��clat dont elle fut le th��atre? qui les pourrait citer toutes? ?Cet ?lot de Saint-Malo, dit en son noble langage Jules Janin, cet ?lot de Saint-Malo, fils de l'Oc��an, est un v��ritable navire �� l'ancre, berc�� par les temp��tes; les arbres ressemblent �� des mats qui attendent la vague lointaine. L'air, le ciel, le nuage, le bruit, la nuit, le jour, tout rappelle, �� Saint-Malo, la vue du matelot des lointains rivages.
?Vie de matelot, passion de la mer, amour de l'orage, orgueil de l'��cume sal��e, p��che et bataille, amour, abordage! Honneur �� Saint-Malo! Ce vaisseau est assur�� par une ancre ��ternelle qui touche au fond de la mer.?
Comparaison d'aussi haut style que de haute justesse surtout si l'on examine les anciennes Vues de Saint-Malo: le rocher sur lequel s'��l��ve la ville a la forme d'un navire, qu'une cha?ne ��norme,--le Sillon,--retiendrait �� la terre ferme.
Cette ville, si l��gitimement r��put��e, et dont tout coeur fran?ais a droit d'��tre fier, ne date gu��re que du huiti��me si��cle. Fond��e par les ��v��ques d'Aleth, avec les d��combres m��mes de la cit�� de ce nom, voisine alors aujourd'hui disparue, elle se composa d'abord d'un monast��re, plac�� �� la cr��te du rocher Saint-Aaron, et prot��g�� par une forte muraille, dans l'enceinte et autour de laquelle s'��lev��rent peu �� peu des cabanes de p��cheurs. Maintenant
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