Histoire dun baiser | Page 6

Albert Cim
que tu ne sortiras pas! rugit Richefeu.
--Je te dis que je sortirai!
--Je te dis que non, moi!
--Je te dis... Au revoir, Nestor! A tout �� l'heure, ma vieille!
* * * * *
Pour rien au monde, Nestor Richefeu n'e?t omis de se trouver �� la pharmacie le lendemain, �� l'heure de la messe. Calculant que Mlle Desormeaux profiterait tr��s probablement de sa sortie matutinale pour apporter, comme la veille, une nouvelle ordonnance du docteur, il s'��tait embusqu�� derri��re les bocaux de la montre, et il ��piait sa venue, son passage tout au moins. Mais Th��odule Lardenois, lui aussi, ��tait fid��le au poste et guettait sa proie. Lorsqu'il la vit entrer, il se pr��cipita...
--Monsieur Lardenois, faites-moi donc le plaisir d'aller au laboratoire surveiller votre d��coction de salsepareille. Voil�� trois quarts d'heure qu'elle est sur le r��chaud.
--Monsieur, je n'ai pas d'ordres �� recevoir de vous!
--Je vous demande mille pardons, monsieur, vous avez des ordres �� recevoir de moi. M. Pichancourt vous l'a d��j�� dit; il vous le r��p��tera, s'il le faut. Et puis, pas de discussion devant les clients, n'est-ce pas, je vous prie: filez au laboratoire, allons! acheva Richefeu.
Comme Nestor Richefeu l'avait devanc�� aupr��s de Mlle Desormeaux et s'��tait empar�� d��j�� du carr�� de papier--l'ordonnance--qu'elle tenait �� la main, l'infortun�� Lardenois n'avait plus qu'�� se soumettre �� cette humiliante injonction,--�� c��der la place �� son rival, et c'est ce qu'il fit rageusement, tout furibond et fulminant.
Mais, aussit?t la jeune fille partie, il se rua du laboratoire dans la pharmacie, apostropha Richefeu, l'accabla d'insultes, donna libre cours �� tout son d��pit et son exasp��ration.
Richefeu ne manqua pas de se rebiffer, comme bien on pense. Les gros mots, ainsi que des volants de raquettes, rebondirent de part et d'autre; de part et d'autre, les menaces retentirent, les provocations, cri��es �� tue-t��te, firent trembler tous les bocaux de l'officine et se r��percut��rent jusqu'�� l'extr��mit�� de la place de la Mairie.
?Je t'apprendrai, moi!--Ah! je le montrerai, moi!...--Oui, tu sauras!...--Voyez donc le joli merle!--Regardez donc ce grand serin!...--Ne m'��chauffe pas les oreilles plus longtemps, ou bien!...--N'ach��ve pas, sinon!...--Je ne r��ponds plus de moi, Lardenois, je t'en avertis!...--J'en ai assez, Richefeu, je te pr��viens!...?
Bref, ils faillirent en venir aux mains, et, sans l'intervention de leur coll��gue Cabrillat, ils eussent tr��s certainement pass�� des paroles aux actes et transform�� la pharmacie en champ d'honneur.
Cabrillat leur fit comprendre tout le danger et tout le ridicule de leur conduite. Mme Pichancourt, dont l'appartement ��tait situ�� au premier ��tage, au-dessus m��me du magasin, pouvait les entendre. Alexandrine, la cuisini��re, attir��e par le bruit, venait de se glisser dans le laboratoire, pour ��couter tout �� son aise.
--Oui, messieurs, elle ��tait l�� il y a un instant. Que le patron ait vent de l'affaire, et... vous devinez ce qui en r��sultera pour vous deux? Et tenez, tous ces gamins rassembl��s devant la porte... C'est �� vous qu'ils en ont, c'est pour assister au spectacle... Quel scandale!
La querelle s'apaisa donc ce jour-la, mais pour reprendre de plus belle le lendemain et se continuer de plus belle encore les jours suivants. En vain Richefeu invoquait-il ses pouvoirs et s'effor?ait-il d'imposer silence �� son rival: celui-ci haussait les ��paules, l'envoyait promener, lui et son autorit��, le narguait, le d��fiait, lui montrait le poing.
--Approche donc!... Viens donc un peu ici, que je te rabatte le caquet!
--Monsieur Lardenois, vous ferez tant que je me verrai dans la n��cessit�� de...
--D'aller moucharder aupr��s du patron, n'est-ce pas?
--De l'instruire de ce qui se passe et de le mettre en demeure de choisir entre vous et moi, monsieur Lardenois!
--Et moi, je lui raconterai, au patron, de quelle jolie mani��re vous justifiez la confiance qu'il a en vous, et �� quoi vous employez votre temps et consacrez vos pr��rogatives. Quand il saura que c'est �� courtiser et accaparer toutes les clientes de la maison, nous verrons la mine qu'il fera et s'il tiendra tant que ?a �� ne pas se priver de votre pr��cieux concours, monsieur Nestor Richefeu!
Le fait est que Nestor Richefeu, ne se sentant pas la conscience absolument nette, ��tait peu dispos�� �� porter plainte contre son subordonn��. Comme, malgr�� tous les baumes, lotions et frictions, le rhumatisme de M. Desormeaux s'obstinait �� ne pas d��guerpir, Mlle Adrienne continuait ses visites �� la pharmacie avec la m��me fr��quence et la m��me r��gularit��, et il ne se passait pas de jour, pas d'heure m��me pour ainsi dire, que F��lix Cabrillat ne se trouvat contraint de rappeler ses coll��gues, ses ?anciens?, �� l'ordre et au calme, voire d'arr��ter les mains et mettre le hol�� entre eux.
--Battez-vous une bonne fois, finit-il par leur conseiller en sa qualit�� de fils de ma?tre d'armes; d��cidez-vous pour le fleuret, l'��p��e ou le pistolet; mais, de grace, plus de disputes, plus de criailleries,--la paix!
--Eh bien, c'est cela! Oui, Cabrillat a raison; battons-nous! clama Lardenois.
--Battons-nous! Oui, il le faut! Un
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