Hokousaï | Page 5

Edmond de Goncourt
des planches, le jeune ambitieux complotant presque enfant,
se livrant aux exercices militaires, apprenant d'un tacticien mystérieux
l'art de la guerre,--et le moyen magique d'être vu par le regard des
hommes, sous son apparence sept fois répétée. Et il organise la
conspiration, qui fait égorger les courriers, et il rêve la protection d'un
dieu favorable à ses desseins, et a l'illusion de se voir dans un miroir, en
shôgoun, et un de ses affidés en premier ministre, et il tient conseil
avec ses partisans, et il bataille bravement avec les soldats envoyés
pour le prendre, et enfin, fait prisonnier, il s'ouvre le ventre, tandis
qu'au milieu de ses complices enchaînés, sa mère, sa femme et ses
enfants sont soumis à la torture,--sa mère à la torture de l'enfumage.
Il publie encore, la même année, un roman en deux volumes: Shiténnô
Daïtsou jitaté, LES QUATRE ROIS CÉLESTES DES POINTS
CARDINAUX, HABILLÉS À LA DERNIÈRE MODE, avec l'annonce
d'un texte de Koréwasaï qui est bien de lui, ainsi que les dessins signés:
Shunrô.
Cette année ou la suivante, il publie un autre livre jaune qu'il signe
exceptionnellement Katsoukawa Shunrô, et qui est l'histoire de Nitirén,
prêtre bouddhique, le créateur d'une nouvelle secte.
C'est le baptême, le commencement des études, la contemplation de la
nature, la vie d'ascète dans une grotte de la montagne, l'expulsion de

partout du prêtre révolutionnaire pour la nouveauté de ses opinions, sa
retraite dans un temple, l'apparition d'une comète annonçant de
tragiques évènements, sa défense avec un chapelet contre un guerrier
qui veut le tuer, le pouvoir de son influence mystérieuse amenant le
naufrage de la flotte mongole, sa condamnation à mort où le sabre du
bourreau est brisé par un éclair, son exil dans une île éloignée, ses
prédications, ses pèlerinages, sa mort au milieu de ses disciples en
pleurs.
En 1784 Hokousaï illustre deux ouvrages: 1° Kaï-oun Aughino Hanaka,
LE PARFUM DES FLEURS D'ÉVENTAIL (2 volumes); 2° Nozoki
Karakouri Yoshitsouné Yama iri. EXPÉDITION DE YOSHITSOUNÉ
À LA MONTAGNE VUE DANS LA BOITE À SPECTACLE (2
volumes). Texte de Ikoujimonaï (propre à rien) et illustration de Shunrô.
Cet Ikoujimonaï pourrait bien être Hokousaï.
En 1785 Hokousaï publie deux livres jaunes où il n'est pas parlé du
texte, et où seulement est annoncé que l'illustration est de Shunrô. Ce
sont: 1° Onnén Oujino Hotaroubi, TRANSFORMATION DE LA
HAINE EN FEU DES LUCIOLES DE OUJI (3 volumes).--2° Oya
Yuzouri Hanano Kômiô L'HÉRITAGE DU PARENT, LA GLOIRE
DU NEZ (3 volumes). Dans ce dernier ouvrage Shunrô devient
Goummatei.
Oui, en ces premiers temps, souvent Hokousaï est à la fois l'illustrateur
et l'écrivain du roman qu'il publie, et sa littérature est goûtée, grâce à
des observations intimes de la vie japonaise, est même parfois attribuée,
comme on l'a vu pour son premier roman, à des romanciers de la
réputation de Kiôdén. Selon Hayashi, la littérature du peintre a un autre
mérite: l'esprit railleur de l'artiste en aurait fait un parodiste de la
littérature de ses contemporains, de leur style, de leurs procédés, et
surtout de l'entassement des aventures, et du méli-mélo des
bonshommes modernes en contact avec des personnages du XIIe et du
XIVe siècle, et ce serait très sensible dans LES COURRIERS DE
KAMAKOURA, où il aurait employé, sur une légende du XIIe siècle,
tous les faits fabuleux et invraisemblables de l'histoire du vieux Japon.
Ce double rôle d'écrivain et de dessinateur ne dure guère que jusqu'en

1804, où il n'est plus que peintre.

IV
En cette année 1789, où le jeune peintre a vingt-six ans, une
circonstance particulière le fait quitter l'atelier de Katsoukawa. Il avait
peint une affiche d'un marchand d'estampes, et le marchand en avait été
si satisfait et si glorieux qu'il l'avait fait richement encadrer et placer
devant sa boutique, lorsqu'un jour passe devant la boutique un
camarade d'atelier, d'une réception plus ancienne que lui, et qui trouve
l'affiche mauvaise, et la déchire pour sauver l'honneur de l'atelier
Shunshô. De là une dispute entre l'ancien et le nouvel élève, à la suite
de laquelle il quitte l'atelier avec la résolution de ne plus s'inspirer que
de lui-même, de devenir un peintre indépendant des écoles qui l'ont
précédé et, en ce pays où les artistes semblent changer de noms presque
autant que d'habits, il abandonne la signature de Katsoukawa pour
prendre la signature de Mougoura, qui signifie buisson, et disait au
public que le peintre portant ce nouveau nom n'appartenait à aucun
atelier. Et, secouant complètement le joug du style de Katsoukawa, les
dessins signés Mougoura sont plus libres, plus vus sous une optique
personnelle.

V
En 1786 Hokousaï publie le Zénzèn Taïkeiki, un fragment de l'histoire
de Minamoto, où commencent à apparaître chez le jeune dessinateur les
chevauchées terribles, les corps à corps homicides de son oeuvre future.
En 1792 Hokousaï, toujours sous le nom de
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