vivant bien; le coll��ge o�� il ��tait parmi les bons; puis Paris, le Quartier, les tavernes, les femmes et, un jour, la minuscule faute initiale: avoir d��pens�� dans une f��te l'argent d'un examen. Tout de m��me, quelle mentalit�� on peut avoir encore dans la bourgeoisie en province, pour punir de telles peccadilles avec des chatiments pareils. Il s'esclaffa tout seul et sans amertume pensa: Cr��tins!
Il voyait, sans le moindre ressentiment, la figure aust��re de son p��re, conservateur des hypoth��ques.
'Je te dispense d��sormais de rentrer �� la maison" furent les derniers mots de la derni��re lettre qu'il avait re?ue.
Apr��s, la d��gringolade ��tait venue rapidement. Quelques mois de vie �� cr��dit pendant la recherche d'un ouvrage qu'on ne trouve pas parce qu'on n'en avait pas avant; la saisie des malles. On demeure encore un Monsieur juste le temps que durent les habits qu'on a sur soi, c'est-��-dire tr��s peu. Quand on couche dehors et qu'on ne change pas, on use tellement. Apr��s on a faim. Un beau jour on ouvre les porti��res, on vend des fleurs et n'importe quoi, tout ce qui se pr��sente. Alors, c'est invraisemblable, ?a ne change plus. A tout prendre, d'ailleurs, dans les circonstances normales, c'est une vie comme une autre, pas meilleure et pas pire non plus; comme dans toutes les vies, il y a de bons et de mauvais moments.
Pendant qu'il laissait passer ses r��flexions, sa porte s'ouvrit doucement et soudain la lumi��re de la chambre s'augmenta de la lueur d'une seconde bougie. Plutarque vit un homme d'age moyen, assez bien v��tu, qui s'excusa :
- Pardon.
Plutarque fut contrari��. Il avait pay��, ce n'��tait pas pour qu'on vienne le voir et lui dire "pardon". Trop habitu�� �� ne pas gaspiller l'heure bonne en r��criminations, il ne se laissa point pourtant absorber par ce petit inconv��nient, et ne perdit pas une minute �� se demander ce que cet homme bien habill�� pouvait venir faire dans cet h?tel. Il lui int��ressait peu de savoir si son visiteur commen?ait la phrase descendante par laquelle lui-m��me avait pass��, si c'��tait un policier ou un d��traqu�� vicieux �� la recherche d'une combinaison extraordinaire. Dans son monde �� lui, comme on ne s'��tonne plus, on ne s'occupe gu��re des affaires des autres: les siennes suffisent.
La pluie dehors battait une charge sur le toit de zinc, et la classique et sadique satisfaction de sentir qu'on est �� l'abri soi-m��me pendant que les autres pataugent, l'envahissait. Malheureusement, depuis un moment des tranch��es aga?antes lui tenaillaient le ventre, de plus en plus lancinantes. Il pensa que c'��tait la cro?te garnier ou au moins la sauce qui faisait des difficult��s pour passer. Comme il n'y a rien de tel pour dig��rer que le sommeil, il souffla sa chandelle et s'endormit presqu'au commandement, ainsi qu'il ��tait accoutum�� par les n��cessit��s de ses nuits non tranquilles.
Sa p��nible digestion le r��veilla. Il faisait encore noire dans la chambre. Maintenant il avait chaud et ses tempes battaient. Il alluma sa bougie; comme d��cid��ment ?a n'allait pas dans cette atmosph��re ��touff��e, il ��prouva le besoin de respirer, se leva et sortit dans le couloir obscur. Press��, son pied buta dans quelque chose et il s'allongea sur un corps couch�� l��; sa figure toucha une figure et �� la lueur de sa bougie qui coulait sur le plancher, il reconnut l'homme qui avait ouvert sa porte. Le visage ��tait congestionn��, les yeux vicieux gonfl��s; sur la bouche s'��tait fig��e une fraise de sang. Plutarque fit un r��tablissement sur ses mains, se redressa et sans la moindre h��sitation, feutrant son pas, �� croire qu'il foulait de la mousse, il marcha vers la porte, cria:
- Cordon...
et sortit.
Dehors, il ne se hata pas, tourna �� tous les carrefours rencontr��s, d��cid�� �� aller loin, tr��s loin dans le quartier qu'il se rappellerait en route avoir le moins fr��quent��. C'��tait �� peine si son coeur battait plus vite. Il n'avait plus du tout mal au ventre.
L'homme ��tait-il mort ou vivant dans le couloir de l'h?tel? C'��tait encore "une affaire des autres". Mais allait-on l'impliquer dans l'affaire, le cueillir lui-m��me? C'��tait bien le motif qui l'avait fait fuir, mais qu'y pouvait-il? C'��tait oui ou non. Il fallait se donner toutes les chances. Apr��s tout, en dehors des formalit��s, des discussions, de l'audience, bien au fond, la prison ne change pas tant les choses. Il se rappelait la caserne. Toujours des avantages et des inconv��nients, comme dans toutes les vies, comme dans la maraude, de plus on est nourri, somme toute... et log��.
III
Il faisait noir encore quand il arriva aux Gobelins. C'��tait l�� qu'il avait pens�� ��lire domicile, parce que quand on est gueux, �� la diff��rence des bourgeois, on ne demeure pas dans une maison ou dans une rue, mais dans un quartier tout entier. Dans le petit bar qui venait de s'ouvrir, il avait presque pris cette d��cision,
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