Histore de la République de Gênes | Page 5

Émile Vincens
fils et son petit-fils suivirent la même
carrière. Les mémoires du grand-père, les correspondances passées par leurs mains, les
facilités données par le gouvernement lui-même, ont servi au petit-fils pour rédiger des
annales suivies, de 1500 à 1700. Chacun de ces deux siècles forme un volume. Ils sont
dédiés au sénat, l'un en 1707, l'autre en 1730, et la teneur des dédicaces autorise à
regarder l'ouvrage comme accepté et authentique. Le premier tome fut imprimé en son
temps: on ne voulut pas permettre la publication du second; il circulait à Gênes en copies
manuscrites. On trouva sans doute que les transactions avec les puissances étrangères
pendant le XVIIe siècle étaient trop récentes pour en avouer la publicité. On s'est avisé
plus tard d'imprimer ce volume, et il n'a rien enseigné à personne.
Le principal événement de l'histoire de Gênes au XVIIIe siècle (l'occupation de la ville

par les Autrichiens et sa glorieuse libération par un effort populaire) a été traité à fond
dans un ouvrage exprès, attribué à un membre de la famille Doria2. On trouve sur le
même sujet des détails curieux dans un compendio de l'histoire de Gênes3, écrit bizarre
d'un patriote du temps nommé Accinelli.
Je dois signaler une histoire de Gênes publiée il y a peu d'années par Jérôme Serra4 (mort
depuis). C'était un noble, ami libéral de son pays, qui toute sa vie avait cultivé les lettres.
Il était recteur de l'académie (université) de Gênes sous le régime impérial. Il est
regrettable qu'il n'ait pas voulu pousser son histoire au-delà de 1483. Il n'en donne que
des raisons fort vagues. Mais les considérations dues à sa position personnelle l'auront
détourné d'aborder le récit de la refonte nobiliaire de 1528; ou plutôt la révolution
populaire de 1797 l'aura découragé d'écrire, et le changement de régime en 1814 lui en
aura bien moins laissé la liberté.
On voit que la traduction des historiens génois ne suppléerait pas pour nous au défaut
d'une histoire complète de la république.
Il est un autre ouvrage qu'il ne faut pas oublier, en passant en revue les écrits historiques
génois, mais qui, comme le dernier que je viens de citer, est resté incomplet: ce sont les
Lettres liguriennes de l'abbé Oderico5. Ce savant s'était proposé de traiter successivement
les points principaux de l'histoire de son pays, dans une série de lettres; mais il avait pris
son point de départ si loin, que ses premières dissertations ne pouvaient servir de
matériaux à l'histoire génoise proprement dite. Elles roulent sur les Liguriens pris en
général, et cette dénomination est commune, comme on sait, à beaucoup de populations
très-diverses dont l'auteur recherche les traces dans une haute antiquité. Il arrivait
cependant aux temps de la domination carlovingienne, quand tout à coup il s'interrompit,
et, omettant les siècles intermédiaires, sur l'invitation de l'impératrice de Russie,
Catherine, il ne s'occupa plus que d'une investigation plus ou moins approfondie sur les
monuments des colonies génoises de la Crimée. C'est le sujet unique de ses dernières
lettres.
Il ne paraît pas qu'il ait pu s'aider des trésors scientifiques que renferment les archives de
Gênes. Elles étaient accessibles à peu de personnes, même parmi les Génois. Mais après
la destruction de l'ancien gouvernement, la classe des sciences morales et politiques de
l'Institut de France essaya d'obtenir des renseignements sur les documents enfouis dans ce
dépôt si longtemps secret. En recourant aux voies diplomatiques, un programme dressé à
l'Institut fut envoyé à Gênes au gouvernement provisoire de 1798, avec une sorte de
réquisition d'y procurer une réponse. Pour y satisfaire, on chargea des recherches désirées
le père Semini, religieux éclairé, laborieux, et tellement modeste, que son travail,
composé de quatre mémoires curieux, avec un cinquième qu'il ne put achever, parvinrent
à l'Institut sans qu'on eût pris la peine de faire connaître le nom de l'auteur6. Par un autre
accident, ces mémoires manuscrits se perdirent à la mort de l'académicien qui devait en
faire le rapport. Heureusement les minutes en étaient restées à Gênes. Je me félicite de les
y avoir vues et d'y avoir fait récolte d'utiles informations. Les notions sur les
établissements de la mer Noire, appuyées sur des actes publics, y sont plus précises que
dans les lettres d'Oderico. Quant à la colonie de Péra et Galata, objet également des
recherches de Semini, nous en avons maintenant une histoire complète et fort

intéressante7 due à M. Louis Sauli, noble génois, qui, outre les secours antérieurs, a
lui-même exploré Constantinople et les restes des monuments génois.
Les archives de Gênes ont été soumises à une autre visite, due également à l'Institut.
L'académie des inscriptions et belles-lettres la provoqua; et l'illustre Silvestre de Sacy ne
dédaigna pas de s'en charger. Il vint à Gênes vers le temps où le pays se réunissait à la
France. Dans un rapport8 très-curieux, qu'à son retour il
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