se rappeler tous les mots sans importance... enfin! Je disais donc que je m'installai aupr��s de son lit...
LE PR��SIDENT.--D��crivez-nous la chambre o�� vous vous trouviez.
BEAUJON.--C'est bien facile. C'est une chambre d'h?tel, pareille �� toutes les autres; le mobilier se compose d'un lit �� rideaux blancs, d'un secr��taire, d'une table recouverte d'un tapis et formant bureau, une table de nuit, quelques chaises et un fauteuil. Le lit fait face �� la fen��tre. J'��tais assis dans le fauteuil, devant la chemin��e dans laquelle il n'y avait pas de feu. Je voyais Defodon de trois quarts. Il ��tait tr��s gai, et nous nous m?mes �� causer.
LE PR��SIDENT.--Quel ��tait le sujet de votre conversation?
BEAUJON.--Il me serait assez difficile de vous le retracer avec ordre. Nous avons parl�� th��atre; nous ��tions all��s trois jours auparavant voir �� l'Od��on la pi��ce nouvelle de George Sand. Puis nous causames voyages. Nous avions envie de partir tous les deux pour quelque pays ��loign��... vous savez, un de ces projets comme on en fait tous les jours et qu'on n'ex��cute pas, faute d'argent.
LE PR��SIDENT.--N'avez-vous pas parl�� aussi de la fille Gangrelot?
BEAUJON.--De la Bestia? Ah! ma foi non.
LE PR��SIDENT.--Je vous interrogerai tout �� l'heure sur vos relations avec cette fille; achevez votre r��cit.
BEAUJON.--Mais vous m'interrompez �� chaque instant... J'aurais d��j�� fini. Je vous disais donc que nous causions de toutes sortes de choses, en tr��s bons amis, je vous assure. La nuit ��tait tout �� fait venue, j'allumai une lampe �� l'huile de p��trole qui, par parenth��se, n'avait ni globe, ni abat-jour. Je la mis sur la chemin��e. Elle ��clairait en plein le lit et le visage de Defodon. C'est alors que se passa la sc��ne inexplicable qui m'a amen�� ici... Ah! je me souviens, nous nous rappelions �� ce moment un vieux souvenir de Bullier, une noce de l'ann��e derni��re... Ce qui suit a ��t�� si rapide que j'ai eu beaucoup de peine �� ressaisir quelques d��tails. Defodon me parut pr��occup��; le regard fixe, il ne me r��pondait que par monosyllabes... Tout �� coup son visage s'est contract��; je ne sais pas; mais il me semble avoir vu sur sa figure, aupr��s de la bouche, quelque chose de noir comme une tache... Il a bondi sur lui-m��me en poussant un cri rauque, ��touff��, comme si le larynx e?t ��t�� violemment serr��. Il a ��tendu les bras en l'air et battu l'air de ses mains... puis il a saut�� en bas de son lit, en chemise, et s'est jet�� sur moi. Je me suis lev�� et l'ai repouss��, mais il s'est accroch�� �� moi, m'a serr�� le cou d'une main, l'��paule de l'autre. Il semblait se d��battre contre un horrible cauchemar. J'ai cru qu'il devenait fou; pour le faire reculer je lui ai port�� la main �� la gorge, ��videmment; dans ma surprise, je n'ai pas mesur�� la force de la pression... j'ai d? serrer tr��s fort. Il a port�� la t��te en arri��re, je l'ai lach��; il est tomb�� de toute sa hauteur. Je me suis baiss�� vers lui... sa face ��tait horriblement convuls��e. C'est alors que je l'ai cru mort... j'ai eu peur et me suis sauv�� en criant.
LE PR��SIDENT.--Comment votre premi��re pens��e ��tait-elle de vous enfuir plut?t que d'appeler du secours?
BEAUJON.--J'ai perdu la t��te.
D.--Ainsi, vous pr��tendez que c'est Defodon qui vous a attaqu��, sans aucune provocation de votre part, et que vous vous ��tes seulement d��fendu?
R.--Attaqu�� ne me para?t pas le mot propre. Il n'avait pas plus de raison de m'attaquer que je n'en avais moi-m��me pour lui faire du mal. Je croirais plut?t �� un acc��s de fi��vre chaude.
LE PR��SIDENT (aux jur��s).--Nous entendrons les m��decins �� ce sujet.--(�� l'accus��:) Expliquez-nous quelles ��taient vos relations avec la fille Gangrelot. (Mouvement d'attention dans l'auditoire.)
L'accus�� sourit.
--En v��rit��, dit-il, je ne comprends gu��re l'importance que l'on attache �� ces d��tails. La Bestia est une bonne fille, qui aime tout le monde et, par cons��quent, n'aime personne. Il est tr��s vrai que j'ai eu des relations avec elle, un peu comme la plupart de mes camarades. Defodon aussi. Mais de l�� �� une passion, de l�� �� de la jalousie, il y a loin. Pour ��tre jaloux de la Bestia, il y aurait eu trop �� faire...
LE PR��SIDENT.--Accus��, je vous invite �� vous exprimer convenablement et �� quitter ce ton ironique qui n'est pas en rapport avec la gravit�� de votre situation. Ainsi, vous niez qu'il y ait eu jalousie entre vous et Defodon au sujet de cette fille?
BEAUJON.--Je le nie absolument. Nous avons fait sa connaissance ensemble, un jour que nous ��tions �� Bullier. Nous ��tions un peu partis tous les deux et nous invitames la Bestia �� venir avec nous.
?--Avec qui des deux? demanda-t-elle.
?--Attends, lui dit Defodon, nous allons jouer cela au piquet. Et en effet, nous l'avons jou��e en cent cinquante li��s. C'est moi qui ai gagn��.
On comprend
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