connaissance de ce
qui se passe dans les lieux éloignés; application de la kabbale et de la
science des nombres à la découverte des choses les plus cachées.
Dans le courant du dix-neuvième siècle la société semblait devoir
s'éteindre, lorsque vers 1888, elle fut rénovée sous le nom d'_Ordre
kabbalistique de la Rose-Croix_ par des héritiers directs de ses
traditions.
En apparence (et extra) disait la CONSTITUTION SECRÈTE DE
L'ORDRE, _la Rose-Croix rénovée est une société patente et
dogmatique pour la diffusion de l'occultisme._
En réalité (et intus) _c'est une société secrète d'action pour
l'exhaussement individuel et réciproque; la défense des membres qui la
composent; la multiplication de leurs forces vives par réversibilité;_
LA RUINE DES ADEPTES DE LA MAGIE NOIRE, _et enfin la lutte
pour révéler à la théologie chrétienne les magnificences ésotériques
dont elle est grosse à son insu._
La Rose-Croix était dirigée par un Suprême Conseil dont faisaient
partie des littérateurs et des occultistes connus: le Sar Péladan,
Stanislas de Guaita, Papus, Paul Adam, Barlet, l'abbé Alta, Polti, Albert
Jounet.
Stanislas de Guaita était leur chef.
Poète, il avait débuté dans les lettres par des vers adressés du lycée de
Nancy à quelques jeunes revues littéraires de Paris. Maurice Barrès, qui
fut son ami intime, nous a raconté jadis leurs longues années passées
ensemble à lire les parnassiens et à rêver.
Il tomba sur les livres d'Éliphas Lévy que lui indiqua, dit-on, Catulle
Mendès. Ils furent pour lui une révélation.
Désormais, il abandonna les cénacles des poètes pour s'enfermer dans
ce petit rez-de-chaussée de l'avenue Trudaine, à Paris, où il vivait
entouré de vieux grimoires et de livres de prix, manuscrits de Kabbale
et de Magie, dormant le jour, travaillant la nuit, s'aidant de morphine,
de caféine et de haschich, tout entier à écrire ses _Essais de Sciences
Maudites_.
Aventurier du mystère, il aima risquer sa santé et sa raison en des
conflits avec l'inconnu. Les larves hantaient sa maison et Paul Adam,
Laurent Tailhade et le délicat poète Édouard Dubus assistèrent, chez lui,
à d'étranges séances.
A ce redoutable voisinage, le cerveau de Dubus ne résista pas: il devint
dément. Guaita ne survécut guère non plus à ces apparitions insolites.
Lorsque nous le vîmes, il était déjà malade. Il allait se retirer en son
château d'Alteville, en Lorraine, où il devait mourir peu après.
L'abbé Boullan, qui se donnait comme un haut initié des sciences
divines et du plus pur occultisme, devait fatalement rencontrer de
Guaita et ses amis. Ce fut, croyons-nous, par l'intermédiaire du marquis
d'Alveydre qu'ils firent connaissance vers 1885. Ils furent d'abord très
liés. Comment se brouillèrent-ils? Nous l'ignorons[7]. Toujours est--il
que Boullan accusait ces derniers de le vouloir tuer par des moyens
occultes tels que l'envoûtement.
[Note 7: Nous possédons, provenant de la Bibliothèque de l'abbé
Boullan, la première édition de l'ouvrage de St. de Guaita: _Au Seuil du
Mystère_, avec la dédicace:
«Au docteur Jean-Baptiste Boullan, Hommage de respectueuse et
fraternelle affection en Jeschou. Stanislas de Guaita.»]
Les Occultistes de Paris, Guaita particulièrement, écrivait-il à
Huysmans, _sont venus ici m'arracher les secrets de la puissance.
Guaita, même, s'agenouilla devant Mme Thibault et la conjura de lui
donner sa bénédiction: «Je ne suis qu'un enfant qui apprend» disait-il._
_Pendant plus de quinze jours nous lui fûmes une famille. A peine
était-il parti, emportant le manuscrit du SACRIFICE DE GLOIRE, le
livre magique par excellence, qu'une nuit je me réveillai frappé au
coeur. Mme Thibault, chez qui je courus, me dit: «C'est Guaita». Je
m'affaissai en criant: «Je suis mort». Après quelque secours, je pus me
redresser et me fis porter à l'autel qui est toute ma force; je dis le
Sacrifice de Gloire qui rompt la complicité des méchants; je pris les
saintes espèces, et, ranimé, je me recouchai et dormis. Guaita lui-même,
pratiquant la reconnaissance à rebours, me fit savoir qu'il avait voulu
exercer contre moi la puissance que je lui avais octroyée..._
Il eut une fois la jambe traversée jusqu'à l'os par des effluves fluidiques.
Une autre fois, l'autel manqua être renversé, il était devenu le point de
contact, le lieu d'explosion des deux fluides antagonistes, celui de
Boullan et celui des envoûteurs.
Huysmans racontait lui-même, qu'après la publication de Là-Bas, il
n'avait pas échappé aux attaques des occultistes de la Rose-Croix.
Plusieurs fois, disait-il, il aurait été en danger de mort, sans
l'intervention de l'abbé Boullan. Un jour (il était alors chef de division
au Ministère de l'intérieur), il reçut de Lyon une lettre l'informant de
n'aller à son bureau sous aucun prétexte. Il suivit ce conseil, et bien lui
en prit. Le jour même, une lourde glace surmontant le bureau qu'il
occupait au Ministère, s'abattit sans qu'on sût pourquoi ni comment,
fracassant tout et criblant le cabinet d'éclats de verre.
Il eût évidemment été tué.
De cela, Huysmans accusait nettement

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.