Histore de la République de Gênes | Page 6

Émile Vincens
présenta à l'académie, on peut
voir toute l'importance des documents originaux qu'il a vérifiés, copiés ou traduits, et
dont il a successivement publié les plus importants dans les mémoires de l'académie, en
les éclairant par sa saine critique. Ce sont là de précieux matériaux; ils sont au premier
rang des secours que j'ai rencontrés en France, d'autant plus précieux pour moi qu'à
Gênes je n'aurais pu les atteindre.
Ces dernières recherches se rapportent presque exclusivement à l'histoire commerciale. Je
n'ai rien négligé pour me renseigner sur les autres parties. Déjà je m'étais pourvu
d'extraits de certaines notices manuscrites trouvées à la bibliothèque de l'université de
Gênes; mais à Paris, par la complaisante assistance de M. Ernest Alby, j'ai connu un
grand nombre de relations et d'opuscules qui se trouvent parmi les manuscrits de la
bibliothèque royale. Les archives du royaume où le savant M. Michelet a bien voulu
faciliter mes recherches, m'ont montré les nombreux originaux9 des actes qui
éclaircissent les singulières transactions des Génois avec notre roi Charles VI, ou avec les
rois ses successeurs, devenus à plusieurs reprises seigneurs de Gênes; actes en quelque
sorte laissés dans l'ombre par les écrivains génois: on dirait qu'ils répugnent à parler de
ces traités, et qu'ils en abrègent les récits à dessein.
Enfin, par la bienveillance de M. Mignet, j'ai pu consulter aux archives des affaires
étrangères la correspondance des ministres ou chargés d'affaires de France à Gênes,
depuis 163410 jusqu'à la cession de la Corse en 1768. Ces agents ayant été les témoins
journaliers de ce qui se passait à Gênes, et souvent les négociateurs mêlés aux
événements, ce sont les meilleurs indicateurs qu'on puisse désirer pour connaître les faits
de cette époque. Dans ce qui concerne la Corse, j'ai pris pour contrôle de ces mêmes
témoignages, le résumé des écrivains de l'île, que nous a soigneusement donné M.
Robiquet dans la partie historique de ses recherches11.
Quant aux dernières années du gouvernement détruit en 1797, à la période de l'éphémère
république ligurienne, et au temps de la réunion à l'empire français, je n'ai eu à consulter
personne: j'étais présent et témoin impartial, sinon toujours aussi désintéressé que j'aurais
voulu l'être. Pour cela même, j'ai cru devoir me borner à un simple précis des vicissitudes
de cette époque.
Nota. Quelques noms historiques ont, dans l'usage, des traductions connues en français;
j'en use quelquefois. J'écris indifféremment Fiesque ou Fiesco, Fieschi (Fliscus ou de
Fliscis en latin); Adorne et Fregose, ou Adorno et Fregoso (Fulgosius en latin). Quant à
Lomelin pour Lomellino ou Lomellini, Centurion pour Centurione, etc., cela se dit même
en génois.

LIVRE PREMIER. PREMIER GOUVERNEMENT CONNU JUSQU'A
L'ÉTABLISSEMENT DE LA NOBLESSE VERS 1157.
CHAPITRE PREMIER. Temps anciens. Première guerre avec les Pisans; Sardaigne;
Corse; état intérieur.
Le nom de Gênes est cité dans l'histoire pour la première fois, si je ne me trompe, à
l'époque de la seconde guerre punique et de l'entrée d'Annibal en Italie (534). Quelques
années plus tard, le Carthaginois Magon aborda sur la côte voisine (547), trouva la ville
sans défense, la pilla et la détruisit. Le sénat romain ordonna qu'elle serait rebâtie (549):
un préteur fut délégué pour prendre ce soin1: c'est tout ce que les historiens nous ont
transmis de plus important sur cette cité; ailleurs ils la nomment seulement à l'occasion
de l'itinéraire de quelques armées. Si les Liguriens occupent une place considérable dans
leurs récits, l'on sait que la dénomination de Ligurie a été souvent étendue du rivage de la
mer et des Apennins aux vastes plaines cisalpines. Pour être averti de ne pas confondre
l'histoire de tant de populations différentes malgré une dénomination commune, il
suffirait de remarquer que, lorsque Magon pillait Gênes, il avait pour alliés les Liguriens
les plus voisins de cette ville. C'est à Savone qu'il mettait son butin en sûreté2.
Dans le nombre singulièrement petit des monuments archéologiques qui, dans ce pays,
ont échappé aux bouleversements de tant de dévastations réitérées, il en subsiste un
très-curieux: c'est une table de bronze sur laquelle est gravée une sentence arbitrale
rendue par deux jurisconsultes romains, pour vider les différends de deux populations
voisines. La date marquée par le nom des consuls de Rome répond à l'époque de Sylla3.
Par le texte, il paraît que les habitants d'une des vallées que Gênes sépare formaient une
communauté dont cette ville était le chef-lieu. Leur trésor commun y était déposé. On
voit aussi que les Génois étaient autorisés à exiger des membres de l'association,
l'obéissance aux décrets de la justice. Strabon, au temps de Tibère, appelle Gênes le
marché de toute la Ligurie. Voilà ce que nous savons de cette ville sous l'empire romain.
Son nom latin Genua ne varie ni dans les auteurs ni dans les inscriptions; c'est l'ignorance
du moyen âge qui, ayant écrit Janua, en fit la ville de
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