des auteurs grecs et latins, consignant par
écrit ses observations et ses commentaires, et montrant ainsi la finesse
et la sagacité de son esprit, qui savait découvrir les beautés les plus
cachées de ses modèles. Les écrivains auxquels il donnait la préférence
et qu'il se rendit familiers furent, en grec, Homère et Platon, types de la
pureté antique; en latin, Virgile, Cicéron et Tibulle, non moins dignes
d'être admirés. Le goût décidé qu'il conserva toute sa vie pour ces
grands génies de l'antiquité ne le détourna pas d'étudier également les
ouvrages les plus remarquables de sa langue naturelle. Il aimait
particulièrement Dante, Pétrarque, Laurent de Médicis et Politien: il
admirait dans l'auteur de la Divine Comédie l'énergie et la science; chez
le chantre de Laure la tendresse et l'élégance; et chez Laurent de
Médicis et Politien le feu naturel et la facilité.
[Note 5: Notamment du grand Léonard de Vinci.]
Il n'est pas douteux que le Castiglione dut à l'influence de ces fortes
études, continuées pendant sa vie entière, l'amour du beau, et par suite
cette pureté de goût et cette rectitude de jugement que lui enviait
Raphaël, le maître de la beauté idéale. Il fut également redevable à cette
instruction, acquise au contact d'hommes supérieurs, de cette
bienveillance, de cette philosophie pratique qui ne l'abandonna jamais
dans tout le cours de sa carrière. On reconnaît cette disposition de son
esprit en parcourant ses lettres: on y voit que s'il eût été libre de vivre à
sa manière, il aurait préféré le séjour de Rome et la société des artistes
et des gens de lettres au bruit des camps et aux intrigues de la politique.
La longue résidence qu'il avait faite à Milan, son habileté dans tous les
exercices du corps, la connaissance des langues anciennes et de la
littérature italienne, et par-dessus tout l'amabilité de son caractère lui
avaient attiré l'estime de toute la cour du duc Louis Sforce. Il désirait
entrer au service du ce prince, et il aurait vu se réaliser ses espérances
sans l'invasion des Français en Italie, qui vint ruiner tous ses projets.
Son père, blessé à la bataille du Taro, mourut quelques jours après.
Louis Sforce fut dépouillé de ses États, et Balthasar obligé de se retirer
à Mantoue. Il y fut reçu avec beaucoup de bienveillance par le marquis
Francesco, parent de sa mère; ce prince se proposant, peu de temps
après, d'aller à Pavie à la rencontre du roi de France, voulut que le
Castiglione l'accompagnât dans ce voyage, et fit partie des
gentilshommes de sa suite. C'est ainsi qu'il put assister à l'entrée du roi
Louis XII, à Milan, le 5 octobre 1499.
Dans une lettre adressée de Milan, le 8 octobre 1499, à messere Jacques
Boschetto de Gonzague, son beau-frère[6], le Castiglione fait de cette
entrée la description suivante, qui nous a paru digne d'être rapportée[7]:
[Note 6: Il avait épousé sa soeur Polixène.]
[Note 7: Lettres du Castiglione, t. Ier, p. 3, in-4.]
«Vous aurez sans doute appris l'entrée de S. M. le roi de France à Pavie.
Notre très-illustre seigneur[8] resta jusqu'à samedi dernier à Pavie avec
Sa Majesté, et ce soir vint à Milan. Le dimanche, après le déjeuner, il
alla à la rencontre du roi qui vint à Saint-Eustorgio, église située hors la
ville, à la porte du Tésin, et y resta un bon bout de temps. Le roi y reçut
de la main de messere Jean-Jacques (Trivulce) le bâton de
commandement de l'État et une épée. Le roi donna l'épée à
monseigneur de Lignino, qui est grand chambellan et maréchal du
royaume de France. Il rendit le bâton à messere Jean-Jacques. Ceci se
passa dans le couvent de Saint-Eustorgio; je ne l'ai pas vu, mais on me
l'a dit. Pendant ce temps entraient dans la ville plusieurs compagnies
d'archers et d'autres Français confusément et sans ordre, des bagages,
des prélats, des chevaliers; tandis qu'un grand nombre de
gentilshommes milanais sortaient de la ville en s'efforçant de garder le
meilleur ordre. On vit entrer dans la ville environ douze voitures du fils
du pape[9]; les unes étaient couvertes de velours noir, les autres de
brocart d'or. Elles étaient accompagnées d'autant de pages, montés sur
de forts chevaux et très-bien habillés à la française, ce qui était beau à
voir. Ensuite s'avancèrent à la rencontre de S. M. le roi les cardinaux
Borgia, légat[10], de Saint-Pierre-aux-Liens[11], et de Rouen[12], tous
les trois ensemble. Cependant des gentilshommes, des seigneurs et des
chevaliers français ne cessaient d'aller et venir dans cette rue, regardant
les dames et faisant faire des gambades à leurs chevaux, beaux chevaux,
mais mal manoeuvres. La plupart de ces chevaliers étaient armés, et ils
heurtaient les personnes qui se trouvaient sur leur passage. Il y eut un
archer qui prit en main son coutelas et en frappa violemment
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