Humoresques | Page 4

Tristan Klingsor
ton cou charmant?Et beau comme un frais bouquet?Réveille un moment mon désir de vieux faune,?Mais je me mens à moi-même?Sans doute, ou je n'ose.
Et je me verse simplement?En Roméo trop fatigué?Qui n'use de nul piment,?Un peu plus de crème.
LES AUDACIEUX
Froissons les jupes!
Que le jet d'eau mélancolique jette?Au clair de lune ses volutes?Tant qu'il voudra;?Poussons la fenêtre?Et prenons la belle en nos bras:?C'est l'heure, messieurs,?C'est l'heure ou jamais d'être?Audacieux.
Plus n'est besoin des cordes aux lucarnes?Ni des airs langoureux de fl?tes?Dans la bise des carrefours:?Voleurs d'amour?N'ont point peur du gendarme!?Voici les jolies roses dans le linge blanc;?Il ne faut plus de fl?tes,?Ni de guitares, ni d'aveux tremblants,?Car où sont les galants cérémonieux?Que vous f?tes,?Messieurs?...
Froissons les jupes!
L'EAU CLAIRE
Se contenter du sourire divin?D'un visage qu'on aime,?D'un verre d'eau sans vin?Et d'une tarte à la crème.
Faire ce rêve:?S'enivrer du parfum d'une rose brisée?Et des deux lèvres?Ouvertes pour le baiser.
Vivre en somme d'amour et d'eau claire?Tant qu'on aime,?Puis s'endormir à jamais au son d'un vieil air?Mélancolique de Bohème.
Et dire que cela même est folie?De demander si peu?Et qu'il faudra mourir un jour sans sou ni jolie?O mon Dieu!...
SOUS LE BALCON
Qu'il gèle à pierre fendre, qu'importe!?L'amour est plus fort que tout;?Un tourlourou fait le troubadour?Sous une porte.
La lune dans la nue?Met sa double corne;?Un couple contre le mur orne?Un peu plus un mari biscornu.
Mais moi j'allonge en vain?Sous le balcon un nez rougi?De froid et non de vin:?La belle en sa chambre a soufflé la bougie.
LE TRèFLE BLANC
Je m'assieds dans l'herbe bleue:?Qu'il est joli le trèfle blanc;?La fille embrasse le galant?Et l'amour danse tout autour d'eux;?Qu'il est joli, le vieil enfant!
Où est le temps où moi aussi?Je faisais l'amoureux,?Le temps de Berthe et de Lucie?Et de la femme du marchand de Dreux;?Où est le temps des coeurs tremblants;?Et de ma barbe noire et de vos blonds cheveux,?Où est le temps?
Derrière la haie les galants s'en vont?Et l'amour à leurs trousses sourit;?La jeune herbe bleue tremble dans le vent?Et moi, qui reste seul, je me morfonds?A regarder le trèfle blanc?Et tirer sans répit les poils gris?De mon menton.
BROUWER
Je m'abrite sous la haie?Et bien caché de l'indiscret,?Prestement je baisse mes braies.
Mon cher Brouwer, il me faudrait?Pour décor propice?Un de tes paysages hollandois?Où l'on voit le cul rose de quelque bon drille;?Mais ici je n'ai que prés et forêt,?Avec là-bas un joli bouleau tout droit;?Mon fusil brille?Contre la barrière de bois?Où mon chien pisse,?Et je fais ce que fait le Roi.
LE RETOUR
Toits bleus d'ardoise et murs de brique rose?Au milieu des arbres,?Sur qui la brume gris d'argent se pose.?Que mon coeur est sensible à votre charme!
Je pousse la porte:?Bon aubergiste me voici;?La dinde est-elle bien farcie?Et la servante accorte?
Je m'assieds près de la croisée?Humant l'odeur des fleurs avec celle des plats;?Le chat ronronne, l'oie s'effare,?Mais la commère n'est plus là?Et je ne vois hélas! que l'image brisée?Du fin peuplier dans l'eau de la mare.
LE POMMIER TORDU
Il y a un pommier tordu?Dans le pré;?Jeune femme en ta maison, qu'as-tu?A soupirer?
Il y a un vieil homme gris?Près du feu;?Ne soupire donc pas pour si peu:?Le chat au grenier guette la souris.
Il y a un oiseau qui chante sur la branche;?Il y a un gar?on qui siffle sur la route;?Vieux mari, fais chauffer la soupe:?Ta femme reviendra dimanche.
LA PINTE VIDE
Un homme menace et la femme crie?Comme une pie borgne;?Un enfant longuement sanglote;?Ainsi va la vie.
Pourtant le printemps tremble et dans l'air attiédi?Tra?nent des souffles de bonheur et de lilas;?Pourtant le vieil amour a passé là?Jadis.
Hélas! jeunesse est loin?Et voici la pinte et la bourse vides;?Il ne reste plus maintenant que ride?Et chagrin.
CHRONIQUES?DU TEMPS DE PHILIPPE VIII
A LA TERRASSE
Au temps où Moréas montrait son nez?Et sa moustache?Dans les cafés de Montparnasse,?Le vieux cheval de fiacre?était de roses couronné,?Au temps de Moréas.?Monsieur Lintilhac?D'ire protestait:??Qu'on harnache?D'un vil cuir?Cette carcasse?De baudet!??Sur quoi, tous de rire.
Et tandis qu'un nuage flottant?Au-dessus de Paris?Filait dans l'espace,?La brise fine du printemps?Portait du Luxembourg jusqu'à notre terrasse?L'odeur des marronniers fleuris.
LE NAIN
Je venais d'allumer mon feu de bois sec?Et de m'asseoir de fort indolente sorte?Dans mon vieux fauteuil de velours d'Utrecht?Quand on gratta doucement à ma porte.
?Est-ce toi, dis-je, ma douce Colombine,?Fluette fée en robe à vertes dentelles,?Ou toi, sire Arlequin de triste mine,?Qui viens céans rallumer ta chandelle??
Mais ce n'était ni Colombine, ni son duc,?Ni même quelque oiseau déplumé d'Edgar Po?:?La porte s'ouvrit à mon nain caduc?Qui avait une mitre pour chapeau.
Il portait sous le bras quelque volume?énorme à reliure de parchemin,?L'histoire de Krespel ou d'Ulalume?Sans doute, à fermoir d'or et filet de carmin.
Il le posa sur un livre d'André Gide;?(C'était d'adorables _Chansons de Bilitis_);?Il regarda narquois mon encrier vide;?Ota sa mitre mirobolante et sortit.
DEVANT L'OBéLISQUE
Dimanche: bon Parisien va-t-en?Rêver d'amour?Vers Auteuil ou le Point-du-Jour:?Le bateau-mouche t'attend.
Voire file jusqu'à Meudon?Ou Saint-Cloud;?Feuille morte au bois est mol édredon?Et Madame n'a pas peur du loup.
Le brouillard bleu de Seine argente les collines;?Le paysage est exquis?Comme
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