fut enterré au cimetière du Temple Seiki?ji, dans le quartier de Hatchikendera-matchi à Asakousa, où se lit encore son épitaphe.
[Note 4: Erreur. Hokousa? mourut le 10 mai 1849.]
La poésie de la dernière heure, qu'il laissa en mourant, fut celle-ci, presque intraduisible en fran?ais:
?Oh! la liberté, la belle liberté, quand on va aux champs d'été pour y laisser son corps périssable?[5]!
[Note 5: Je donne une traduction plus littérale d'Hayashi de ?cette poésie de la dernière heure? au chapitre de la mort d'Hokousa?.]
Hokousa? eut trois filles, dont la plus jeune devint un peintre très habile. Elle épousa Minamisawa, mais divor?a. Des nombreux élèves qu'eut Hokousa?, ceux dont les noms furent inscrits dans les chronologies, et connus du public, montent à seize ou dix-sept.
En 1860, j'ai découvert, et publié d'après le manuscrit des Séances de l'Académie Royale de Peinture, provenant de la bibliothèque d'un portier, ramassée sur les quais, la biographie inédite de Watteau par le comte de Caylus: biographie qu'on croyait perdue et qui manque aux MéMOIRES INéDITS SUR LES MEMBRES DE CETTE ACADéMIE, éditée en 1854. Aujourd'hui je donne pour la première fois, dans une langue de l'Europe, la biographie inconnue d'Hokousa?, le plus grand artiste de l'Extrême-Orient.
Pour la biographie de ce grand peintre de l'Extrême-Orient, complètement inconnue en Europe, cette brève notice était quelque chose, mais ce n'était vraiment pas assez.
C'est alors que, dans la patrie d'Hokousa?, se publiait par le Japonais I-ijima Hanj?r?: Katsoushika Hokousa? dén, une biographie du peintre, illustrée de dessins et de portraits, contenant des renseignements du plus haut et du plus intime intérêt.
Or, la traduction de cette biographie japonaise, était-ce suffisant encore pour faire conna?tre l'Homme et son OEuvre? Non! Il fallait tenir entre ses mains cette oeuvre presque complète,--et, soit au Japon soit en Europe, il n'existe cette oeuvre, je crois, que chez Hayashi qui, depuis nombre d'années, collectionne son peintre favori. C'est donc sur cette oeuvre, contenant les impressions les plus belles, les petits livres les plus rarissimes, les illustrations des romans, en 90 volumes, les plus complètes, les dessins les plus authentiques, que j'ai pu écrire cette biographie, aidé de l'érudition de ce compagnon de travail qui s'est mis obligeamment à ma disposition et qui, dans de longues et laborieuses séances où j'ai eu l'idée de lui faire traduire les préfaces que Hokousa? a jetées en tête de ses albums, m'a fourni toute la documentation ne se trouvant pas dans le Katsoushika Hokousa? dén, ou dans le Oukiy?yé Rouik?[6] de Ki?dén.
Auteuil, 20 décembre 1895.
EDMOND DE GONCOURT.
[Note 6: Voici la décomposition des cinq mots Oukiyoyé Rouik?: Ouki ?qui flotte, qui est en mouvement?--yo ?monde?--yé ?dessin? --roui ?même espèce?--k? ?recherche?. Et rouik?, devenu un seul mot, signifie: ?étude d'ensemble d'une même espèce de choses.?]
HOKOUSA?
I
Dans les deux hémisphères, c'est donc la même injustice pour tout talent indépendant du passé! Voici le peintre qui a victorieusement enlevé la peinture de son pays aux influences persanes et chinoises et qui, par une étude pour ainsi dire religieuse de la nature, l'a rajeunie, l'a renouvelée, l'a faite vraiment toute japonaise; voici le peintre universel qui, avec le dessin le plus vivant, a reproduit l'homme, la femme, l'oiseau, le poisson, l'arbre, la fleur, le brin d'herbe; voici le peintre qui aurait exécuté 30 000 dessins ou peintures[7]; voici le peintre qui est le vrai créateur de l'Oukiy? yé[8], le fondateur de l'éCOLE VULGAIRE, c'est-à-dire l'homme qui ne se contentant pas, à l'imitation des peintres académiques de l'école de Tosa, de représenter, dans une convention précieuse, les fastes de la cour, la vie officielle des hauts dignitaires, l'artificiel pompeux des existences aristocratiques, a fait entrer, en son oeuvre, l'humanité entière de son pays, dans une réalité échappant aux exigences nobles de la peinture de là-bas; voici enfin le passionné, l'affolé de son art, qui signe ses productions: fou de dessin... Eh! bien, ce peintre--en dehors du culte que lui avaient voué ses élèves,--a été considéré par ses contemporains comme un amuseur de la canaille, un bas artiste aux productions indignes d'être regardées par les sérieux hommes de go?t de l'Empire du Lever du Soleil. Et ce mépris, dont m'entretenait encore hier le peintre américain La Farge, à la suite des conversations qu'il avait eues autrefois au Japon avec les peintres idéalistes du pays, a continué jusqu'à ces derniers jours où, nous les Européens, mais les Fran?ais en première ligne[9], nous avons révélé à la patrie d'Hokousa? le grand artiste qu'elle a perdu il y a un demi-siècle.
[Note 7: L'Art Japonais, par GONSE. Paris, Quantin, 1883.]
[Note 8: Hokousa? a pour précurseur Matahei au XVIIe siècle.]
[Note 9: Voir les articles de Burty et de Duret.]
Oui, ce qui fait d'Hokousa? l'un des artistes les plus originaux de la terre: c'est cela qui l'a empêché de jouir de la gloire méritée pendant sa vie, et le DICTIONNAIRE DES HOMMES ILLUSTRES DU JAPON constate que
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