Histoires incroyables, Tome I | Page 3

Jules Lermina
familles: voil�� une femme dont je serai l'amant.
Cela ne se discute ni ne s'explique. Cela est. C'est une agr��gation, ind��pendante de toute volition, entre telle portion d'un autre ��tre et la portion ��quivalente de votre propre nature, comme un engrenage auquel vous ne pouvez ��chapper. Il y a en lui ou en elle telle asp��rit�� qui s'accroche, par son ��volution m��me, �� un des ressorts de notre m��canisme. Et tout suit.
Moi, j'ai le flair de l'��trange: chez un homme, si innocent, si naturel qu'il paraisse �� tous, je pressens, je constate l'anormal, en si petite dose qu'il s'y trouve. L'infinit��simal m'affecte. Et une fois que j'ai ��t�� touch�� par ce ressort invisible, rien ne peut m'arr��ter. Il faut que je sache, que je suive le mouvement, l'impulsion qui m'a ��t�� communiqu��e.
C'est ainsi que cela se passa avec Me Golding, homme r��gulier, comme le balancier d'une pendule, marchant comme un rouage, vivant automatiquement ou plut?t math��matiquement. �� dix heures du matin, je le trouvais �� son bureau pour ses consultations. Et, remarquez-le, jamais une minute avant ni apr��s dix heures; �� une heure, au tribunal; �� cinq heures, dans son cabinet; �� six heures... c'est l�� ce qui me frappa.
J'��tais chez lui: nous causions de mon proc��s... oh! une mis��re... quelques centaines de dollars dont je me soucie comme d'un poisson sal��. Mais j'en avais fait une question d'amour-propre et pour la vingti��me fois--pour la centi��me, peut-��tre--je r��p��tais �� Golding les pourquoi de mon ent��tement. Il m'��coutait comme un sollicitor sait ��couter--tarifant d'avance chaque minute qui s'��coule, et r��vant d��j�� au m��moire �� pr��senter, et sur lequel je devais lire: Pour avoir conf��r�� pendant une heure du proc��s X...., 8 dollars.--Je n'avais pas pris garde �� l'heure, et lui ne me rappelait pas que l'heure de sa consultation allait ��tre achev��e. En v��rit��, nous approchions du d��nouement et cette conf��rence n'��tait pas inutile.
C'est alors,--j'entamais le dernier point de la controverse et j'allais d��montrer victorieusement que mon adversaire ��tait un malhonn��te homme, --que sonn��rent six heures: oh! doucement, tout doucement, au timbre f��l�� d'une vieille pendule vermoulue, ��chapp��e de quelque cargaison anglaise. Il para?t que six heures sonn��rent: moi je n'entendis rien, tant le timbre avait faiblement r��sonn��. Mais, instantan��ment, Golding n'��tait plus devant moi. O�� donc alors? tout �� l'heure il ��tait si solidement clou�� dans son fauteuil de cuir!... Je regardai derri��re moi, la porte de l'��tude se refermait. Il ��tait parti. Si vite, si d��lib��r��ment, sans un mot d'excuse, sans un geste d'avis!... Parti, ou plut?t gliss�� dehors.
Il y eut agr��gation entre le quelque chose, personnel �� cet homme, et ma facult�� d'investigation. Je me sentis accroch��, le cliquet ��tait tomb��.
Non, ce n'��tait pas par impolitesse, ennui ou fatigue qu'il s'��tait ainsi d��rob�� �� notre entretien. Par impolitesse? Golding ��tait la courtoisie en personne. Par ennui? Un sollicitor ne s'ennuie que de ce qui ne rapporte pas. Par fatigue? Un client ou un autre, qu'importe?
Il y avait autre chose. Quoi? Je ne le savais point, mais je le sentais. Sensation vague, intuition positive, qui ne d��finit pas, mais affirme. Pendant toute la journ��e du lendemain, je fus obs��d��, non d'un d��sir, mais du besoin de savoir. C'��tait une possession; l'id��e avait pris racine en moi; elle germait, grandissait. Je retournai chez le sollicitor �� cinq heures. Il me re?ut comme �� l'ordinaire. Nul changement, nulle g��ne, mais pas une excuse. Il semblait ne pas avoir la notion de ce qui s'��tait pass��; je n'osai pas lui en parler.
Pourquoi la question vint-elle dix fois sur mes l��vres, et pourquoi dix fois ne me sentis-je pas le courage de parler? Quelques minutes avant six heures, j'attendais... oh! comme j'attendais que le timbre f��l�� retent?t... mais on vint nous d��ranger, je dus partir, je descendis dans la rue. �� six heures, il passa aupr��s de moi, sans me voir... ou du moins je suis s?r qu'il ne me vit pas, quoiqu'il m'e?t regard��... Je pouvais le suivre, mais je jugeai qu'il ne fallait pas proc��der ainsi. Je m'en allai, pour revenir encore le lendemain, le surlendemain.
Mais le hasard--��tait-ce bien le hasard?--��tait contre moi; je ne pouvais me trouver dans son cabinet jusqu'�� six heures. Seulement, alors que je me tenais, en bas, blotti aupr��s de la porte, l'��piant, comme aurait fait un voleur qui en e?t voulu �� sa bourse, je le voyais passer, froid, calme, insensible �� tout ce qui se passait autour de lui... toujours dans la m��me direction, sans tourner la t��te �� droite ni �� gauche, regardant droit vers un but...
C'��tait un homme de quarante ans... Ah! son portrait? il ne pr��sentait rien d'��trange, aucun caract��re singulier. Les enfants ou les personnes sentimentales croient seules encore �� un rayonnement de l'��trange en dehors de l'individu, �� une trahison de la physionomie et de l'allure. Croyez-moi, d��fiez-vous, au contraire,
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