Humoresques | Page 5

Tristan Klingsor
un croquis?De Stanislas Lépine.
Déjà l'agile violoniste?Frotte l'archet de colophane;?Dans les yeux clairs mi-clos des femmes?Un éclat singulier persiste.
La cloche sonne?Pour l'embarquement;?Allez les belles et les amants:?Sur le ponton ne reste-t-il personne?
Clique amoureuse, adieu: mieux vaut laisser ici?Tout seul devant l'obélisque?Le birbe barbu, certes! mais trop triste?Que je suis.
LES TROIS éCUS
Il n'y a qu'un coquelicot dans le pré?Avec trois marguerites autour;?Il n'y a qu'un coquebin dans le bourg?Pour trois filles à marier.
Ainsi s'en va la République, tout cloche:?Que de fois hélas! que de fois?Je n'ai eu qu'un écu en poche?Quand il en fallait trois.
LA FLEUR SèCHE
J'avais ouvert un vieux bouquin poudreux?De _Poèmes anciens et romanesques_, ce matin,?A la page marquée d'une fleur sèche de thym,?Que nous avons, chère souris, souvent lue tous deux.
Je rêvais doucement de celle?Que tu sais bien et qui partit je ne sais où,?Séduite sans doute par l'escarcelle?D'un vieil amoureux radoteur et fou.
Je regardais la lune au travers des branches?D'un cerisier mort qu'on n'a pas abattu,?Quand la bise, je crois, ou ma manche?Tourna la page rongée par tes dents pointues.
Est-ce le simple froissement du papier,?Ou quelque autre mystérieuse cause,?Qui te fit sauver ainsi, à pieds?Légers, à pieds fourrés de bas gris et roses?
Est-ce cela vraiment? Ou d'avoir vu la lumière?Hésitante du jour qui se lève,?Qui te fit fuir, chère souris coutumière,?Comme mon rêve, comme mon rêve ...
JEUX D'EAU
Les jeux d'eau dans le parc et la ribambelle?Des fous,?Le coeur troublé des belles?Et le coeur ironique et tendre qui bat sous?Le gilet de velours de Maurice Ravel,?L'inquiète qui rougit sous l'ombrelle?Et le gredin qui se met à genoux?Devant elle,?La guitare fausse que joue?Un doigt rebelle,?La vasque, le vieil arbre, la cascatelle?Et l'arc fin de lune dans le soir d'ao?t,?Tout cela dans mon souvenir infidèle?En accord très doux?Se mêle ...
SUR L'AVENUE MONTSOURIS
Le petit jour est gris souris;?La chiffonnière avec sa hotte?Cherche un trésor dans l'avenue?Montsouris;?La bique maigre et biscornue?Du mara?cher trotte?Sur le pavé.
Ma jolie voisine déjà levée?A sa croisée para?t?Et le coeur tendre qu'en vain j'offre?Bat plus fort sous l'étoffe?Vraiment trop mince du gilet:?Aimerai-je de la sorte et sans halte?Jusqu'au dernier souffle??Le jour devient couleur de craie?Et cette belle qui par-dessus tout me pla?t?De sa fenêtre peut voir sur l'asphalte?Le poète Klingsor avec sa bo?te au lait?Et ses pantoufles.
FRANCIS JAMMES
Il a plu. Le matin sourit?A travers ses pleurs;?La grenouille saute dans l'étang?Et sur un roseau droit du Christ,?Le beau martin-pêcheur?En habit bleu clair à la hussarde,?Avec son plumet rouge éclatant,?Monte la garde.
Francis Jammes, dormez-vous encor??Le joli lièvre roux?Essuie la fine pluie?De ses moustaches?Et le vieil ane à l'oeil humide tache?D'attraper enfin la fleur d'or?Du pissenlit:?Francis Jammes, Francis Jammes, dormez-vous?
Il n'est plus un grelot de mule qui se taise?Et ne fasse un concert féerique?Sous l'accompagnement sourd des coups?De trique;?Il n'est plus un soulier du cordonnier d'Orthez?Qui ne résonne sur le pavé;?Ah! l'heure n'est plus de rêver?Du cousin des Indes ou d'Amérique:?Francis Jammes, Francis Jammes, dormez-vous?
DU BOUT DE LA RUE DU BAC
Du bout de la rue du Bac?Je regarde le paysage printanier,?Les bateaux bleus dans l'eau vert pomme,?Les linges clairs des mariniers,?Le Louvre rose du vieux Roi,?Et sur?Saint-Germain l'Auxerrois?Un ciel aussi fin qu'un tamis d'azur;?Du bout de la rue du Bac?Tout para?t pur;?Tout est paré de couleurs vives comme?Une aquarelle de Signac.
Bateliers, bateliers, pourquoi donc partez-vous??Ce paysage ne peut-il suffire??Laissez le gouvernail et le souci?Et vous, charmantes mains, laissez les clés;?Le temps fera le ton de ces pierres plus doux,?Mais je ne serai plus hélas! ici?Pour regarder cette eau couler,?Ni ma folle jeunesse s'enfuir.
RêVERIE D'AUTOMNE
Monsieur le professeur Trippe?A son gibus de poil de lièvre?Et sa redingote noire qui se fripe?Sur son maigre derrière.
Monsieur le professeur est assis?Sur le banc vert du jardin anglais?Et tourne ses pouces d'encre noircis?Sur son gilet usé à ramages violets.
L'automne mélancolique ce soir?Commence à rouiller les feuilles sans sève:?Monsieur le professeur les regarde choir?Une à une, et rêve ...
Monsieur le professeur a des lunettes d'or?Sur son nez long d'une aune?Et des fils d'argent dans ses cheveux jaunes?Et multicolores.
Et pourtant monsieur le professeur fut jeune homme?Probablement, rose au jabot, sourire aux lèvres;?Mais maintenant, monsieur le professeur rêve?Et contemple le soir d'automne.
Monsieur le professeur songe à madame Rose?Sa ménagère au teint rosé de lilas;?Monsieur le professeur rêve et pose?Dans le creux de sa main son front las.
Un espiègle tire son mouchoir à fleurs;?Un air suranné d'épinette s'achève;?Au fond du vieux jardin anglais le jet d'eau pleure:?Monsieur le professeur rêve ...
FRéJOL
Que Fréjol chante ou que Frégoli?Change de veste,?Qu'importe si le pli?De ton ventre reste.
Charmant bourgeois?Qui décampas du logis?L'oeil tout en joie,?Ton nez comme aubergine rougeoie?Aux bougies.
Le poétique clair de lune sur l'osier?Peut luire et le rossignol gris s'égosiller,?Tu t'en fiches:?Fréjol et Frégoli sont sur l'affiche.
Et cependant qu'un vieil alcool descend la pente?De ton gosier à col crasseux,?Madame au coeur tendre se penche?Et sournoisement se grise de ce?Que Fréjol chante.
MADEMOISELLE DE MONTPENSIER
Dans ce vieux Luxembourg cher au coeur d'Antonio?De la Gandara,?Dans ce vieux
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