Histoire des plus célèbres amateurs italiens et de leurs relations avec les artistes | Page 5

Jules Dumesnil
du plat le
cou du messire Évangélista, notre maître de manége, qui ne lui avait dit
ni fait chose au monde. Quand il plut à Dieu, le roi parut. On entendit

d'abord sonner les trompettes, puis on vit s'avancer les fantassins
allemands[13] avec leur capitaine en avant à cheval, eux à pieds avec
leurs lances sur l'épaule, suivant leur coutume, tous avec une grande
veste verte et rouge et les bas de même. Ils étaient une centaine
d'hommes, les plus beaux qu'on puisse voir: on les nomme
l'avant-garde. Venait ensuite la garde du roi que l'on dit n'être
composée que de gentilshommes; ils étaient cinq cents archers à pied,
sans arcs, mais chacun tenait une hallebarde à la main avec un casque
en forme de coupe, un vêtement rouge et vert depuis les épaules
jusqu'au bas du dos, avec une broderie sur la poitrine et sur les cuisses.
[Note 8: Le marquis de Mantoue, Jean-François Gonzague.]
[Note 9: César Borgia, duc de Valentinois, fils du pape Alexandre VI.]
[Note 10: Jean Borgia, archevêque de Montréal, neveu du pape
Alexandre VI.]
[Note 11: Julien de la Rovère, qui fut ensuite Jules II.]
[Note 12: Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, premier ministre
de Louis XII.]
[Note 13: Les Suisses de la garde du roi.]
Cette broderie représentait un porc-épic secouant et lançant ses
dards[14]. Venaient après les trompettes du roi; ensuite les nôtres avec
un vêtement comme celui des arbalétriers, en satin. Immédiatement
après était le roi, précédé de seigneur messere Jean-Jacques Trivulce,
tenant en main le bâton de commandement. De chaque côté de Sa
Majesté, quelques-uns de ses barons, savoir: monseigneur d'Obigni[15],
de Ligne et d'autres que je ne connais pas. Par derrière étaient les
cardinaux ci-dessus nommés, chacun selon son rang, et le duc de
Ferrare; notre duc était placé entre le duc de Montpensier et un autre
dont je ne me rappelle pas le nom. Le fils du pape était mis
très-galamment. Ils marchaient tous en ordre selon le rang de leur
dignité. Venaient ensuite beaucoup d'autres seigneurs et une foule de
gentilshommes, et des prélats tant milanais qu'étrangers. Fermaient la

marche deux cents gentilshommes français, hommes d'armes, tous
armés et galamment habillés.
[Note 14: On sait que Louis XII avait pris le porc-épic pour emblème,
avec cette devise: Cominus et Eminùs, voulant faire entendre que ses
armes étaient aussi redoutables de loin que de près; par allusion au
porc-épic, qui perce de ses dards celui qui veut le prendre, et les lance
au loin, on le croyait alors, contre ceux qui l'irritent.]
[Note 15: Grand connétable, un des meilleurs capitaines que Charles
VIII eût conduits avec lui en Italie. Il périt dans l'expédition de Louis
XII, en combattant contre les Espagnols en Calabre, en 1503, mis en
déroute et fait prisonnier dans, les lieux mêmes où peu d'années
auparavant il avait vaincu si glorieusement le roi Ferdinand et Gonsalve
de Cordoue. Son nom était Edouard Stuart, de la famille royale
d'Ecosse. Voy. Guicciardini, lib. V.]
Tel était le cortège qui accompagnait le roi dans toute l'étendue de cette
rue qui, à partir du château, était couverte de draps et ornée de chaque
côté de damas, de tapisseries et d'autres décorations. Un habitant,
voulant montrer qu'il était attaché au roi, avait placé les armes de S. M.
au-dessus de sa porte avec les plus beaux ornements qu'il avait pu
imaginer. La rue était toute remplie de monde, et le roi allait regardant
les dames que, dit-on, il aime assez. Au-dessus de sa tête, un dais de
brocart d'or était porté par des docteurs vêtus de robes rouges, avec le
collet et le bonnet brodés de vair. Autour du cheval marchaient
quelques gentilshommes milanais, de la première noblesse, en bon
ordre. Le cheval du roi a les jambes fines comme un cerf; il est d'une
taille moyenne, mais c'est un joli cheval, bien qu'il remue trop sa tête.
Sa Majesté avait sur les épaules un manteau ducal de damas blanc. Il
portait un bonnet ducal de la même-étoffe, brodé de vair. Il s'avança
dans cet ordre jusqu'au château. La place était pleine de monde, et, pour
le passage du roi, les arbalétriers gascons à pied, le casque à coupe en
tête et vêtus de ces grandes vestes que j'ai décrites, mais non brodées,
étaient obligés de faire place. Ces Gascons sont hommes de petite taille;
les archers, au contraire, sont d'une forte corpulence. C'est dans cette
pompe que S. M. le-roi de France fit son entrée dans le château de

Milan, ouvert auparavant par le duc (Louis Sforce) à la fine fleur des
talents et de tous les hommes distingués, et maintenant rempli de
cantines et plein de l'odeur des cuisines. On dit qu'en entrant dans son
enceinte, le roi mit encore l'épée à la main et fit peur à quelques-uns qui
voulaient
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