Castiglione déplore sa perle dans Je quatrième livre de son Cortegiano,
dont César Gonzague est un des interlocuteurs. Ses poésies ont été
publiées à Rome en 1760, avec celles du Castiglione, et sont précédées
de sa vie par l'abbé Pietro Antonio Serassi, qui a publié également le
Recueil des lettres du Castiglione.]
Il paraît que le marquis se trouva blessé de cette résolution du
Castiglione: bien qu'il n'osât pas lui refuser l'autorisation d'entrer au
service de son beau-frère, il en garda rancune pendant très-longtemps à
notre chevalier, à ce point de lui interdire l'entrée de ses États et de ne
pas vouloir qu'il y pénétrât même pour voir sa mère. On ignore le motif
véritable de ce mécontentement. Peut-être prenait-il sa source dans le
regret qu'éprouvait le marquis de Mantoue de voir un de ses parents, un
de ses sujets, un courtisan accompli, auquel il avait déjà donné des
témoignages nombreux de sa bienveillance, l'abandonner sans cause
apparente pour servir un autre prince. Quoi qu'il en soit, il est certain
que le ressentiment de Francesco de Gonzague ne fut pas sans influence
sur l'avenir du Castiglione.
Son nouveau seigneur, le duc d'Urbin, était alors en campagne dans la
Romagne, pour reconquérir les châteaux et les villes fortifiées que le
duc de Valentinois y avait encore conservés. Le Castiglione quitta
Mantoue au milieu de l'été 1504, pour se rendre au camp sous les murs
de Cesène. Il fut accueilli avec beaucoup d'empressement par
Guidobalde, qui lui confia sur-le-champ le commandement de
cinquante hommes d'armes, avec une solde de quatre cents ducats par
an. Mais il ne fut pas heureux dans cette première campagne; car son
cheval s'étant abattu sous lui, il se fractura un pied d'une manière si
grave, qu'il eut beaucoup de peine à se remettre de cette blessure. Il en
souffrit longtemps et ne se rétablit complètement que l'année suivante,
après avoir été prendre les bains de San Casciario, près de Sienne.
Cependant Guidobaldo, après avoir recouvré les villes de Cesène,
d'Imola et de Forli, se disposa à rentrer, avec ses troupes, dans la
capitale de ses États.
Située sur les pentes de l'Apennin, du côté de l'Adriatique et vers le
centre de l'Italie, la petite ville d'Urbin, bien que placée au milieu de
montagnes escarpées, est entourée d'un pays fertile et qui produit tout
ce qui est nécessaire à la vie. De nos jours, cette ville est complètement
oubliée; elle est même, le plus souvent, négligée par les voyageurs qui
visitent l'Italie, et le nom seul du plus illustre de ses enfants, l'immortel
Raphaël Sanzio, la défend à peine contre l'indifférence des touristes.
Vers le commencement du seizième siècle, il n'en était point ainsi. Elle
avait eu le bonheur d'être gouvernée par un prince sage, ami de la paix
et des lettres, Frédéric della Rovère, père de Guidobaldo. Ce prince,
malgré les agitations de sa vie et les vicissitudes auxquelles son règne
fut exposé, avait montré en toute occasion un goût prononcé pour les
arts et pour les lettres. Il avait fait élever dans sa petite capitale un
magnifique palais qui passait alors pour le plus remarquable qu'il y eût
en Italie: et non-seulement il l'avait rempli des objets les plus riches,
comme c'est l'usage dans les habitations des souverains, tels que vases
d'argent, meubles de chambre, des plus belles étoffes de drap d'or, de
soie et autres semblables; mais il s'était surtout efforcé de l'orner d'un
grand nombre de statues antiques de marbre et de bronze, de peintures
excellentes et d'instruments de musique de toutes espèces; n'admettant
dans ce palais rien qui ne fût très-rare et très-beau. Ce n'est pas tout: il
réunit à grands frais une quantité considérable d'excellents ouvrages
hébreux, grecs et latins, qu'il fit garnir d'ornements d'or et d'argent,
étant persuadé que sa bibliothèque était ce que son palais renfermait de
plus précieux. Il eut pour successeur son fils Guidobaldo, héritier de ses
goûts et de ses vertus, et qu'une éducation distinguée, sous la direction
des meilleurs maîtres, avait initié à tous les trésors de l'antiquité
grecque et latine. Malheureusement, ce prince, dès sa vingtième année,
fut atteint d'affreuses douleurs de goutte qui ne tardèrent pas à le priver
de l'usage de ses jambes et le conduisirent au tombeau, étant encore à la
fleur de l'âge. Mais cette infirmité même contribua probablement à
rendre le séjour d'Urbin plus agréable pour les hôtes qu'il y attirait. Car
obligé de chercher des distractions dans d'autres plaisirs que la chasse,
ou les exercices du corps, alors fort en vogue, Guidobalde passait tous
les loisirs que lui laissait la guerre ou la politique dans les réunions de
savants, d'artistes et de courtisans accomplis, qui de toutes les parties
de l'Italie se donnaient rendez-vous à la cour d'Urbin. La duchesse,
Elisabeth Gonzague, n'était pas moins distinguée par son esprit que par
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