Histoires incroyables, Tome II | Page 4

Jules Lermina
suffirai bien.
?L'��v��nement a prouv�� combien ces derniers mots, sous leur insignifiance apparente, cachaient d'ironie et de menaces.
?Un t��moin rapporte encore ce propos. Au moment o�� Defodon et Beaujon se retiraient, quelqu'un dit au premier: ?�� demain!--Oh! �� demain! fit Beaujon, je ne crois pas. Il a besoin de repos.?
?Les deux jeunes gens rentr��rent �� l'h?tel. Que s'est-il pass�� de huit �� neuf heures? c'est ce que l'accusation n'a pu ��tablir de fa?on certaine. Ils ��taient seuls, et rien n'a ��t�� entendu jusqu'�� la sc��ne supr��me. ��videmment une discussion s'engagea entre Defodon et son meurtrier. Defodon ��tait couch��. Attaqu�� par le meurtrier, il se leva pour se d��fendre et vint tomber au milieu de la chambre, tandis que Beaujon le serrait �� la gorge.
?Les explications fournies par Beaujon ne pr��sentent aucune vraisemblance. Selon lui, son ami causait avec lui de la fa?on la plus calme, lorsque tout �� coup son visage, sans raison apparente, aurait exprim�� la plus grande terreur. Il se serait lev�� de son lit, en proie �� une inexprimable frayeur, et se serait jet�� sur Beaujon, qu'il aurait ��treint fortement. L'accus�� a montr�� �� l'appui de son dire une ecchymose �� l'��paule, qui semblait en effet produite par les ongles de sa victime. Ce serait alors pour se d��fendre que Beaujon aurait saisi Defodon �� la gorge; involontairement, il aurait exerc�� une pression plus violente qu'il ne le croyait. Puis, quand il aurait vu son ami tomber sans vie, il aurait ��t�� pris d'une terreur si vive qu'il se serait enfui, ainsi qu'il a ��t�� dit.
?Ce syst��me, que tout contredit, a ��t�� soutenu par l'accus�� avec une rare t��nacit��; il n'en est pas moins inacceptable. Et toutes les circonstances, soigneusement group��es par l'instruction, prouvent qu'une fois de plus la soci��t�� a �� d��plorer un de ces crimes enfant��s par la jalousie et les passions mauvaises...
?En cons��quence, Beaujon (Pierre-Alexis) est accus�� d'avoir, dans la soir��e du 23 avril, volontairement et avec pr��m��ditation, donn�� la mort �� Defodon (Jules-Fran?ois-��mile), crime pr��vu et puni..., etc.?

III
Les d��ductions de l'acte d'accusation parurent si concluantes �� l'assistance que, de prime abord, l'opinion fut form��e, et le murmure contenu qui s'��leva indiqua une sorte de d��sappointement. On s'��tait attendu �� des d��tails plus ��mouvants; le bruit qui avait couru de d��n��gations persistantes de l'accus�� avait fait esp��rer des complications inextricables. On se trouvait au contraire en face d'un crime banal; l'��l��ment amour, si puissant dans les causes judiciaires, ��tait en quelque sorte rel��gu�� au second plan par l'indignit�� du sujet, dont le nom de Gangrelot avait excit�� quelques sourires. L'attitude de l'accus�� n'��tait point d'ailleurs de nature �� ��veiller les sympathies. Il avait ��cout�� l'acte d'accusation sans un geste, sans un mouvement quelconque d'��motion. Deux ou trois fois seulement on l'avait vu sourire et m��me hausser imperceptiblement les ��paules. Puis, peu �� peu son visage avait pris une expression d'insouciante assurance. Le v��ritable d��faut de cette physionomie ��tait dans l'absence de tout caract��re frappant et original.
Les dames qui fr��quentent les cours d'assises aiment �� trouver dans les traits du coupable quelque singularit�� en sens quelconque. L'abruti f��roce ��tonne et effraye; l'homme fatal int��resse; le fanfaron exasp��re; mais se peut-on int��resser �� un assassin qui n'effraye ni n'exasp��re?
L'interrogatoire de l'accus�� commen?a: il r��pondait �� voix basse; son accent ��tait ferme, sans aucun ��clat. D��cid��ment cet homme ��tait l'insignifiance m��me.
LE PR��SIDENT.--Expliquez-nous ce qui s'est pass�� le 23 avril?
BEAUJON.--Je vais r��p��ter les explications que j'ai donn��es au commissaire de police, au juge d'instruction, �� tous ceux enfin qui m'ont interrog�� depuis cette triste affaire. Defodon et moi nous avons quitt�� la pension vers sept heures; il se disait un peu malade. En g��n��ral, il n'��tait pas d'une bonne sant��; de plus, il s'��coutait beaucoup. Nous nous moquions m��me souvent de lui �� ce sujet, en l'appelant ?la petite dame?. Et c'��tait une plaisanterie ordinaire que de lui demander: As-tu tes nerfs? Enfin, ce soir-l��, il paraissait assez agit��; il ��tait pale, et je crus que le mieux ��tait pour lui de prendre un peu de repos. �� sept heures et demie, il ��tait couch��; et il me demanda de rester aupr��s de lui pour lui tenir compagnie...
LE PR��SIDENT.--Mais n'aviez-vous pas dit �� la pension m��me que vous passeriez la soir��e avec lui? Cela impliquerait une contradiction avec cette demande dont vous parlez pour la premi��re fois.
BEAUJON.--Le d��tail n'a pas d'importance... Je ne me le rappelle pas exactement. Toujours est-il que je restai.
LE PR��SIDENT.--Encore un mot: le croyiez-vous assez malade pour que son indisposition p?t se prolonger plusieurs jours?
BEAUJON.--Je ne comprends pas le sens de cette question.
LE PR��SIDENT.--Je m'explique. Comme un de ses amis lui disait: �� demain! vous avez r��pondu: Oh! je ne crois pas... il a besoin de repos.
BEAUJON.--Ai-je dit cela? c'est possible. Je ne m'en souviens pas.
LE PR��SIDENT.--Messieurs les jur��s entendront le t��moin. Continuez, Beaujon.
BEAUJON.--S'il fallait
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