Isidora | Page 9

George Sand
ce boudoir parfum��, dont ils ne cherchent pas �� sortir quand on ouvre les vitraux. Quel go?t et quelle coquetterie dans l'arrangement de ces purs cam��lias et de ces cactus ��tincelants! Quels mimosas splendides, quels gard��nias embaum��s! Le jardinier avait raison d'��tre fier. Ces gradins de plantes dont on n'aper?oit que les fleurs, et qui forment des all��es, cette vo?te de guirlandes sous un d?me de cristal, ces jolies corbeilles suspendues, d'o�� pendent des plantes ��tranges d'une v��g��tation a��rienne, tout cela est ravissant. Il y avait un coussin de velours bleu c��leste sur le banc de marbre blanc, �� c?t�� de la cuve que traverse un filet d'eau murmurante. Un livre ��tait pos�� sur le bord de cette cuve. Je n'ai pas os�� y toucher; mais je me suis pench�� de c?t�� pour regarder le titre: c'��tait le Contrat social.
--C'est le livre de madame, a dit l'enfant; elle l'a oubli��. C'est l�� sa place, c'est l�� qu'elle vient lire toute seule, bien longtemps, tous les jours.
--C'est peut-��tre ma pr��sence qui l'en chasse; je vais me retirer.
Et j'allais le faire, lorsque, pour la seconde fois, elle m'est apparue. Le jardinier s'est ��loign�� par respect, le jockey pour courir apr��s Fly, et la conversation s'est engag��e entre elle et moi, si naturellement, si facilement, qu'on e?t dit que nous ��tions d'anciennes connaissances. Les mani��res et le langage de cette femme sont d'une ��l��gance et en m��me temps d'une simplicit�� incomparables. Elle doit ��tre d'une naissance illustre, l'antique majest�� patricienne r��side sur son front, et la noblesse de ses mani��res atteste les habitudes du plus grand monde. Du moins de ce grand monde d'autrefois, o�� l'on dit que l'extr��me bon ton ��tait l'aisance, la bienveillance et le don de mettre les autres �� l'aise. Pourtant je n'y ��tais pas compl��tement d'abord; je craignais d'avoir bient?t, malgr�� toute cette grace, ma dignit�� �� sauver un quelque essai de protection. Mais ce reste de rancune contre sa race me rendait injuste. Celle femme est au-dessus de toute grandeur fortuite, comme de toute faveur d'h��r��dit��. Ce qu'elle inspire d'abord, c'est le respect, et bient?t apr��s, c'est la confiance et l'affection, sans que le respect diminue.
--Ce lieu-ci vous pla?t, m'a-t-elle dit; h��las! je voudrais ��tre libre de le donner �� quelqu'un qui s?t en profiter. Quant �� moi, j'y viens en vain chercher le ravissement qu'il vous inspire. On me conseille, pour ma sant��, d'en respirer l'air, et je n'y respire que la tristesse.
--Est-il possible?... Et pourtant c'est vrai! ai-je ajout�� en regardant son visage pale et ses beaux yeux fatigu��s. Vous n'��tes pas bien portante, et vous n'avez pas de bonheur.
--Du bonheur, Monsieur! Qui peut ��tre riche ou pauvre et se dire heureux! Pauvre on a des privations; riche on a des remords. Voyez ce luxe, songez �� ce que cela co?te, et sur combien de mis��res ces d��lices sont pr��lev��es!
--Vrai, Madame, vous songez �� cela?
--Je ne pense pas �� autre chose, Monsieur. J'ai connu la mis��re, et je n'ai pas oubli�� qu'elle existe. Ne me faites pas l'injure de croire que je jouisse de l'existence que je m��ne; elle m'est impos��e, mais mon coeur ne vit pas de ces choses-l��...
--Votre coeur est admirable!...
--Ne croyez pas cela non plus, vous me feriez trop d'honneur. J'ai ��t�� enivr��e quand j'��tais plus jeune. Ma mollesse et mon go?t pour les belles choses combattaient mes remords et les ��touffaient quelquefois. Mais ces jouissances impies portent leur chatiment avec elles. L'ennui, la sati��t��, un d��go?t mortel sont venus peu �� peu les fl��trir; maintenant je les d��teste et je les subis comme un supplice, comme une expiation.
Elle m'a dit encore beaucoup d'autres choses admirables que je ne saurais transcrire comme elle les a dites. Je craindrais de les gater, et puis je me suis senti si ��mu, que les larmes m'ont gagn��. Il me semblait que je contemplais un fait miraculeux. Une femme opulente et belle, reniant les faux biens et parlant comme une sainte! J'��tais boulevers��. Elle a vu mon ��motion; elle m'en a su gr��.
?Je vous connais �� peine, m'a-t-elle dit, et pourtant je vous parle comme je ne pourrais et je ne voudrais parler �� aucune autre personne, parce que je sens que vous seul comprenez ce que je pense.?
Pour faire diversion �� mon attendrissement, qui devenait excessif, elle m'a parl�� du livre qu'elle tenait �� la main.
?Il n'a pas compris les femmes, ce sublime Rousseau, disait-elle. Il n'a pas su, malgr�� sa bonne volont�� et ses bonnes intentions, en faire autre chose que des ��tres secondaires dans la soci��t��. Il leur a laiss�� l'ancienne religion dont il affranchissait les hommes; il n'a pas pr��vu qu'elles auraient besoin de la m��me foi et de la m��me morale que leurs p��res, leurs ��poux et leurs fils, et qu'elles se sentiraient avilies d'avoir un autre temple et une autre
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 75
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.