enlever le dais. Cependant il n'y eut pas de sang de répandu,
mais seulement un peu de tumulte. Le lundi matin, nous allâmes à la
cour, accompagnant notre illustre duc. Le roi sortit pour entendre la
messe à Saint-Ambroise, toujours escorté par ses hallebardiers et
accompagné de tous les seigneurs ci-dessus nommés. La messe fut
chantée par l'évêque de Plaisance[16]. La messe dite, et après avoir
reconduit le roi au château, nous allâmes dîner, et ensuite nous
revînmes à la cour. Mardi matin, notre duc, à la pointe du jour, se rendit
à la cour avec deux ou trois cavaliers portant un faucon au poing, car
ainsi le roi l'avait ordonné, et ils sortirent dans la campagne. Cette
matinée, je n'ai pas quitté la maison. Je ne vous écris pas en quel état
sont les affaires de notre illustre maître, parce que vous recevrez la
visite de personnes qui sont mieux instruites que moi; mais aux grandes
démonstrations d'amitié que j'ai vues, et à la grande intimité qui s'est
établie entre le roi et notre illustre duc, il m'a semblé comprendre qu'il y
avait entre eux une grande conformité d'inclinations, de telle sorte que
j'ai bon espoir que les choses s'arrangent au mieux de nos désir.»
[Note 16: Fabricio Marliano, de Milan, premier évêque de Tortone
prélat célèbre.--Voy. sur ce personnage, L'Ughelli, Ital. sacr., II, p.
233.]
Les prévisions du Castiglione nef le trompaient pas: le marquis de
Mantoue, bien qu'il eût combattu peu de temps auparavant contre
Charles VIII, sut si bien se faire agréer par son successeur, que ce
prince le nomma son lieutenant pour l'entreprise qu'il méditait de la
conquête du royaume de Naples.
Le Castiglione se trouva, en 1503, à la bataille du Garigliano, que le
marquis de Mantoue livra aux Espagnols et qu'il perdit, suivant les
historiens italiens, parce que les troupes françaises et leurs chefs
refusèrent de lui obéir. Dégoûté par cet échec du service de la France,
le marquis abandonna l'armée, accordant au Castiglione, ainsi qu'il le
désirait, la permission de venir à Rome.
Jules II venait d'être élu pape à la place de Pie III, qui n'avait occupé là
chaire de saint Pierre que pendant vingt-six jours. Témoin des malheurs
de l'Italie, qui servait comme d'enjeu aux prétentions des Français et
des Espagnols, ce grand pontife voulait augmenter la force et
l'importance des États de l'Église, afin de pouvoir plus facilement
assurer leur indépendance. Dans ce but, il avait appelé à Rome
Guidobaldo da Montefeltro, duc d'Urbin, qui venait de recouvrer ses
États, grâce à l'appui de la république de Venise, grâce surtout à la mort
d'Alexandre VI et à la haine qu'inspirait son fils le duc de Valentinois,
son implacable ennemi. Guidobaldo, marié depuis longtemps à
Elisabeth de Gonzague, soeur du marquis de Mantoue, n'avait pas
d'enfants. Il souffrait cruellement de la goutte, et tout annonçait qu'il ne
fournirait pas une longue carrière.
Jules II, en lui rendant l'investiture du duché d'Urbin, dont l'avait
dépouillé Alexandre VI au profit de César Borgia, son fils, et en lui
accordant le généralat des troupes de l'Église, avait obtenu de
Guidobaldo qu'il adopterait son neveu, Francesco Maria della Rovère.
Ces importantes négociations se poursuivaient à Rome vers la fin de
1503, lorsque le Castiglione se rendit en cette ville, après la bataille du
Garigliano[17].
Tous les historiens contemporains s'accordent à reconnaître que
Guidobaldo était un prince ami des sciences et des arts, et versé dans
les lettres grecques et latines. Parmi les courtisans qu'il avait amenés à
Rome à sa suite, se trouvait César Gonzague, cousin germain de
Balthazar, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et comme lui
très-amateur des belles-lettres[18]. Ils étaient liés, depuis leur enfance,
non moins par les liens de l'amitié que par ceux du sang. Par son
entremise, le Castiglione fit facilement la connaissance du duc d'Urbin,
et il fut si satisfait de son accueil, qu'il désira s'attacher à sa fortune et
se fixer à son service. Mais il lui fallait obtenir la permission du
marquis de Mautoue, son seigneur suzerain; il quitta donc Rome, et se
rendit en cette ville pour la solliciter.
[Note 17: Baldi, dellia Fita e di fatti di Guidobaldo da Montefeltro,
duca d'Urbino, t. II, lib. X, p. 148 et suiv.--Milano, Silvestri, 1821,
in-8.]
[Note 18: César Gonzague joignait à la gloire des armes le goût des
lettres, et il était doué d'un jugement si prompt et si sûr, qu'il réussit
aussi bien dans la poésie et le maniement des affaires que dans la
guerre. Après la mort du duc Guidobaldo, il passa au service de son
successeur, Francesco della Rovère, auquel il rendit des services
signalés. Ayant réduit, en 1512, la ville de Bologne sous l'obéissance de
Jules II, il y fut pris de la fièvre et y mourut à la fleur de l'âge. Le
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