Ida et Carmelita | Page 6

Hector Malot
table.
Il se trouva donc plac�� entre la comtesse et Carmelita, et, au lieu de lire tout en mangeant, comme il en avait l'habitude lorsqu'il ��tait seul, il dut soutenir une conversation suivie.
Il avait une crainte assez poignante, qui ��tait que la comtesse ou Carmelita vinssent �� parler de madame de Lucilli��re; mais le nom de la marquise ne fut m��me pas prononc��, et, comme s'il y avait eu une entente pr��alable pour ��viter les sujets qui pouvaient le g��ner, on ne parla pas de Paris.
La comtesse ne s'occupa que de sa maladie, et Carmelita que du pays dans lequel elle allait passer une saison.
Elle montra m��me tant d'empressement �� conna?tre ce pays, que le colonel se trouva pour ainsi dire oblig�� �� se mettre �� sa disposition pour la guider apr��s le d��jeuner.
--Nous commanderons une voiture, dit le prince, et et nous emploierons notre apr��s-midi �� visiter les villages environnants.
Pendant que la comtesse et sa fille allaient rev��tir une toilette de promenade, le prince prit le colonel par le bras et l'emmena �� l'��cart.
--Est-ce que vous avez re?u des lettres de Paris depuis votre d��part? demanda-t-il.
--Non.
--Alors vous ignorez l'effet que ce d��part a produit?
C'��tait l�� un sujet de conversation qui ne pouvait ��tre que tr��s p��nible pour le colonel; il ne r��pondit donc pas �� cette question.
Mais le prince continua:
--Personne ne s'est m��pris sur les causes qui ont provoqu�� votre brusque d��termination.
Le colonel leva le bras, comme pour fermer la bouche au prince; mais celui-ci parut ne pas comprendre ce geste.
--Et tout le monde vous a approuv��, dit-il; il n'y a qu'une voix dans tout Paris.
Disant cela, le prince Mazzazoli tendit sa main au colonel comme pour joindre sa propre approbation �� celle de tout Paris.
La situation ��tait embarrassante pour le colonel. Que signifiaient ces paroles? Pourquoi et �� propos de quoi l'avait-on approuv��? C'��tait une question qu'il ne pouvait pas poser au prince cependant.
--Je vous dirai entre nous, continua celui-ci, que madame de Lucilli��re elle-m��me n'a pas cach�� son sentiment.
Ce nom ainsi prononc�� le fit palir et son coeur se serra, mais la curiosit�� l'emp��cha de s'abandonner �� son ��motion.
--Quel sentiment? demanda-t-il.
--Mais celui qu'elle a ��prouv�� en apprenant votre d��part. D'abord, quand on a commenc�� �� croire que vous aviez v��ritablement quitt�� Paris, on a ��t�� fort ��tonn��; tout le monde avait pens�� qu'il ne s'agissait que d'une excursion de quelques jours. Mais, en ne vous voyant pas revenir, on a compris que c'��tait au contraire un vrai d��part. Pourquoi ce d��part? C'est la question que chacun s'est pos��e, et, chez tout le monde, la r��ponse a ��t�� la m��me.
Sur ce mot, le prince Mazzazoli fit une pause et regarda le colonel en se rapprochant de lui.
--Trouvant votre responsabilit�� trop gravement compromise dans votre association avec le marquis de Lucilli��re, vous vouliez bien ��tablir que vous n'��tiez pour rien dans les paris engag��s sur Voltigeur.
Le colonel respira: l'esprit et le coeur remplis d'une seule pens��e, il n'avait nullement song�� �� cette explication, et il avait tout rapport��, dans ces paroles �� double sens, �� madame de Lucilli��re.
--Un jour que l'on discutait votre d��part myst��rieux dans un cercle compos�� des fid��les ordinaires de la marquise, le duc de Mestosa, le prince S��ratoff, lord Fergusson, madame de Lucilli��re affirma tr��s nettement que vous aviez bien fait de quitter Paris. ?Le colonel est un homme violent, dit-elle, un caract��re emport��; il e?t pu se lacher en entendant les sots propos qu'on colporte sur les gains extraordinaires de Voltigeur, et avec lui les choses seraient assur��ment all��es �� l'extr��me. Il a voulu se mettre dans l'impossibilit�� de se laisser emporter; je trouve qu'il a agi sagement.? Vous pensez, mon cher ami, si ces paroles ont jet�� un froid parmi nous. Personne n'a r��pliqu�� un mot. Mais la marquise, s'��tant ��loign��e, on s'est expliqu��, et tout le monde est tomb�� d'accord sur la traduction �� faire des paroles de madame de Lucilli��re. ��videmment la femme ne pouvait pas accuser le mari franchement, ouvertement; mais, d'un autre c?t��, l'amie ne voulait pas qu'on p?t vous soup?onner de vous associer aux proc��d��s du marquis. De l�� ce petit discours assez obscur, en apparence, mais au fond tr��s clair. Qu'en pensez-vous?
Ainsi la marquise n'avait pas craint d'expliquer leur rupture en jetant la suspicion sur son mari. ?Ce n'est pas avec moi qu'il a rompu, avait-elle dit; c'est avec M. de Lucilli��re.?
Elle tenait donc bien �� m��nager la jalousie de ses fid��les, qu'elle ne reculait pas devant une pareille explication.
A ce moment, la comtesse Belmonte et Carmelita descendirent dans le jardin, pr��tes pour la promenade, et l'on monta en voiture.
Le prince s'��tant plac�� vis-��-vis de sa soeur, le colonel se trouva en face de Carmelita.
Il ne pouvait pas lever les yeux sans rencontrer ceux de la belle Italienne, pos��s sur les siens.
La promenade fut longue et ils rest��rent
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 78
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.