Isidora | Page 7

George Sand
c'est toi que je charge d'aller aux informations. Si l'histoire est vraie, c'est toi qui porteras ma r��ponse et qui expliqueras mes intentions; et puis, attends, qu'elle m'a dit encore: Tu diras �� ce M. Jacques Laurent que je le remercie de sa lettre, mais qu'il aurait bien pu l'envoyer plus raisonnablement que par sa fen��tre.
L��-dessus, j'ai expliqu�� au jockey l'inutilit�� de ma d��marche d'hier et l'urgence de la position. Il m'a promis d'en rendre compte.
J'ai bien vite port�� un raisonnable secours au vieillard. En apprenant la g��n��rosit�� de sa bienfaitrice, il a ��t�� touch�� jusqu'aux larmes.
--Est-ce possible, s'est-il ��cri��, qu'une ame si tendre et si d��licate soit calomni��e par de vils serviteurs!
--Comment cela?
--Il n'y a pas d'infamies que cette ignoble porti��re n'ait voulu me d��biter sur son compte; mais je ne veux pas m��me les r��p��ter. Je ne pourrais d'ailleurs plus m'en souvenir.

CAHIER N�� 1,--TRAVAIL.
La bont�� des femmes est immense. D'o�� vient donc que la bont�� n'a pas de droits �� l'action sociale en l��gislation et en politique?

CAHIER N�� 2.--JOURNAL.
1er janvier.
--Il est ��trange que je ne puisse plus travailler. Je suis tout ��mu depuis quelques jours, et je r��ve au lieu de m��diter. Je croyais qu'un temps plus doux, un ciel plus clair me rendraient plus laborieux et plus lucide. Je ne suis plus abattu comme je l'��tais: au contraire, je me sens un peu agit��; mais la plume me tombe des mains quand je veux g��n��raliser les ��motions de mon coeur. 0 puissance de la douceur et de la bont��, que tu et p��n��trante! Oui, c'est toi, et non l'intelligence, qui devrais gouverner le monde!
Je ne m'��tais jamais aper?u combien ce jardin, qui est sous ma fen��tre, est joli. Un jardin clos de grands murs et fl��tri par l'hiver ne me paraissait susceptible d'aucun charme, lorsqu'au milieu de l'automne j'ai quitt�� les vastes horizons bleus de la v��g��tation empourpr��e de ma vall��e. Cependant il y a de la po��sie dans ces retraites bocag��res que le riche sait cr��er au sein du tumulte des villes, je le reconnais aujourd'hui. Les plantes ici ont un aspect et des caract��res propres au terrain chaud et �� l'air rare o�� elles v��g��tent, comme les enfants des riches ��lev��s dans cette atmosph��re lourde avec une nourriture substantielle, ont aussi une physionomie qui leur est particuli��re. J'ai ��t�� d��j�� frapp�� de ce rapport. Les arbres des jardins de Paris acqui��rent vite un d��veloppement extr��me. Ils poussent en hauteur, ils ont beaucoup de feuillage, mais la tige est parfois d'une t��nuit�� effrayante. Leur sant�� est plus apparente que r��elle. Un coup de vent d'est les dess��che au milieu de leur splendeur, et, en tous cas, ils arrivent vite �� la d��cr��pitude. Il en est de m��me des hommes nourris et enferm��s dans cette vaste cit��. Je ne parle pas de ceux dont la mis��re ��touffe le d��veloppement. H��las! c'est le grand nombre; mais ceux-l�� n'ont de commun avec les plantes que la souffrance de la captivit��. Les soins leur manquent, et ils arrivent rarement �� cette trompeuse beaut�� qui est chez l'enfant du riche, comme dans la plante de son jardin, le r��sultat d'une culture exag��r��e et d'une ��closion forc��e. Ces enfants-l�� sont g��n��ralement beaux, leur paleur est intelligente, leur langueur gracieuse. Ils sont, �� dix ans, plus grands et plus hardis que nos paysans ne le sont �� quinze; mais ils sont plus gr��les, plus sujets aux maladies inflammatoires, et la vieillesse se fait vite pour eux comme la nuit sur les d?mes ��lev��s et sur les cimes alti��res des beaux arbres de cette Babylone.
Il y a donc ici partout, et dans les jardins particuli��rement, une apparence de vie qui ��tonne et dont l'exc��s effraie l'imagination. Nulle part au monda il n'y a, je crois, de plus belles fleurs. Les terrains sont si bien engraiss��s et abrit��s par tant de murailles, l'air est charg�� de tant de vapeurs, que la gel��e les atteint peu. Les jardiniers excellent dans l'art de disposer les massifs. Ce n'est plus la sym��trie de nos p��res, ce n'est pas le d��sordre et le hasard des accidents naturels: c'est quelque chose entre les deux, une propret�� extr��me jointe �� un laisser-aller charmant. On sait tirer parti du moindre coin, et m��nager une promenade facile dans les all��es sinueuses sur un espace de cinquante pieds carr��s.
Celui de la maison que j'habite est fort n��glig�� et comme abandonn�� depuis l'��t��. On fait de grandes r��parations au rez-de-chauss��e; on change, je crois, la disposition de l'appartement qui commande �� ce jardin. Les travaux sont interrompus en ce moment-ci, j'ignore pourquoi. Mais je n'entends plus le bruit des ouvriers, et le jardin est continuellement d��sert. Je le regarde souvent, et j'y d��couvre mille secr��tes beaut��s que je ne soup?onnais pas, quelque chose de myst��rieux, une solennit�� vraiment triste et douce, quand la vapeur blanche
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