Histoire dun baiser | Page 7

Albert Cim
de nous est de trop sur terre! Battons-nous! glapit �� son tour Richefeu, qui, en pr��sence du z��le et de la fougue de son adversaire, ne pouvait d��cemment para?tre reculer.
Mais ni l'un ni l'autre n'avait jamais tenu un pistolet, jamais mani�� fleuret, sabre ou ��p��e.
--A coups de poing! La boxe! vocif��ra Lardenois tout enflamm��.
--Comme des goujats, des ivrognes?... Fi donc! repartit Cabrillat. C'est pour le coup que M. Pichancourt trouverait que vous causez pr��judice �� son ��tablissement, que vous d��shonorez la corporation tout enti��re! Non, pas de pugilat, mes amis!
--Cependant...
--Mais alors?...
--Eh! mordienne, pas n'est besoin d'avoir hant�� les salles d'escrime ni les tirs pour ��tre �� m��me d'appuyer le doigt sur la gachette d'un pistolet!
--Sans doute, mais...
--Il s'agit de viser! objecta Richefeu. Il ne put les convaincre.
Le soir m��me une nouvelle altercation ayant ��clat��, Cabrillat revint �� la charge et somma les deux adversaires d'en finir, une fois pour toutes.
--Ou sinon c'est moi qui aviserai le patron! C'est insoutenable, cette vie-l��, c'est �� devenir fou, ma parole! Si vous ne voulez pas vous aligner sur le terrain, tirez au sort celui de vous deux qui devra dispara?tre, se loger une balle sous le menton, avaler une pilule de cyanure ou de strychnine, ou s'ouvrir le ventre �� la japonaise! Comme bon vous semblera! Mais pour Dieu! terminons-en!
--Tiens, mais...
--C'est une id��e! acheva Richefeu.
--Oui, nous tirerons au sort, reprit Lardenois. Tu nous pr��pareras deux pilules, Cabrillat...
--Ah! vous vous d��cidez pour les pilules?
--Oui! Il y en aura une d'inoffensive; l'autre renfermera un poison des plus ��nergiques et dont tu nous tairas le nom, afin que nous ne puissions d��couvrir sur-le-champ l'antidote, tu comprends?
--Parfaitement, r��pondit Cabrillat. Quoique... Vilaine besogne dont vous me chargez l��! C'est �� moi que la justice s'en prendra, moi qui serai responsable...
--Ne t'inqui��te pas, interrompit l'enrag�� Lardenois. Nous aurons soin de mentionner par ��crit que c'est volontairement que nous nous donnons la mort. Tant mieux pour celui qui survivra!
--Alors, comme ?a, soit! N��anmoins, ajouta Gabrillat, je crois, qu'il serait bon..., afin d'��viter les comm��rages et d'emp��cher que le nom de Mlle Desormeaux ne f?t m��l�� l��-dedans..., qu'il serait pr��f��rable que l'affaire e?t lieu hors de la ville, ou m��me de l'autre c?t�� de la fronti��re...
--En effet! r��pliqua Richefeu.
--Je ne demande pas mieux, dit Lardenois.
--L'un de vous pourrait, par exemple, se rendre �� Gen��ve, l'autre �� Berne ou �� Lausanne... De cette fa?on, le r��sultat de... du duel causera moins de rumeur ici; l'origine, le r��el motif, en sera moins facile �� d��m��ler...
--Il a raison! s'��cri��rent ensemble les deux pr��tendants.
--Tu n'as plus maintenant qu'�� confectionner les pilules: je suis pr��t! clama Lardenois.
--Et �� nous faire tirer au sort: j'en grille d'impatience! acheva Richefeu.
[Illustration: L'aust��re et vigoureuse ��pouse ��tait entr��e, et... clic! clac! avait administr�� �� monsieur une superbe paire de soufflets. (Page 6.)]
Le dimanche suivant, qui ��tait pr��cis��ment le jour de sortie de MM. Nestor Richefeu et Th��odule Lardenois, nos deux potards montaient en wagon �� une demi-heure d'intervalle et se dirigeaient le premier sur Gen��ve, l'autre sur Berne. Tous deux emportaient, soigneusement enfouie dans une poche de leur portefeuille ou au fond de leur porte-monnaie, une microscopique bo?te ronde contenant la susdite pilule,--la vie ou la mort.
A Gen��ve, aussit?t hors de la gare, Richefeu, qui, malgr�� ses tr��s l��gitimes appr��hensions, se sentait un imp��rieux app��tit, s'achemina vers un des plus confortables h?tels de la rue du Mont-Blanc, y retint une chambre et s'assit �� la table d'h?te, o�� il fit amplement et magnifiquement honneur au d��jeuner. Il alluma un cigare ensuite, un pur havane, et alla s'installer sur la terrasse d'un caf�� du Grand-Quai.
Apr��s s'��tre d'abord dit, s'��tre fermement et irr��vocablement promis, qu'aussit?t descendu du train, il se d��barrasserait de sa terrible incertitude et liquiderait son sort, il s'effor?ait �� pr��sent de chasser cette anxieuse id��e, de se donner le change et s'��tourdir: il ��tait r��solu de reculer le plus possible l'��pouvantable ��ch��ance.
Il faisait un temps inesp��r��, un clair et gai soleil de l'��t�� de la Saint-Martin. R��confort��, malgr�� lui pour ainsi dire, et ragaillardi par la fine bouteille de pomard dont il avait arros�� son dessert, par la tasse de moka et les petits verres de chartreuse qu'il venait d'absorber, aussi bien que par cette radieuse apr��s-midi, ces pimpantes toilettes qui d��filaient sous ses yeux, ces sveltes tailles, ces minois provocants, par ce lac superbe, cette immense nappe d'azur et d'argent qui miroitait en face de lui, par tout ce r��jouissant spectacle et ce f��erique panorama, Nestor Richefeu s'abandonnait �� une sorte d'ivresse guillerette et fringante, savourait tout le bonheur de vivre.
De temps �� autre pourtant, ses sourcils se fron?aient soudain, un frisson le secouait: l'horrible pens��e lui ��tait brusquement revenue �� l'esprit, lui avait travers�� le coeur comme un coup de poignard.
--Baste! nous verrons ce soir, apr��s le d?ner... J'ai encore le temps!... A quoi bon se tourmenter
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