J.-K. Huysmans et le satanisme | Page 6

Joanny Bricaud
le marquis de Guaita.
Huysmans disait encore, parlant de Guaita et de Péladan, qu'ils avaient

tout tenté contre lui, avant et surtout après son roman Là-Bas.
Je suis certain, affirmait-il, qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour me
nuire. Et il racontait que chaque soir, à la minute précise où il allait
s'endormir, il recevait sur le crâne et sur la face des coups de poings
fluidiques.--Je voudrais croire, ajoutait-il, que je suis tout bonnement
en proie à de fausses sensations purement subjectives, dues à l'extrême
sensibilité de mon système nerveux; mais j'incline à penser que c'est bel
et bien affaire de magie. La preuve, c'est que mon chat qui ne risque
pas, lui, d'être halluciné a des secousses, à la même heure et de la
même sorte que moi!
Ces fluides, Huysmans les comparait au souffle d'une machine
d'électricité statique. Ils l'importunaient et l'empêchaient de dormir.
Il se rendit à Lyon, auprès de l'abbé Boullan, lequel, aidé de Mme
Thibault, accomplit le «Sacrifice de Gloire» et le libéra du maléfice.
Après la mort de Boullan, Huysmans affirmait que la sensation bizarre
de chaque soir avait redoublé, et que les attaques fluidiques avaient
repris de plus belle. Il dut avoir recours à Mme Thibault qui restait,
disait-il, «son unique bouclier par sa sainteté hors d'atteinte» et qui le
délivra définitivement.
La lutte entre Boullan et ses ennemis dura jusqu'en 1893, date de sa
mort.
Il se proposait de partir pour Paris, où il devait faire des conférences sur
la kabbale, à la salle des Capucines, lorsqu'une mort mystérieuse le
terrassa dans la nuit du 4 janvier 1893.
A en croire les amis de l'abbé Boullan sa mort était due à des pratiques
magiques: il avait été frappé par des mains invisibles et criminelles,
armées de foudres occultes, de forces redoutables et inconnues.--J'étais
à Lyon, disait Huysmans, lorsque parvint chez Boullan une des lettres
de la Rose-Croix, signée de Guaita, condamnant à mort par les fluides
celui qui vient de mourir. Mme Thibault assistait par la voyance aux
coups repoussés de Lyon à Paris. Boullan, l'hostie à la main, invoquait

les grands Archanges pour qu'ils pulvérisent ces ouvriers d'iniquité!
Il semble d'ailleurs que Boullan ait eu de funestes pressentiments, à en
juger par les craintes dont il fit part dans une lettre adressée à
Huysmans et qui jette sur cet événement un jour étrange. En voici
quelques fragments:
Quis est Deus?
Lyon, 2 janvier 1893.
Bien cher ami J.-K. Huysmans,
_Nous avons reçu avec joie votre lettre qui nous apportait vos voeux de
cette nouvelle année. Elle s'ouvre sous de tristes pressentiments, cette
année fatidique, dont les chiffres 8-9-3 forment un ensemble
d'annonces
terribles..................................................._ ................................................
....................... _3 janvier.--Ma lettre en était là hier au soir, pour
attendre celle de la chère Mme Thibault; mais cette nuit un accident
terrible a eu lieu. A trois heures du matin, je me suis éveillé suffoqué;
j'ai crié: «Madame Thibault, j'étouffe», deux fois. Elle a entendu, et en
arrivant prés de moi, j'étais sans connaissance. De 3 heures à 3 heures
1/2 j'ai été entre la vie et la mort.
A Saint-Maximin, Mme Thibault avait rêvé de Guaita, et le matin, un
oiseau de mort avait crié. Il annonçait cette attaque. M. Misme avait
rêvé à cela. A 4 heures, j'ai pu reprendre mon sommeil, le danger avait
disparu.......................................................... ............................................
..........................._
Dr J.-A. Boullan.
Il devait trouver la mort même, le lendemain! Voici son agonie relatée
par Mme Thibault, elle-même, dans une lettre qu'elle adressait à
Huysmans. Nous la prendrons au moment où nous a laissé Boullan.
_... A quatre heures, après avoir bu une tasse de thé, il a transpiré

beaucoup; j'ai rallumé le feu; je lui ai fait chauffer une chemise qu'il a
mise, et tout est rentré dans son état normal.
Il s'est levé comme d'habitude, et il s'est mis à écrire, aussitôt le jour
venu, son article pour LA LUMIÈRE que Lucie Grange lui avait
demandé, puis une lettre à un ami; il voulait porter cela à la poste
lui-même, je n'ai pas voulu; je lui ai dit qu'il faisait trop froid pour
lui.................................................................. L'heure du dîner est venue;
il s'est mis à table et a bien dîné; il était très gai; même il est allé rendre
sa petite visite quotidienne aux dames Gay, et lorsqu'il est rentré il m'a
demandé si j'allais être bientôt prête pour la prière. Nous arrivons pour
prier; quelques minutes après, il se sent mal à l'aise; il pousse une
exclamation et il dit: «Qu'est-ce que c'est?». En disant cela, il
s'affaissait sur lui-même. Nous n'avons eu que le temps, M. Misme et
moi, de le soutenir et de le conduire sur son fauteuil, où il put rester
pendant la prière que j'ai abrégée pour pouvoir le faire coucher plus
vite................................. La poitrine est devenue plus oppressée, la
respiration
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