du soir nage autour de ces troncs noirs et lisses que la mousse n'insulte jamais. Les herbes sauvages, l'euphorbe, l'h��liotrope d'hiver, et jusqu'au chardon rustique, ont d��j�� envahi les plates-bandes. Le feuillage ��carlate du sumac lutte contre les frimas; l'arbuste charg�� de perles blanches et d��pouill�� de feuilles, ressemble �� un bijou de joaillerie, et la rose du Bengale s'entr'ouvre gaiement et sans crainte au milieu des morsures du verglas.
Ce matin j'ai remarqu�� qu'on avait enlev�� les portes du rez-de-chauss��e, et qu'on pouvait traverser ce local en d��combre pour arriver au jardin. Je l'ai fait machinalement, et j'ai p��n��tr�� dans cet ��den solitaire o�� les bruits des rues voisines arrivent �� peine. Je pensais �� ces vers de Boileau sur les aises du riche citadin:
Il peut, dans son jardin tout peupl�� d'arbres verts Retrouver les ��t��s au milieu des hivers, Et foulant le parfum de ses plantes ch��ries, Aller entretenir ses douces r��veries.
Et j'ajoutais en souriant sans jalousie:
Mais moi, grace au destin, qui n'ai ni feu ni lieu, Je me loge o�� je puis comme il pla?t �� Dieu.
Je venais de faire le tour de cet enclos, non sans effaroucher les merles qui pullulent dans les jardins de Paris et qui se levaient en foule �� mon approche, lorsque j'ai trouv��, le long du mur mitoyen, une petite porte ouverte, donnant sur le grand jardin de ma riche voisine. Il y avait l�� une brouette en travers et tout �� c?t�� un jardinier qui achevait de charger pour venir jeter dans l'enclos abandonn�� les cailloux et les branches mortes de l'autre jardin. Je suis entr�� en conversation avec cet homme sur la taille des gazons, puis sur celle des arbres, puis sur l'art de greffer. Leurs proc��d��s ici sont d'une hardiesse rare. Ils taillent, plantent et s��ment presque en toute saison. Ce jardinier aimait �� se faire ��couter: mon attention lui plaisait; il a fait un peu le p��dant, et l'entretien s'est prolong��, je ne sais comment, jusqu'�� ce que mon petit ami le jockey soit venu s'en m��ler. Le beau l��vrier Fly s'est mis aussi de la partie; il est entr�� curieusement dans le jardin de mon c?t��, et apr��s m'avoir flair�� avec m��fiance, il a consenti �� rapporter des branches que je lui jetais. Je sentais vaguement que Madame n'��tait pas loin, et j'avais grande envie de la voir. Mais je n'osais d��passer le seuil de mon enclos, bien que l'enfant m'invitat �� jeter un coup d'oeil sur le beau jardin et �� m'avancer jusque dans l'all��e. Le dr?le me faisait les honneurs de ce paradis pour me remercier apparemment de lui avoir fait ceux d'une chaise dans ma mansarde. Il m'a pris en amiti�� pour cela, et, apr��s tout, c'est un enfant intelligent et bon, que la servitude n'a pas encore d��prav��; il a ��t�� plus sensible, je le vois, �� un t��moignage de fraternit��, qu'il ne l'e?t ��t�� peut-��tre �� une gratification que je ne pouvais lui donner.
?Entrez donc, monsieur Jacques, me disait-il, madame ne grondera pas; vous verrez comme c'est beau ici, et comme Fly court vile dans la grande all��e...?
Tout �� coup Madame sort d'un sentier ombrag�� et se pr��sente �� dix pas devant moi. L'enfant court �� elle avec la confiance qu'un fils aurait t��moign��e �� sa m��re. Cela m'a touch��.
?Tenez, Madame, criait-il, c'est M. Jacques Laurent qui n'ose pas entrer pour voir le jardin. N'est-ce-pas que voulez bien??
Madame approche avec une gracieuse lenteur.
?Il para?t que monsieur est un amateur, ajoute le jardinier. Il entend fameusement l'horticulture.?
Le brave homme se contentait de peu. Il avait pris ma patience �� l'��couter pour une grande preuve de savoir.
--Monsieur Laurent, dit la dame, je suis fort ais��e de vous rencontrer. Entrez, je vous en prie, et promenez-vous tant que vous voudrez.
--Madame, vous ��tes mille fois trop bonne; mais je n'ai pas eu l'indiscr��tion d'en exprimer le d��sir. C'est cet enfant qui, par bon coeur, me l'a propos��.
--Mon Dieu, reprend-elle, un grand jardin �� Paris est une chose agr��able et pr��cieuse. J'ai appris que vous sortiez rarement de votre appartement, et que vous passiez une partie des nuits �� travailler. Je dispose de cet endroit-ci, je serai charm��e que vous y trouviez un peu d'air et d'espace. Profitez de l'occasion, vous ajouterez �� la gratitude que je vous dois d��j��.
Et, me saluant avec un charme indicible, elle s'est ��loign��e.
Je me suis alors promen�� par tout le jardin. Elle n'y ��tait plus. Le jockey et le jardinier m'ont conduit dans la serre. C'est un lieu de d��lices, quoique dans un fort petit local. Une fontaine de marbre blanc est au milieu, tout ombrag��e des grandes feuilles de bananier, toute tapiss��e des festons charmants des plantes grimpantes. Une douce chaleur y r��gne, des oiseaux exotiques babillent dans une cage dor��e, et de mignons rouges-gorges se sont volontairement install��s dans
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